Entre coopération économique et disputes politiques, le Pérou et la Bolivie multiplient les tentatives de rapprochement et de projets communs, afin de mettre derrière eux leurs conflits des siècles.


Seulement, s'ils partagent sur de nombreux points une histoire commune, remontant jusqu’à l’Empire Inca, des tensions sont venues s’interposer et ont fragilisé la région andine.
Des racines partagées : quand Pérou et Bolivie ne faisaient qu’un
Avant de devenir deux nations distinctes, le Pérou et la Bolivie faisaient partie d’un même territoire, donnant lieu à une histoire étroitement liée. En effet, la partie occidentale de la Bolivie, appelée Collasuyo, était administrée par Cuzco, la capitale de l’Empire Inca au Pérou, durant le XVe siècle.
L’Empire Inca marque ainsi le début non seulement d’un passé partagé, mais également d’un véritable melting pot de cultures, communautés, langues et coutumes, encore vivantes aujourd’hui.
S'ensuit la période de domination espagnole au cours du XVIe siècle, durant laquelle, une fois de plus, les deux pays se retrouvent unis sous la Vice-royauté du Pérou, gouvernée depuis Lima.
Mais peu à peu, la Bolivie perd de son identité et souveraineté : la province de Charcas, qui correspond à l’actuelle Bolivie, est rebaptisée Alto Perú puis rattachée à la Vice-royauté du Río de la Plata.
« Il n’y avait aucune frontière. L’unité se formait autour du lac Titicaca, des deux côtés du lac. Les habitants appartenaient aux mêmes familles, ils étaient liés par des liens de parenté, faisaient partie des mêmes groupes – ou de groupes différents, mais parlaient la même langue.», souligne María Luisa Soux, présidente de l’Académie Bolivienne d’Histoire.

Ainsi, au fil des siècles, ces liens historiques ont façonné des traditions communes, des langues partagées et une identité andine qui unit encore aujourd’hui Pérou et Bolivie. Cependant, la bataille d'Ayacucho de 1824 semble mettre un terme à cette unité : l’indépendance du Pérou est proclamée, et la Bolivie passe de région péruvienne à nation à part entière.
Les tentatives de rapprochement : une unité inaboutie
C’est durant le XIXe siècle que se pose des interrogations sur le statut d’indépendance de ces deux pays : ne serait-il pas avantageux pour le Pérou et la Bolivie de ne faire qu’un ?
Que ce soit politiquement, économiquement ou administrativement parlant, la crise qui suivit la fin de la présence espagnole sur le continent fragilise les deux voisins.
Naît alors l’idée d’un mariage politique : la Confédération péruvio-bolivienne. L’État nord péruvien, l’État sud péruvien et l’État de Bolivie, 3 territoires réunis pour résoudre la crise économique et politique. Ce projet libéral a été marqué par la réalisation de traités avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, la modernisation de ports, et la suppression d’impôts.
Malgré ça, la coalition n’a duré que trois ans, de 1836 à 1839, en grande partie à cause des tensions économiques avec le Chili et l’Argentine. La résistance interne au Pérou a aussi contribué à accroître les tensions, notamment autour de la figure clé d’Andrés de Santa Cruz, alors président de la Confédération. C’est finalement lorsque le Chili puis l’Argentine déclarent la guerre contre la Confédération qu’elle se dirige vers sa perte, avec la dissolution proclamée le 20 janvier 1839.
Toutefois, beaucoup d’historiens y voient des aspects positifs : malgré l’échec du projet, il a permis de définir les frontières actuelles, renforcer les identités et contribuer à la diversité du continent.
Renforcer les liens : une nouvelle ambition
Où les relations en sont-elles aujourd’hui ? Économiquement parlant, les deux pays s’entraident mutuellement. La Bolivie bénéficie d’un accès privilégié au port péruvien d’Ilo afin de faciliter son commerce maritime, mais exporte également son gaz naturel au Pérou. Du point de vue culturel, des traditions andines sont partagées, à l’image de la fête de la Virgen de la Candelaria à Puno, au niveau du lac Titicaca, qui attire de nombreux groupes boliviens.
Enfin, les deux pays multiplient les rencontres politiques et les déclarations, en visant à renforcer la coopération à travers un agenda de développement commun. L’exemple de la Feuille de Route 2025-2026 en termes de politique migratoire, prévu d’être signée le 24 avril prochain, représente parfaitement ces ambitions.

Au-delà d'une simple interaction économique, les deux pays s’accordent sur des politiques communes, sur des enjeux clés en Amérique latine tels que les flux migratoires, pouvant représenter un véritable exemple pour le reste du continent.
Ainsi, il apparaît difficile de définir clairement cette relation, oscillant entre amitié et rivalité. Si l’histoire a parfois creusé un fossé entre les deux nations, la coopération économique et politique tend aujourd’hui à les rapprocher, surtout dans un contexte géopolitique mondial tendu. Cependant, l’alliance reste fragile, et les affaires politiques, à l’image de la crise péruvienne de 2022, menacent son existence. L’avenir dira si ces deux voisins andins sauront surmonter leurs différends pour bâtir une relation durable.
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