Prix Benoît Maria : une reconnaissance pour l’agroécologie paysanne de Chackramanta

Cette distinction salue leur engagement pour une agriculture durable et l’autonomisation des communautés rurales. Le Petit Journal Lima a rencontré les acteurs de cette initiative.

 

Un prix en hommage à Benoît Maria

Depuis 2022, le prix Benoît Maria, fondé par Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF), honore des initiatives agroécologiques menées par des organisations paysannes d’Afrique et d’Amérique Latine.

Plus qu’une  récompense, ce prix incarne un combat : celui d’une agriculture équitable, engagée dans la préservation de l’environnement et reposant sur l’autonomie des communautés rurales.

Ce prix porte le nom de Benoît Maria, fervent défenseur des droits des populations indigènes,  assassiné en août 2020 au Guatemala alors qu’il se rendait sur un terrain de coopération d'AVSF. En soutenant des initiatives locales et innovantes, AVSF perpétue son engagement : promouvoir une agriculture paysanne durable, ancrée dans le respect des traditions et des savoir-faire paysans.

 

L’association des producteurs et agriculteurs agroécologique, une initiative exemplaire

Située dans la région d'Apurimac, au Pérou, l'association de producteurs agroécologiques Chackramanta est mise à l'honneur cette année par AVSF.

Cette initiative vise à autonomiser économiquement et socialement 40 jeunes et femmes producteur-ices en leur permettant d'accéder à un marché agroécologique, certifié par un Système de Garantie Participative (SPG). Chackramanta cible des consommateurs urbains sensibilisés, et illustre alors l’importance de l’agriculture paysanne dans le développement local et la transition vers des modes de production durables.

Comme de nombreuses initiatives paysannes, Chackramanta a été durement frappée par la pandémie de Covid-19.

Liz Farfan Balcarcel, représentante de l'association, revient sur cette période difficile :

"En 2020, avec la pandémie, les impacts ont été très durs pour nos communautés. Le marché local hebdomadaire, lancé en 2019, a été perturbé, et les productrices ont eu de grandes difficultés à vendre leurs produits. Face à cette crise, nous avons structuré notre initiative en association afin de renforcer notre action et d’interpeller les gouvernements locaux."

Cette structuration a permis non seulement de revendiquer des droits mais aussi de solidifier les bases d'un modèle agricole plus juste et durable. Ce sont notamment les femmes productrices qui subissent de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire.

 

"Elles ont dû assumer une charge de travail double : s’occuper des tâches domestiques et du soin de la famille, tout en poursuivant la production et la commercialisation de leurs produits," explique Liz Farfan Balcarcel.

 

 

Malgré ces difficultés, leur engagement a permis de maintenir l'approvisionnement en produits sains et locaux, jouant un rôle crucial dans la sécurité alimentaire de la région. Plus encore, loin d'être un simple label, l'engagement agroécologique de Chackramanta repose sur une approche globale de l'environnement et des savoirs traditionnels.

 

"Nos pratiques agricoles permettent de réduire l’empreinte chimique et de préserver la biodiversité. En proposant des prix justes, nous facilitons aussi la transmission et la récupération de savoir-faire ancestraux. Nous voulons que l’écologie soit au cœur des pratiques de toutes les communautés indigènes, qu’elle soit mise en œuvre concrètement, pas seulement en théorie."

Derrière le Prix Benoît Maria, la volonté de soutenir concrètement et de promouvoir les initiatives agricoles locales et durables l’association Chackramanta a ainsi su convaincre le jury d’AVSF grâce à son engagement en faveur de l’agroécologie et de l’autonomisation des femmes. Javier Alarcón, membre du jury et représentant d’AVSF, explique :

 “Chackramanta a été sélectionné pour plusieurs raisons. Son modèle de production est à la fois durable écologiquement, socialement inclusif et économiquement viable. Malgré les défis posés par la pandémie, elle a su maintenir son économie.”

Le Prix Benoît n’est pas qu’un titre honorifique, mais veille également à fournir un soutien concret aux lauréats. Karina Cisneros, organisatrice de la cérémonie et membre d’AVSF, revient sur l’aide fournie par l’organisation :

“Ce prix offre une visibilité accrue et une reconnaissance financière officielle de leur travail. Il comprend également un soutien financier de 6 000 €, qui peut être investi dans leurs projets. De plus, un accompagnement marketing est mis en place pour les aider à mieux valoriser leur production. Enfin, un échange en France est prévu pour la remise du prix, permettant aux membres de l’association de partager leurs expériences avec d’autres acteurs.”

Le Prix Benoît Maria met en avant le travail des communautés locales, en particulier celui des femmes de Chackramanta. Leur rôle est en effet central dans la production agricole et la transmission de pratiques traditionnelles et durables. Cette reconnaissance est donc essentielle pour ces producteur.ices de l’ombre, façonnant quotidiennement les contours d’une agriculture plus juste.