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Jean-Pierre Marongiu, 5 ans de prison au Qatar dans l'indifférence

Jean pierre MariongiuJean pierre Mariongiu
Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 20 mai 2019, mis à jour le 18 février 2021

Jean-Pierre Marongiu a passé près de 5 ans en prison au Qatar, "dans une indifférence alarmante".  A travers la publication de cette tribune qui mêle son récit personnel et des faits d'actualité, il souhaite apporter son éclairage sur cet Emirat. 

Jean-Pierre Marongiu, expatrié à partir de juillet 2005, chef d'entreprise dans le Conseil en Management, vit ses six premières années au Qatar comme dans un rêve. Son affaire tourne bien jusqu'au jour où un différend éclate avec son partenaire qatari. Ce dernier récupère toutes les parts de l'entreprise. Le Français est accusé de faire des chèques sans provision, une affaire dans laquelle il a toujours clamé son innocence. Si ses enfants et son épouse réussissent à quitter le pays, il ne parvient pas à partir du Qatar malgré une tentative d'évasion en kayak. Il est alors emprisonné, sans procès, dans une geôle de Doha. 1744 jours plus tard, le 5 juillet 2018, gracié par l'Émir, il est libéré. Depuis, Jean-Pierre Marongiu met toute son énergie à se reconstruire et à réapprendre la vie en famille et en couple. Il raconte dans Qaptif, écrit en prison, et InQarcéré, publié récemment aux éditions Nouveaux Auteurs, son incarcération dans la prison centrale de Doha. Une histoire digne de Midnight Express qui pourrait bien faire un jour l'objet d'un film. Voici sa tribune.

 

InQarcéré Qatar Marongiu
Le livre de J-Pierre Marongiu

 "Le Qatar est entré dans l’imaginaire collectif français en 2011, année à laquelle le PSG est racheté par un des plus riches fonds souverains du monde : la Qatar Investment Authority. Un coup de projecteur est alors jeté sur ce petit Emirat, devenu le pays le plus riche du monde grâce à la découverte d’un immense champ gazier partagé avec l’Iran.  

Mais que connaissent vraiment les Français de ce pays ? Ils savent qu’il s’apprête à organiser la coupe du monde 2022. Ils savent qu’il attire les plus grands joueurs de la planète footballistique dans la capitale à coups de pétrodollars. Avec des résultats plutôt mitigés, n’en déplaisent à certains. Peut-être savent-ils aussi que le Qatar a récemment ouvert un musée national dans la capitale, Doha, une véritable prouesse architecturale signée Jean Nouvel. Son inauguration a en effet été bien accueillie par les médias, et a même fait venir… Edouard Philippe en terre Qatarienne. Enfin, d’autres connaissent sans doute AJ+, ce média produisant de courtes vidéos d’informations qui, sous couvert d’embrasser les causes les plus progressistes, n’est autre qu’une antenne d’Al Jazeera, instrument de propagande Qatarien. 

Mais ne nous y trompons pas, ne laissons pas le Qatar gagner la bataille des relations publiques ! Ce riche Emirat n’est autre qu’un reliquat des systèmes féodaux moyenâgeux, où l’opulence côtoie la misère sans la regarder, où l’esclavage moderne subsiste et où une richissime famille tient le pouvoir d’une main de fer.  

Du statut d’entrepreneur à succès à celui de hors-la-loi

Le système de kafala, qui oblige un travailleur étranger à avoir un « sponsor » local qui a tout pouvoir sur lui, jusqu’à la possession de son passeport, est un absurde et archaïque système de servage. Celui-ci m’a fait passer du statut d’entrepreneur à succès à celui de hors-la-loi. Du jour au lendemain, mon sponsor, qui n’était autre qu’un membre de la famille régnante al-Thani, m’a fait hors-la-loi pour avoir refusé de lui léguer les parts de la société que j’avais moi-même créée. Du jour au lendemain, mes comptes en banque étaient fermés et on me condamnait à un nombre indéfini d’années de prison pour m’être rendu coupable d’avoir signé des chèques sans provision, dans ce qui n’était rien d’autre qu’une parodie de procès.  

J’ai donc passé quatre ans et neuf mois dans une prison qatarienne, 1744 jours plongé dans l’enfer, et pire, dans l’incertitude. Incertitude quant à mon sort, quant à ma date de sortie. Et ce dans l’indifférence la plus totale de la part de la France, ma patrie, dont le corps diplomatique a pourtant comme devoir de protéger les ressortissants français.  

Mon expérience reste aujourd’hui inconnue à la plupart de mes concitoyens. Mais comment expliquer que cette situation, aussi terrible qu’ubuesque, n’ait pas entrainé un véritable tollé médiatique ? Comment expliquer qu’aucun politique ne se soit emparé de mon cas ? Il faut croire que des intérêts étatiques économiques, stratégiques et financiers ont primé sur mon sort.  

La France entretient en effet une relation de grande proximité avec le petit Emirat. Une loi exonère même les Qatariens résidant chez nous d’impôts sur les plus-values immobilières et les gains de capital. Ce n’est qu’un exemple parmi la multitude de cadeaux accordés à ce pays richissime. Pour attirer des capitaux dans l’économie française, notre pays a, depuis quelques années, abandonné peu à peu sa souveraineté et son autonomie. Il se retrouve aujourd’hui prisonnier d’une alliance dangereuse.  

Il y a quelques semaines sortait Qatar Papers, livre d’investigation co-écrit par les journalistes George Malbrunot et Christian Chesnot sur les réseaux d’influence qatariens dans l’islam de France. Celui-ci montre comment l’ONG Qatar Foundation cherche à infuser, via le financement de nombreux projets de centres culturels ou de mosquées, une culture musulmane entriste contraire aux valeurs républicaines de notre pays. Et que dire de toutes les voix qui accusent le Qatar de financer le terrorisme, aussi bien chiite que sunnite ? Il nous faut lutter contre cet expansionnisme nocif. A ces égards, gageons que les annonces récentes du Président Macron sur les financements étrangers soient suivis d’actions concrètes.  

Nous devons mesurer le danger que représente un régime comme le Qatar, qui cache ses mauvaises intentions par une communication et un soft power extrêmement léchés. Et c’est mon devoir de partager ma difficile expérience pour éclairer les français sur ce qu’est vraiment ce pays : un régime autoritaire, expansionniste et irrespectueux de l’état de droit. Un régime capable de faire emprisonner arbitrairement d’honnêtes gens. Car je ne suis qu’un parmi tant d’autres."

Jean-Pierre Marongiu 

 

 

 

Le livre Aussi noire que soit ma nuit, je reviendrai vers toi a été publié en format poche et il regroupe l'intégraté des ouvrages Qaptif et Inqarcéré. 

 

 

logofbinter
Publié le 20 mai 2019, mis à jour le 18 février 2021
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