En 50 ans, l'Indonésie a perdu plus de 50% de ses forêts à cause de l'huile de palme et près de 150 000 orangs-outangs de Kalimantan ont ainsi disparu depuis les années 2000. Thibaut Manent et Loïc Guichaoua ont fondé la marque Papa Outang pour changer les choses.
Thibaut Manent, pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours ?
Je viens du Nord de la France, j’ai grandi près de Lille et je suis passionné de primates depuis toujours. Jeune adulte, j’étudie la publicité et je développe ma créativité dans une école en Belgique. A l’issue de ma formation, je suis embauché dans une agence de publicité au sein de laquelle je travaille pour des grandes marques. Au bout d’un an, je démissionne car je me rends compte que cette expérience professionnelle ne correspond pas à mon éthique.
De mon point de vue, les multinationales font souvent beaucoup de promesses mais peu d’actes concrets. En d'autres termes, il s’agit de greenwashing. Les marques adoptent une stratégie de communication et de marketing qui consiste à mettre en avant des arguments écologiques pour se forger auprès du public une image écoresponsable, alors que la réalité des faits ne correspond pas, ou insuffisamment, à la teneur des messages diffusés. Après cette première expérience, j'ai choisi différemment mes expériences futures et je me suis dirigé vers le monde des start-ups qui me correspond mieux.
Racontez nous la rencontre avec votre associé Loïc Guichoua et la naissance de Papa Outang
L'idée de Papa Outang a germé dans le Nord de la France. Je regardais un documentaire d’un Youtuber sur l’huile de palme et sa vidéo m’a beaucoup interrogé. J'ai immédiatement décidé d'arrêter d'en consommer et j'ai réalisé que l'on pouvait créer des pâtes à tartiner beaucoup plus éthiques. J'ai alors eu l'idée de créer un produit qui ferait l'inverse de ce qui est prôné par les marques de grande consommation.
“Le fil conducteur a toujours été de créer des produits bios et équitables qui permettent de financer des associations.”
C’était il y a cinq ans et j’avais le sentiment que mes expériences dans la communication et dans l’univers des start-ups m’avaient donné les armes pour lancer ma propre entreprise. Au même moment, j’ai rencontré Loïc, mon associé, par des amis communs. Après des études de commerce, il a travaillé en Chine dans le domaine des fusions acquisitions. A l’issue de cette expérience, il est rentré en France et a changé drastiquement de mode de vie. Il est devenu vegan, zéro déchet et a décidé de ne plus prendre l’avion. Professionnellement, il voulait se reconvertir et s’investir dans une start-up avec un véritable impact. Nous avons convenu d’un rendez-vous qui devait durer 15 min et trois heures plus tard nous étions toujours en train de discuter. C’est comme ça que nous avons lancé Papa Outang.
Quelle est la composition de votre produit et comment est-il fabriqué ?
Papa Outang n’est pas une pâte à tartiner, c’est une pâte à recharger et à faire soi-même à la maison. Elle contient seulement quatre composants : du sucre complet, des noisettes, de l’avoine et du cacao. Nous travaillons à partir de poudres d'ingrédients bruts broyés. Le citoyen n’a ensuite qu’à ajouter de l'eau ou lait, à faire chauffer le mélange au micro-onde ou à la casserole puis à mélanger pendant trente secondes pour obtenir une pâte onctueuse. Ce produit est 40% moins sucré et beaucoup moins gras qu’une pâte classique car il ne contient pas d’huile de palme. Il est évidemment bio et équitable.
La production est réalisée dans un établissement d’aide par le travail (ESAT), la Fondation des Amis de l’Atelier. Loin des méga-usines des industriels, travailler avec un ESAT c’est remettre l’humain au cœur des entreprises.
Concrètement, comment sauvegarder la forêt et quelle est votre relation avec l’association Kalaweit ?
C’est simple, lorsque nous avons lancé le produit il y a quatre ans, nous avons sondé notre communauté pour savoir quelle association ils souhaitaient soutenir. Kalaweit a remporté le plus de suffrages. Très vite, nous avons entretenu de très bonnes relations et aujourd’hui nous sommes liés à vie : l'existence de Papa Outang est dédiée à financer l’association.
Ce qui fait la différence, c'est qu’on ne vend pas un produit, on vend un combat. Un produit acheté permet de générer 12 centimes et donc de sauver un mètre carré de forêt à Kalimantan.
L’association Kalaweit utilise les mêmes outils que ceux qui sont responsables de la déforestation. En d'autres termes, elle protège la forêt en achetant des parcelles qui sont menacées. Il ne s’agit pas de replanter, nous préférons protéger les forêts existantes. Les grandes marques utilisent souvent comme argument le fait de replanter des arbres mais l’impact n’est pas du tout le même. Par exemple, les vieux arbres stockent plus de carbone que les nouveaux. C’est un combat urgent car la déforestation est galopante, surtout en Indonésie.
L’endroit où nous sauvons des parcelles est parfaitement identifié, il s’agit de la réserve de Dulan, une poche de forêt de 1500 hectares qui est en étau entre les industries du charbon et de l’huile de palme. Cette forêt est devenue un refuge pour des centaines d’orangs-outangs. Depuis le lancement en 2019, Papa Outang et l’association Kalaweit a déjà sauvé 152 241m2 de forêt tropicale.
Quel est votre engagement au-delà des orangs-outans ?
Papa Outang participe plus globalement à “réensauvager” le monde. Aujourd’hui, on assiste à une grosse crise du vivant et personne ne sait vraiment l’arrêter. Notre combat est de sauver la forêt de manière concrète et d’apporter un nouveau regard sur le monde et sur le vivant. Il faut proposer aux citoyens des solutions concrètes.
Nous sommes deux activistes pour la justice sociale et climatique qui comptent bien sortir les marques irresponsables des rayons. C’est un combat au sens large, valable aussi bien pour le foie gras que pour la fast fashion ou certaines marques prônées par les influenceurs.
Papa Outang est notre première marque, mais il n’est pas exclu de voir naître un jour un petit frère de Papa Outang. Il suffit de trouver une association qui a un impact concret et créer une anti-marque aux multinationales. Protéger les océans, lutter contre la précarité alimentaire, aider les agriculteurs à passer en agriculture végétale… le terrain de jeu est infini.
Au-delà de simples initiatives, il faut que les marques soient liées à vie avec ces associations qui ont une vision terrain. Les associations manquent d’argent et ça tombe bien car il y en a beaucoup dans l’industrie de l’agro-alimentaire.
Où est distribué Papa Outang et quelles sont les prochaines étapes ?
Aujourd’hui, notre produit est distribué dans 185 magasins Monoprix, dans des épiceries indépendantes, dans des magasins de vrac et même dans des zoos.
Tout récemment, nous avons élargi notre gamme à de nouveaux produits. En effet, pour offrir un revenu stable à l’association, nous avons imaginé un abonnement à une box mensuelle qui permet de sauver entre 5 et 10 m2 de forêt.
Dans cette box, vous trouverez donc 5 ou 10 produits, la pâte à tartiner évidemment mais aussi une tablette de chocolat noir 71% avec seulement 3 ingrédients, une tablette “onctueuse” à 40% sans lait, et une poudre de chocolat avec 2 ingrédients. Le tout évidemment bio et équitable. Le principe est le même, un produit = 1 m carré sauvé de la déforestation. La box est disponible uniquement en ligne sur notre site internet.
Une vidéo pour en savoir plus sur la box :
Papa Outang