L’indigo, cette teinte bleue intense et mystérieuse, occupe une place centrale dans l’histoire textile de l’Indonésie. Utilisé depuis des siècles pour teindre des tissus traditionnels comme le batik et l'ikat, il fait partie intégrante des rituels et des célébrations indonésiennes. Cet article explore l’histoire fascinante de l’indigo en Indonésie et ses méthodes de fabrication ancestrales.


Une place essentielle dans l’histoire textile de l’Indonésie
Utilisé depuis des siècles, ce colorant naturel provient majoritairement de l'Indigofera Tinctoria, abondante dans l’archipel. Les Indonésiens se servent de l'indigo pour teinter le batik, l'ikat... les tissus traditionnellement portés pour les célébrations et les rituels.
Après la fin de la guerre de Java en 1830, le gouvernement colonial néerlandais met en place le cultuurstelsel, imposant à la population locale de travailler la terre. De nouvelles plantations voient ainsi le jour, produisant des marchandises recherchées par le marché international. La teinture bleue, communément appelée indigo ou nila, était l’une de ces denrées très prisées. On lui donne alors le surnom d'or bleu.
L'indigo conserve sa popularité même après l'abolition du système de culture en 1870. Au début du XXe siècle, rien que dans le centre de Java, on dénombrait 45 usines produisant de la teinture indigo. Ces usines et plantations étaient gérées par les Européens, tandis que le travail pénible était confié à la population locale. Le rôle contrasté au sein de ces établissements a donné un autre surnom à la teinture indigo: la sueur bleue javanaise.

Malheureusement, avec l'apparition des colorants synthétiques en Europe, principalement en Allemagne, l'indigo, de moins en moins rentable, perd en popularité. Les fabricants de batik ont rapidement su s'adapter car ils pouvaient produire à moindre coût et plus efficacement les différentes couleurs. Dans l'industrie du batik, un nouveau terme est apparu : batik kelir, un emprunt au néerlandais kleur (couleur) qui était utilisé pour désigner les batik aux couleurs vives provenant des colorants synthétiques.
Entre 1915 et 1919, les colorants synthétiques importés d'Allemagne étaient considérés comme de la contrebande et étaient donc soumis à des restrictions. Malgré les efforts visant à remplacer les colorants synthétiques par des alternatives naturelles, les colorants naturels n'ont pas réussi a s'imposer face à la supériorité des colorants synthétiques, plus efficaces et faciles à utiliser.
L'utilisation de colorants synthétiques a finalement retrouvé son marché après la levée de la restriction et, jusqu'à présent, son utilisation reste prépondérante.
Comment est obtenu ce bleu ?
Plusieurs plantes peuvent être utilisées pour obtenir ce bleu si caractéristique, mais la plus commune est l'Indigofera Tinctoria, petit arbuste, originaire d'Inde et introduit en Indonésie durant le cultuurstelsel.

Le processus de fabrication de la couleur est long et complexe. Les feuilles d'Indigofera Tinctoria sont récoltées et lavées soigneusement. Puis elles sont trempées dans un bain-marie entre 12 et 15 heures. L'eau de trempage est ensuite mélangée à une solution calcaire. Ce mélange est filtré jusqu'à obtenir une pâte. Puis, cette pâte est bouillie. Du sucre de palme est alors ajouté. La teinture est prête.
Le tissus peut alors être teint. Plusieurs bains peuvent être nécessaires afin d'obtenir la couleur souhaitée. Le tissus est ensuite séché jusqu'à ce qu'il soit à moitié sec, pour ensuite être trempé dans une eau propre mélangée avec du vinaigre. Un dernier rinçage, le tissus est ensuite sèché dans un endroit ombragé jusqu'à séchage complet. Le batik est prêt!
D'autres plantes peuvent être utilisées pour la production du bleu telle la Strobilanthes Cusia, appelée quelques fois cloche de pluie chinoise en raison de ses fleurs tombantes. Cette plante est cultivée dans le centre de Java, sur les pentes des monts Sindoro et Prau.
Ou encore la Marsdenia Tinctoria, sorte de plante grimpante, plus connue sous le nom d'indigo à larges feuilles, cultivée à l'ouest de Java.
Aujourd’hui, l’indigo naturel connaît un renouveau en Indonésie, porté par l’intérêt croissant pour la mode éthique et le patrimoine artisanal. Des créateurs et artisans locaux remettent au goût du jour ces teintures traditionnelles, favorisant ainsi une production durable et respectueuse de l’environnement. Peut-être le renouveau de cette merveilleuse couleur ?
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