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Abdramane : « rapprocher la France et l’Indonésie à travers des projets partagés »

Abdramane Kamate devant l'entrée de l'Institut Français d'IndonésieAbdramane Kamate devant l'entrée de l'Institut Français d'Indonésie
Abdramane Kamate
Écrit par Valérie Pivon
Publié le 30 juin 2021, mis à jour le 30 juin 2021

Abdramane Kamate vient de quitter l’Indonésie après trois années passées à travailler sur des projets culturels visant à créer des ponts entre la France et l’Indonésie. Retour sur ces trois années de rencontres, d’évènements et d’expérience humaine.

 

Pouvez-vous en quelques lignes nous parler de votre parcours avant d’arriver à Jakarta ?

J’ai fait l’essentiel de mon parcours dans le réseau de coopération culturelle français. Dans ce cadre, j’ai assumé la direction des Instituts français au Sénégal, en Côte d‘Ivoire et au Tchad. En plus de ces postes de direction, j’ai été coordinateur des projets culturels pour la région Afrique de l’Ouest.

 

Vous étiez jusqu’en mai l’attaché culturel à l’Institut Français d’Indonésie, quels ont été les moments forts de vos trois années à Jakarta ?

J’étais attaché culturel mais aussi directeur délégué de l’Institut de Jakarta.

Il est difficile d’apporter une réponse courte à cette question car tout mon séjour à Jakarta a été en lui-même un moment fort.
Mais cela dit, puisque vous demandez trois moments, j’évoquerais le projet musical « impressions universelles » dans la salle emblématique de la Aula Symfonia autour des œuvres de Claude Debussy reprises par des artistes classiques et traditionnels indonésiens. Ce projet valorisait également les 150 ans de l’exposition universelle de Paris ainsi que la découverte et l’influence du gamelan sur Claude Debussy.

Le deuxième moment qui me vient à l’esprit est la relance du Festival Sinema Prancis. Ce festival qui est le plus ancien festival étranger en Indonésie avait été arrêté pendant trois années et j’ai eu l’honneur de le relancer en y intégrant un volet « marché » et « rencontres professionnelles » importants. Le succès populaire et professionnel que nous avons rencontré nous a permis de comprendre combien nous avions eu raison de relancer cette manifestation.

En troisième lieu, je citerais la première édition de novembre numérique en Indonésie. Non seulement, nous avons réussi une collaboration inédite avec 6 musées et institutions patrimoniales de 6 villes (Jakarta, Bandung, Surabaya, Yogyakarta, Medan, Bali), mais nous avons aussi mis en avant le génie créatif des femmes indonésiennes dans le domaine de la vidéo.

Sans rallonger la liste, permettez-moi de rajouter le concert impromptu dans le cadre de la célébration des 70 ans des relations diplomatiques entre la France et l’Indonésie. Et pour finir, je mentionnerais la résidence de création du spectacle de marionnettes pour la sauvegarde de l’environnement à Belitung.

Tous ces projets ont la particularité d’avoir été des moments forts de collaboration avec nos partenaires indonésiens dont la retombée la plus importante n’est pas en soi la création ou le festival. La plus-value réside dans les liens que nous avons pu tisser entre l’Institut français et les partenaires indonésiens, et surtout les ponts que nous avons jetés entre les artistes français et indonésiens.

Ces ponts nous rapprochent et nous permettent de nous apprécier. Cela n’a pas de prix. L’équipe culturelle que j’ai eu l’honneur de diriger à œuvrer continuellement à rapprocher la France et l’Indonésie à travers des projets partagés.

En plus de ce rapprochement, nous avons fait en sorte que notre coopération culturelle serve le développement économique de nos deux pays à travers les industries culturelles et créatives. Chacun sait combien cette ambition est portée au plus niveau dans les deux pays.

Je me suis bien investi sur ce champ des ICC et les actions en cours par l’équipe dévouée de l’institut français sont très prometteuses.      

 

Vous avez travaillé auparavant en France et en Afrique, quelles sont pour vous les particularités propres à l’Indonésie ?

D’abord, je voudrais dire que je n’ai pas ressenti de différences notables entre l’Afrique et l’Indonésie. Malgré la distance, j’ai observé beaucoup de grandes ressemblances culturelles.

Par contre, selon moi, l’organisation de la société en Indonésie est bien différente de celle en France. La notion d’individu est plus prégnante dans la société française alors que l’on observe davantage celle de groupe en Indonésie. 

 

Qu’avez-vous découvert en Indonésie ? dans le travail, dans la vie quotidienne ?

J’ai découvert combien un pays vaste et archipélagique pouvait regorger de richesses énormes et variées. Selon les régions que vous visitez, vous découvrez des aspects tellement différents de ce pays.

Dans le travail, j’ai découvert une approche différente de l’anticipation. Cela m’a angoissé au début de mon séjour mais j’ai été vite rassuré par la capacité de mes partenaires à rattraper ce que je considérais comme un retard dans la mise en œuvre de nos projets. Du coup, j’ai vite mesuré la performance et la qualité de l’expertise du secteur culturel indonésien qui est capable de grandes choses en un temps court.

Dans la vie quotidienne, j’ai redécouvert le sens de la solidarité et du collectif. Je trouve que les indonésiens ont un grand sens du partage, même lorsqu’ils sont issus de classe sociale modeste.

 

La crise sanitaire a fortement impacté l’IFI ; comment vous êtes-vous adapté ?

Aucune activité humaine n’a échappé à cette crise. Mais dans ce bouleversement, je peux m’estimer chanceux d’avoir été à l’Institut français en Indonésie.

Le numérique faisait partie de la vie quotidienne des indonésiens bien avant la crise sanitaire. Contrairement à de nombreux pays, la crise n’a fait qu’accélérer le processus de digitalisation de la culture déjà fortement engagé dans le pays. Nous avons surfé sur cet acquis pour continuer à déployer nos actions de coopération. La seule contrariété a été l’arrêt total des mobilités physiques entre nos pays. Nos artistes, opérateurs et experts ont continué d’échanger au travers des outils numériques. Il fallait être innovant et l’avons été. Je qualifierais notre bilan de positif malgré la crise.

 

Vous êtes de retour en France avec un nouveau poste, comment gère-t-on le retour, et celui de votre famille ?

Le retour demande une réadaptation tant au niveau professionnel que personnel. Le rythme de la vie n’est pas pareil, les notions du temps et des urgences changent. Même les enfants se rendent compte de ce changement. Il faut donc se laisser porter par sa nouvelle vie. Mais en vérité, cette nouvelle vie n’est que l’ancienne qu’on avait avant l’expatriation. Pour quelqu’un comme moi qui change de pays assez régulièrement, l’adaptation devient une routine. 

 

Pas trop nostalgique de l’Indonésie ?

Qui ne le serait pas ! Il est difficile de partir de ce pays et de ne pas y penser tous les jours.

 

Trois mots pour résumer l’Indonésie ?

 Hospitalité – générosité - dynamisme

 

Un petit mot pour la fin ?

Je souhaite juste exprimer mon amitié à mes collègues tant indonésiens que français et leur dire combien j’ai apprécié de vivre cette expérience indonésienne à leur côté. La France et l’Indonésie ont la chance d’avoir des femmes et des hommes dévoués qui œuvrent quotidiennement à les rapprocher.