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TRAVAILLER EN TURQUIE, COMMENT ÇA MARCHE ? - Par l'avocat Adnan ÜÇCAN

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 23 décembre 2014, mis à jour le 5 janvier 2018

Vous avez toujours voulu tout savoir sur les conditions de travail sur le sol turc ? Alors cet article vous est destiné : les différents types de contrat de travail, la conclusion du contrat de travail, les droits et devoirs du salarié étranger, le licenciement, le droit de grève.... sont les thèmes abordés et développés dans cet article par l'avocat au barreau d'Istanbul Adnan Üçcan. Il est toujours bon de rappeler la législation dans le domaine du travail dans le pays dans lequel nous vivons, alors bonne lecture...


1. Les types de contrat de travail

Le droit turc connaît les contrats de travail à durée déterminée et à durée indéterminée, et le contrat de travail sur convocation.
Ces contrats peuvent être conclus à temps plein ou à temps partiel.

Contrairement au contrat à durée indéterminée, le contrat à durée déterminée est conclu pour un délai donné, à l'échéance duquel le contrat prend automatiquement fin. Ce contrat doit être conclu par écrit et ne peut en principe être renouvelé sous peine d'être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Le contrat dit sur convocation définit une tranche d'heures par semaine, par mois ou par année, correspondant à un travail à temps partiel, pour la durée de laquelle le salarié peut être convoqué de manière discrétionnaire par l'employeur. L'employeur doit en principe convoquer le salarié quatre jours à l'avance et le faire travailler au moins quatre heures d'affilée, mais le contrat peut déroger à ces dispositions et prévoir des délais plus courts.

Le contrat doit être conclu par écrit, et prévoir la tranche d'heure pour laquelle le salarié doit être à disposition. A défaut, la loi prévoit 20 heures par semaine. Le salarié aura droit à la rémunération pour la tranche d'heures prévue dans la contrat, que l'employeur l'ait effectivement convoqué ou non.


2. La conclusion du contrat de travail

(a)       Conditions de forme

Un contrat de travail doit être conclu par écrit lorsque sa durée est d'un an ou plus.

Pour les contrats d'une durée inférieure à un an mais supérieure à un mois, l'employeur est tenu de remettre au salarié un écrit portant sa signature et contenant les conditions générales du travail et certaines mentions obligatoires (Noms des parties, tâche confiée au salarié ainsi que temps et lieu de travail, modalités de rémunération, procédure de résiliation du contrat, date de la conclusion du contrat de travail et signatures des parties).
Pour les contrats conclus avant le 17 juin 2003, ces dispositions ne sont en principe pas applicables.

(b)       Clauses accessoires

Le contenu du contrat de travail relève de la libre volonté des parties en dehors des mentions obligatoires.
La clause de non-concurrence est valable selon le droit turc lorsqu'elle est limitée de manière raisonnable par son objet, dans le temps et dans l'espace. La jurisprudence considère qu'une clause visant l'ensemble du territoire turc est en principe trop contraignante. Par ailleurs, si le territoire désigné excède le territoire turc, il est vraisemblable que le juge turc se déclarera incompétent pour juger d'une activité prétendument concurrentielle à l'étranger. Quant à la durée de l'interdiction, la jurisprudence estime que celle-ci ne peut excéder en principe trois ans à compter de la résiliation du contrat de travail.

(c)       Période d'essai

Une période d'essai peut être fixée dans le contrat de travail. Elle ne peut excéder deux mois (art. 15 de la loi sur le travail).
Cependant, une convention collective peut fixer une période d'essai d'une durée maximale de quatre mois. Pendant cette période, les parties peuvent résilier le contrat sans préavis ni indemnité (art. 15 al. 2).

3. Le salarié étranger

Tout salarié étranger doit obtenir un permis de travail, qui peut être délivré à durée déterminée ou à durée indéterminée auprès du ministère du Travail, le cas échéant par l'intermédiaire des représentations diplomatiques à l'étranger.  Après l'octroi du permis de travail, l'étranger devra demander un visa de travail ("çal??ma vizesi"), puis postuler pour un permis de résidence  dans les trente jours. Le document est en général accordé dans le délai d'une semaine, pour trois mois, puis pour deux ans (à la discrétion de l'administration).  L'étranger devra débuter son travail ou être inscrit à la Sécurité sociale dans le mois qui suit l'obtention du permis de résidence, à défaut de quoi le permis de travail devient caduc. La législation récente prévoit que des dérogations pourront être prises en faveur des ressortissants de l'Union européenne.


4. Les conditions de travail

(a)       Salaires

Les salaires sont décidés au niveau des entreprises et non des branches d'activités, et peuvent en principe être librement déterminés dans le contrat de travail, à condition de ne pas être inférieur au salaire minimum, réévalué au moins tous les deux ans.  Bien que la loi ne l'impose pas, certains employeurs réévaluent régulièrement les salaires, voire les indexent sur le taux officiel de l'inflation (une telle clause est légale en droit turc) afin de lutter contre la dégradation du pouvoir d'achat des salariés en raison du taux élevé de l'inflation en Turquie.

Le salaire stipulé "net" dans le contrat de travail renvoie, contrairement au système français, à la somme d'argent mise à disposition du salarié après déduction de l'impôt sur le revenu, qui fait en Turquie l'objet d'une retenue à la source ("stopaj"). Ainsi, si les parties conviennent d'un salaire net, l'employeur est tenu de payer non seulement le montant promis, mais aussi l'impôt sur le revenu y afférent et les charges sociales.

(b)       Horaires de travail

La durée hebdomadaire légale de travail en Turquie est de 45 heures. Cette durée peut être librement répartie sur les 7 jours de la semaine, le dimanche inclus, sous réserve d'un jour de repos par semaine et de maximum 11 heures de travail quotidien, ou de maximum 7 heures 30 s'il s'agit d'un travail de nuit. Le recours aux heures supplémentaires exige que l'employeur sollicite au préalable le consentement du salarié, et que le total des heures supplémentaires n'excède pas 270  heures par an. Les heures supplémentaires donnent lieu en principe au paiement d'une prime de 50% par heure de travail. Les fêtes religieuses et nationales sont des jours chômés payés. L'employeur est tenu d'obtenir l'accord du salarié pour le faire travailler pendant ces jours, le salarié ayant droit à une majoration de 100% de son salaire.


(c)       Congés

En Turquie, la durée des congés payés dépend de l'ancienneté: elle varie entre 14 jours pour un salarié ayant entre 1 et 5 ans (inclus) d'ancienneté, et 26 jours pour un salarié ayant une ancienneté supérieure à 15 ans.

5. Le licenciement

Si la législation entrée en vigueur en 2003 a amélioré le statut des salariés en allongeant la durée des congés payés, ou en créant le droit au maintien du contrat de travail en cas de cession de l'entreprise, ou encore en introduisant le principe de non-discrimination sur le lieu du travail, son avancée la plus remarquée a été l'encadrement des procédures de licenciement.

(a)       Le licenciement individuel

L'employeur a désormais l'obligation de motiver le licenciement par une cause valable. A défaut, le salarié peut demander en justice sa réintégration ainsi que des dommages et intérêts. Toute relation de travail devant respecter le principe de non-discrimination, un licenciement fondé sur un motif discriminatoire rend le licenciement illicite.

L'employeur doit en outre respecter une période de préavis variant entre deux semaines pour une ancienneté de moins de six mois, et deux mois pour une ancienneté de plus de trois ans, mais cette période de préavis peut être remplacée par une indemnité du montant égal au salaire à verser pendant le préavis.

Cette réglementation connaît toutefois un champ d'application restreint et de nombreuses exceptions: L'obligation de motivation ne s'applique que lorsque les conditions suivantes sont remplies cumulativement:

1.         L'entreprise emploie plus de 30 salariés,

2.         Le salarié à licencier a une ancienneté de plus de six mois,

3.         Le salarié dispose d'un contrat à durée indéterminée,

4.         Le salarié n'a pas la qualité de représentant de l'employeur ou de son adjoint.


Les licenciements sans préavis (ou indemnisation équivalente) et sans indemnité d'ancienneté demeurent valables en cas de maladie grave, d'atteinte à la honneur ou à la vertu de l'employeur ou des membres de sa famille, et en cas de force majeure empêchant le salarié pendant plus d'une semaine de se rendre sur les lieux du travail. L'employeur doit ici cependant motiver le licenciement.

(b)       Le licenciement collectif

La notion de licenciement collectif a été introduite par la législation récente.
Il s'agit du licenciement en une fois ou sur une période d'un mois (i) d'au moins dix salariés si l'effectif est entre 20 et 100, de 10% de l'effectif si ce dernier est entre 101 et 300, de 30 salariés si l'effectif est plus de 301 employés (ii)  pour des raisons économiques, technologiques, structurelles ou pour des raisons similaires résultant des nécessités de l'entreprise, du lieu de travail. ou du travail proprement dit (iii).
L'employeur qui souhaite procéder à un licenciement collectif est tenu d'en informer les délégués syndicaux ou les délégués des salariés du lieu de travail ainsi que la Direction régionale du travail concernée et l'Organisme du Travail de Turquie par écrit.

Les significations doivent impérativement mentionner le motif des licenciements, le nombre et les groupes de salariés à licencier, ainsi que le planning des opérations de licenciement. Après la signification, les délégués syndicaux et l'employeur devront entreprendre des négociations en vue de réduire le nombre de salariés licenciés ou de minimiser les effets négatifs du licenciement collectif  sur les salariés, un procès-verbal doit témoigner des négociations. La loi n'oblige toutefois pas l'employeur à parvenir à un accord avec l'Etat ou avec les partenaires sociaux. Il s'agit d'avantage de conditions formelles que de contraintes pouvant empêcher l'employeur à mettre en ?uvre sa décision.

6. Droit de grève et droit de lock-out

La grève n'est possible que dans la seule hypothèse d'un échec des négociations en vue d'un accord d'entreprise, et sous réserve de nombreuses exceptions légales (secteur public, secteur bancaire, secteur réputé stratégique, sécurité publique). De surcroît, en cas de grève, l'employeur est habilité à recourir au lock-out, c'est-à-dire à fermer l'entreprise.

Les coordinations et autres mouvements spontanés ainsi que les regroupements sont interdits dans l'entreprise.

Adnan ÜÇCAN (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 1er août 2013 (REDIFFUSION)

Adnan ÜÇCAN (photo ci-contre), Avocat, fondateur du cabinet UCCAN LAW, est avocat au barreau d'Istanbul. Il est titulaire d'une Licence de droit de l'Université Robert Schuman de Strasbourg, en outre d'une maitrise de droit de l'Université Galatarasay d'Istanbul, d'une bourse de mérite du Gouvernement français et d'un Master de droit International de Commerce  de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Après avoir exercé pendant des années dans des cabinets, il a fondé son propre cabinet de droit et sa société de conseil en affaires internationales. Travaille avec les sociétés européennes et élabore des négociations d'affaires dans les pays de l'Afrique et du moyen Orient. En outre il est avocat traducteur assermenté, avocat de médecins et des hôpitaux en Turquie.

Informations pratiques : Adnan ÜÇCAN - UCCAN LAW office

Ka??thane Caddesi N° 141/4 Ça?layan - Istanbul

Tel : +90 (212) 233 38 38

Fax : +90 (212) 233 38 19

E-mail : adnan@insidecounsels.com

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