Eminönü était autrefois un arrondissement d’Istanbul mais il a été rattaché à celui de Fatih en 2008. Chez les Byzantins, l’endroit constituait la zone portuaire de la ville et c’est encore de là que partent de nombreux ferries pour l’Asie, les îles ou le Bosphore.


Le nom actuel d’Eminönü provient de la direction des douanes, appelée "Gümrük Eminliğinin", qui s’y trouvait chez les Ottomans. Cependant, la caractéristique majeure du quartier est d’être, depuis des siècles, l’une des zones commerçantes les plus importantes de la ville, comme l’atteste la présence d’un grand nombre de "Han" et de marchés couverts vendant une profusion de marchandises de toutes sortes…
Déguster un "balık-ekmek" au pont de galata
On ne présente plus le pont de Galata… Rappelons juste que l’actuel est le cinquième du nom, datant de 1994, car le précédent avait été détruit par un incendie. Son étage inférieur est fameux pour sa multitude de cafés et restaurants de poissons où les curieux peuvent se distraire en passant sous les faisceaux de fils de pêche scintillant au-dessus de leur tête. On peut aussi y déguster les fameux sandwichs au poisson, connus sous l’appellation de "balık-ekmek".

Flâner sur la place d’Eminönü

La place d’Eminönü est sans conteste l’un des endroits les plus grouillants de la ville. C’est là que se dresse la monumentale "Mosquée Nouvelle" ou "Yeni valide Sultan Camii", dont la construction fut très mouvementée parce qu’elle exigeait de combler une partie du rivage mais surtout à cause des aléas du destin. En effet, commencés à la fin du XVIe siècle par la sultane Safiye, mère de Mehmet III, les travaux furent brutalement interrompus lorsque la mort de son fils, en 1603, priva la dame de son pouvoir. Il fallut attendre 1660 pour qu’une autre sultane, Turhan Hatice, mère de Mehmet IV, reprenne le chantier devenu fantomatique à grand renfort de dons. Même si cette mosquée ne figure pas parmi les plus illustres de la ville, elle mérite cependant la visite par sa majestueuse beauté.

Une autre œuvre architecturale achevée par la sultane Hatice Turhan est le Marché aux Epices appelé aussi "Marché égyptien" ou "Mısır Çarşısı", car il fut édifié grâce aux impôts collectés en Egypte. Situé à l’emplacement d’un célèbre marché byzantin tenu par les Génois et les Vénitiens, le "Makron Envalos", pourvu d’une construction en forme de "L", il est assez pittoresque avec ses étalages de fruits secs, épices, condiments, plantes médicinales, confiseries, bijoux et articles touristiques.

Sur le côté s’étend le Marché aux Fleurs, où l’on peut acheter tout ce qui existe de graines bulbes, plantes potagères à repiquer, plantes d’appartement ou de jardin. On y trouve aussi des animaleries, vendant essentiellement des oiseaux, canaris ou perruches, mais aussi des lapins, des hamsters de compagnie, des poissons d’aquarium et même des sangsues destinées à l’usage thérapeutique !

Dans le marché aux Epices, un escalier couvert permet d’accéder à la terrasse de l’un des plus jolis monuments de la ville, la mosquée de Rüstem Pacha ou "Rüstem Paşa Camii". Edifiée par l’architecte Sinan, entre 1560 et 1564 pour l’époux de la sultane Mihrimah, le pacha Rüstem, elle est admirable pour son péristyle en étage mais surtout pour son inégalable revêtement bleu en faïences d’Iznik.
Non loin de là se trouve l’un des célèbres restaurants du lieu, "Hamdi Lokantası", spécialisé dans les "lahmacun", sorte de pizza garnie de viande et les "kebap" variés ; ses salles des étages élevés permettent de profiter d’un magnifique panorama, d’un côté sur la mosquée de Soliman, et de l’autre sur le pont de Galata.
Effectuer des emplettes dans les vieux "Han" de Tahtakale et Mahmutpaşa
La zone commerçante de Tahtakale est très originale, avec ses bâtiments vétustes consacrés à toutes sortes de ventes en gros ou au détail, où l’on peut se procurer "de tout", dans les échoppes de droguerie, ferblanterie, vannerie, quincaillerie, coutellerie, ustensiles de cuisine, accessoires en bois ou décorations de Jour de l’An à prix imbattable.
En montant vers le Grand Bazar, se trouve le lieu-dit "Mahmutpasa", avec sa fameuse montée ou "Mahmutpaşa Yokuşu" qui offre une profusion de magasins de vêtements pour enfants, avec des tenues pour les circoncisions et des robes de cérémonie, des articles pour les trousseaux, des robes de mariée et des costumes, des tenues pour les pèlerinages à La Mecque, ou, si vous voulez vous imaginer en sultane, des déguisements d’inspiration ottomane destinés à "la Nuit du Hénné".
Saison des mariages : la "kına gecesi" une tradition turque incontournable

C’est dans ce périmètre que l’on peut aussi découvrir les plus vieux "han" de la cité. Les "han" étaient des caravansérails en ville, avec des auberges et des entrepôts pour les marchandises. Aujourd’hui, ils ont conservé une partie de leur vocation puisque ce sont des édifices entièrement dédiés au commerce, vendant chacun le même genre d’articles. Ils sont tellement nombreux qu’il est impossible de les décrire tous et exposent un foisonnement de marchandises diverses, au-delà de l’imaginable.

Par exemple, le "Şark Hani", à l’arrière du Marché aux Epices, dont les étages sont disposés autour d’une cour centrale, comporte une centaine de boutiques de cadeaux. Quant à la Tour byzantine d’Eirene ou "Eirene Kulesi", une haute tour carrée récemment reconvertie en galerie d’art, elle avait jadis été englobée dans la troisième cour du plus vaste han historique de la ville, "Büyük Valide Han" ou "Grand Han de la Sultane-Mère", fondé en 1651 par la sultane Kösem, mère des deux souverains Murad IV et Ibrahim 1er. Encore récemment, se faire photographier sur les coupoles des toits de "Büyük Valide Han" était considéré comme un "must" mais la pratique a été officiellement interdite pour protéger le site.
Un autre "han" hors du commun est le "Büyuk Yeni Han" ou "le Grand Nouveau Han", construit par Mustafa III, qui est le deuxième par la taille et propose aussi une grande variété d’articles.

Admirer les édifices grandioses de Sirkeci…
C’est à Sirkeci que se situent quelques immeubles anciens figurant parmi les plus fameux de la ville. Celui du Musée de la Banque Iş Bankası ou Türkiye Iş Bankası Müzesi, avait été édifié en mélange d’Art Nouveau et de Néo-Renaissance par l’architecte italien Giulio Mongieri, auteur d’un grand nombre d’ouvrages en Turquie, dont l’église Saint-Antoine de Beyoğlu.

On peut admirer aussi des constructions caractéristiques du mouvement architectural turc de la "Renaissance architecturale nationale" ou "Birinci ulusal mimarlık akımı", visant à repousser les influences étrangères prégnantes au XIXe siècle, pour renouer avec des caractéristiques de l’art ottoman : surplombs de toit, tours à dôme, arcs en ogive, tuiles ornées, décorations de faïences bleues et d’étoiles à huit branches d’inspiration seldjoukide. Par exemple, deux édifices de l’architecte Mimar Kemalettin, le "Han de la Quatrième Fondation" ou "Dördüncü Vakif Han", bâti en 1911, qui abrite aujourd’hui l’hôtel "Legacy Ottoman" ou celui du restaurant historique de Sirkeci, "Sirkeci Lokantası", actuellement dans l’hôtel Cronton, datant de 1912, remarquable pour sa façade et sa riche décoration intérieure.


Quant à la Grande Poste ou "Büyük Postane", elle est l’œuvre d’un autre architecte du même courant, Vedat Tek, qui la construisit entre 1905 et 1909.

Un des monuments les plus populaires est sans conteste la construction orientaliste de l’ancienne gare de Sikeci, ou la Gare de l’Orient-Express, réalisée par l’architecte allemand, August Jasmund, qui fut le terminus du célèbre train reliant Paris à Istanbul jusqu’en 1977. Prendre un café sur la terrasse de son restaurant historique, l’"Orient-Express", permet aux nostalgiques du passé de rêver sur l’Istanbul d’antan…
La renaissance de l’Orient-Express : objectif 2025

Voir la Bibliothèque-Musée de Littérature Ahmet Hamdi Tanpınar
Au Parc de Gülhane, dans un ravissant kiosque ottoman nommé "Alay Köşkü", qui avait été bâti pour pouvoir suivre la parade du sultan, se trouve la Bibliothèque-Musée de Littérature Ahmet Hamdi Tanpınar (Ahmet Hamdi Tanpınar Edebiyat Müze Kütüphanesi). Ahmet Hamdi Tanpınar (1901.1962) est un grand écrivain dont on peut lire en français deux romans, traduits chez Actes Sud, L’Institut de remise à l’heure des montres et pendules et le merveilleux récit, Pluie d’été. Le musée conserve ses archives mais aussi celles de plusieurs grands auteurs turcs de la littérature de la République, dans un cadre hors du commun.

Rendez-vous le mardi 26 décembre pour un nouveau volet…
Pour recevoir gratuitement notre newsletter du lundi au vendredi, inscrivez-vous en cliquant ICI