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Conçue en France et présentée à Istanbul, l'exposition "Crystal Clear"

"Crystal Clear", au Musée Pera d'Istanbul"Crystal Clear", au Musée Pera d'Istanbul
Exposition "Crystal Clear" au Musée Pera d'Istanbul
Écrit par Marie Meister
Publié le 10 février 2021, mis à jour le 24 février 2021

L’exposition "Crystal Clear" a pu voir le jour au Musée Pera malgré la période de pandémie. Le musée et la commissaire d'exposition, Elena Sorokina, ont refusé d’abandonner leur projet d’exposition écoresponsable -déjà en préparation depuis 2 ans- ; ils se sont réinventés et adaptés à la période de crise, continuant de travailler sur l’exposition en remodelant leurs points de vue de départ, sans pour autant s’éloigner du projet initial.

L’exposition traitait en premier lieu des sujets comme la transparence et l'opacité, le sol et la croissance en prenant comme point de départ l’utilisation emblématique des cristaux. Comme le dit Elena Sorokina, dans son texte accompagnant le projet : "Allant de la transparence presque parfaite à l'opacité complète, les cristaux ont été utilisés dans tous les domaines de l'activité humaine, de la science à la magie, de la technologie à la guérison. Les scientifiques décrivent généralement les cristaux comme ‘en croissance’, même s'ils ne sont pas vivants à leurs yeux".

Les aspects des cristaux sont alors examinés au regard de la situation actuelle, où les métaux rares font partie de chaque téléphone portable ou ordinateur, porteurs de réseaux sociaux. "Aujourd'hui, n'importe qui peut obtenir des informations sur n'importe quoi. Tout -et tout le monde- est devenu transparent, dévoilé et exposé. Pourtant, la transparence a son côté sombre et peut se transformer en opacité, sans même qu'on s'en aperçoive", souligne Elena Sorokina.

L’arrivée de la COVID-19 a alors transformé et amplifié ces questionnements. La pandémie a en quelque sorte offert aux artistes la possibilité de créer de nouvelles œuvres, basées sur de nouveaux sujets et de nouvelles questions. Notamment, la façon dont notre monde a changé depuis mars 2020. 

Rassemblant les œuvres de 20 artistes d'horizons différents, notamment français, le projet souligne l’importance de l’écologie, et met en place une exposition écoresponsable. Son but ? Limiter tous les effets négatifs possibles du projet sur l’environnement, notamment l'empreinte carbone de l’événement lui-même, causé entre autres par l'envoi d’objets. Ainsi, les œuvres de l'exposition ont été créées dans un petit écosystème avec la collaboration -pour la plupart- de groupes locaux, évitant au maximum le transport et utilisant des matériaux recyclés ou recyclables. 

Elena Sorokina, qui réside et travaille à Paris depuis des années, est la curatrice de cette exposition ; Lepetitjournal.com Istanbul a pu l'interviewer, afin d'en savoir plus sur son projet, sur la préparation et le déroulement de l'exposition en période de pandémie.

Marie Meister pour Lepetitjournal.com d’Istanbul : Comment est née cette opportunité de collaboration avec le Musée Pera ?

Elena Sorokina : C'est Bige Örer (directrice de la Biennale d'Istanbul et des projets d'art contemporain à l'İKSV) qui m’a invitée à réfléchir sur un projet en Turquie, et notamment entre la Turquie et la France. Elle est venue à Paris il y a environ deux ans afin de chercher des projets, rencontrer des commissaires, et c’est comme ça que nous avons commencé notre échange. C’est elle qui a établi par la suite le contact avec le Musée Pera. Je me suis ensuite rendue à Istanbul pour rencontrer des artistes, et c'est ainsi que le projet est né.

D’où vous vient l’idée initiale de cette exposition autour du thème du cristal et des différentes notions de transparence / opacité, terre et croissance ?

Le projet est né de mon intérêt pour le thème des minéraux et des liens entre la matière organique et la matière qu’on appelle non organique. J’ai ensuite commencé à rechercher les utilisations différentes des cristaux qui se poursuivent depuis des millénaires dans des domaines variés (magie, science, soins thérapeutiques…) et les rapports impressionnants entre l’humain et les cristaux. Ces questions liées à la matière sont importantes pour les artistes, qui regardent leurs l'œuvres un peu comme des objets magiques, ils regardent donc l’objet d’art d’un point de vue animiste*. Le projet est alors né de cet intérêt et de celui des artistes.

(*) Un animiste est une personne qui partage une croyance, l'animisme, selon laquelle les êtres vivants dans leur ensemble, les objets y compris, possèdent une âme qui leur est propre.

La pandémie a changé beaucoup de vos questions initiales autour du sujet, et vous a fait prendre à vous et aux artistes un chemin bien différent. Diriez-vous que cela vous a permis d’aller plus loin dans vos questionnements et objectifs d’exposition ?

Mon idée de concevoir une exposition écoresponsable était présentée depuis le début au Musée Pera, donc bien avant la crise sanitaire. Avec la crise, les choses qui paraissaient un peu abstraites, par exemple la question de réduire radicalement les déplacements ont évidemment changé. Depuis le début, je voulais les réduire considérablement, voire annuler complètement les allers retours Paris-Istanbul par souci écologique. Puis, quand la pandémie nous a frappés cette question est devenue une évidence et la seule chose à faire. Et finalement, je pense que le projet a pu persister, exister grâce à ces principes structurels d’exposition que j’ai introduits.

Il est vrai que la pandémie a tout de même mis un frein au projet, mais ce fut également un choix. Après plusieurs discussions avec le musée et les artistes, nous avons décidé de ralentir le projet et d’inviter les artistes à réfléchir sur la situation qu'ils traversent. Plus précisément, nous leur avons demandé s’ils souhaitaient inclure ou non les événements actuels dans leurs œuvres. C'était important de leur donner cette possibilité d’intégrer leur ressenti. De partager leurs réactions, leurs vécus durant la pandémie face au confinement, à la fermeture des frontières, aux réseaux sociaux, toutes ces choses qui se sont imposées, et bien d’autres encore.

Finalement, plusieurs œuvres sont le fruit de ce que les artistes ont traversé durant cette crise sanitaire entre avril dernier et le moment de l’ouverture de l’exposition, en décembre 2020.

Avez-vous rencontré des difficultés à mettre en place une exposition écoresponsable ? 

Il faut saluer le fait que le musée a été très ouvert à ce projet -qui sort des normes de construction d'une exposition-, car réalisé sous une approche écoresponsable.

Cela a été difficile, mais gratifiant ; nous voulions une exposition qui soit durable, écoresponsable et qui ne tue pas l’art, où l’art peut vivre et avoir tout son espace.

Aujourd'hui, beaucoup d’expositions traitent des problématiques de l'écologie, mais ne vont pas plus loin. Alors qu’il faut justement aller plus loin et intégrer ces principes dans l’organisation et le fonctionnement même d’une exposition, créer des précédents, commencer le changement, même à une petite échelle. 

Cette exposition était-elle la première de votre parcours sous cette approche et avec cette conscience écologique ?

De cette manière directe, oui. Cependant, j'avais déjà fait deux expositions qu'on pourrait qualifier de précurseurs à ce projet ; une exposition sur le pétrole en 2007 pour La Biennal de Moscou intitulée Petroliana et une exposition sur At the Mercy of Others: The Politics of Care en 2004, dans le cadre de Whitney ISP.

 

Vous pouvez visiter l'exposition jusqu'au 7 mars au Musée Pera à Istanbul.

L'exposition "Crystal Clear" a reçu un bel écho dans la presse turque.

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