Toutes les deux semaines, le mardi, lepetitjournal.com Istanbul vous propose un rendez-vous "Parlons Turquie..." à travers des courts textes de Samim Akgönül, auteur du "Dictionnaire insolite de la Turquie". Vous y êtes invités à découvrir des concepts, mots et expressions ou des faits peu connus mais aussi des personnages insolites de l'espace turc, inspirés du dictionnaire en question. Aujourd'hui, la lettre "L"...
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Pehlivan pehlivan
alta gittim diye yerinme
üste çıktım diye sevinme
Ô guerrier, ô guerrier
ne t’attriste pas parce que tu es en dessous
ne te réjouis pas parce que tu es au-dessus
Voici quelques vers de multiples poèmes de galvanisation des lutteurs, qui, en plein air et en groupe, essayent de faire toucher la pelouse aux épaules de l’adversaire. Il s’agit du sport où des hommes, qui ont souvent de l’embonpoint, sont enduits d’huile, torse nu, portant un pantalon court collant en cuir appelé kıspet, luttent selon la cadence donnée par un gros tambour et des exclamations des crieurs.
La lutte à l'huile turque, la plus ancienne activité sportive pratiquée régulièrement
Les origines de cette lutte sont encore discutées. Si certains pensent que cette tradition est née chez les Turcs seulement après l’occupation de l’Anatolie au 11e siècle, reliant la tradition à la lutte grecque antique, d’autres renvoient ce sport au Turcs d’Asie centrale, voire trouvent des analogies avec les combats de Sumo ! Les chroniques ottomanes indiquent une première compétition au 14e siècle, le sport devenant par la suite l’activité de divertissement préférée pendant les fêtes religieuses et les cérémonies. Une compétition régulière a lieu chaque année au mois de juin à Kırkpınar près d’Edirne (inscrite dans la liste du Patrimoine immatériel de l’UNESCO depuis 2010). Selon le livre des Records Guinness, c’est la plus ancienne activité sportive pratiquée régulièrement. Une contradiction de plus de la société turque, ce spectacle, qui donne l’impression d’une orgie homosexuelle érotique, est un symbole de virilité masculine accompagné d’invocations islamiques.
Le basketball en Turquie, un sport associé à la bourgeoise occidentale
De l’autre côté du spectre social, un autre sport mobilise les foules, associé à la bourgeoise occidentale. Si le football est le sport populaire dans tous les sens du terme et ce, depuis le début du 20e siècle, le basketball est entré dans le rang des sports prisés en Turquie à partir des années 1970. C’est surtout au début des années 1980, avec la diffusion d’une série télévisée américaine, The White Shadow sur la seule chaîne d’État de l’époque, sous le titre de Beyaz Gölge, que le basketball est devenu le sport favori des jeunes issus de la moyenne bourgeoisie. Tout au long des années 1990, le basket a continué à attirer des spectateurs, surtout après la multiplication des chaînes privées diffusant des matchs. Les années 2000 représentent l’apogée du basketball turc, notamment à partir du championnat d’Europe de 2001 où le sponsor de l’équipe nationale, une banque, a fait composer la fameuse chanson de 12 Dev Adam à un groupe de ska punk turc, Athena. Depuis, la chanson et le slogan accompagnent l’équipe nationale qui multiplie des succès internationaux jusqu’à devenir deuxième mondial au championnat du monde de 2010, après les États-Unis.
Uh-hah dev adam, 12 dev adam
Uh-hah dev adam hey, hey, hey, hey
Her zaman yanındayız
Yanlız bırakmayacağız
Kanka senle bir kez daha
Şampiyon olacağız
Hou, Ha, l’homme géant, 12 hommes géants
Hou, ha, l’homme géant hey, hey, hey, hey
Nous sommes toujours à tes côtés
Nous ne te laisserons jamais
Frérot, avec toi, encore une fois
Nous deviendrons champions.
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Dernières publications de l'auteur :
> Akgönül Samim (dir.), La modernité turque : adaptations et constructions dans le processus de modernisation ottoman et turc, Istanbul, Éditions Isis, 2022 ;
> Akgönül Samim, Dictionnaire insolite de la Turquie, Paris, Cosmopole, 2021 ;
> Akgönül Samim, La Turquie "nouvelle" et les Franco-Turcs : une interdépendance complexe, Paris, L'Harmattan 2020.