Composé (en persan) de mey (boisson alcolisée, vin) et hane (maison), le "meyhane" est un restaurant, ou plutôt, une taverne traditionnelle turque.
C’est un lieu où on sert des boissons alcoolisées (du vin, du rakı, de la vodka, de la bière), accompagnées de meze ("mézé" ou "mezzé") et de plats traditionnels. En effet, au meyhane, les tables sont copieusement garnies de hors d’oeuvre (meze), et le plus communément arrosées par la boisson nationale turque, le rakı. On y va entre amis, avec sa famille, pour bavarder, célébrer un événement, et souvent aussi pour oublier le stress quotidien.
Un peu d’histoire
Dans l'Empire ottoman, jusqu'au XIXe siècle, les meyhane, tenus par des Rûm (Grecs) et Albanais, servaient principalement du vin, accompagné de meze, en raison des restrictions religieuses imposées par les différents sultans. À cette époque, le rakı était produit par distillation du marc de raisin.
Une erreur serait de croire que la culture des meyhane est apparue dans un passé récent. En réalité, on la trouvait déjà à Byzance.
À Constantinople, divers débits de boissons accueillaient également les habitués. Ils étaient autorisés à vendre du vin, et à servir des plats cuisinés avec du poisson ou de la viande, ou des plats préparés à base de légumineuses.
Dans la ville portuaire débarquaient de nombreux marins, souvent célibataires, qui avaient du temps et de l'argent à dépenser pour fréquenter les tavernes. Lorsque les Turcs ont conquis Galata, ces tavernes étaient mondialement célèbres.
Si la population musulmane avait généralement adhéré aux interdictions religieuses de l'alcool, les coutumes des non-musulmans n'ont pas été entravées. De nombreux meyhane se trouvaient justement dans les quartiers où les non-musulmans étaient concentrés, notamment à Galata. On sait que certains des clients de ces tavernes étaient des musulmans venus par "évasion".
Les meyhane, lieux pour s'adonner au plaisir de boire et manger, étaient également liés à l'ordre de la guilde*, comme tous les lieux de travail de l'époque.
Forte popularité des meyhane
Au XVI siècle, au temps de Yavuz Selim (1512-1520), les tavernes se sont multipliées ; leur culture s'est accrue et la consommation d'alcool s'est généralisée, excepté pendant une courte période d’interdiction sous le règne de Murat IV.
La culture des meyhane s'est ainsi poursuivie et amplifiée à Istanbul, et dans les années 1830, on en trouvait dans des quartiers tels que Yedikule, Büyükdere, Fener, Balat, Kumkapı, Samatya, Tarabya, Çengelköy, Üsküdar.
À l'époque républicaine, les meyhane ont progressivement quitté Galata pour s’étendre dans tout Beyoğlu, puis leur popularité a atteint Asmalımescit, Çiçek Pasajı, Nevizade. Plus tard, Kumkapı, au bord de la mer Marmara, est également devenu un quartier où se côtoient les meyhane.
Aujourd'hui encore, ces tavernes sont connues comme lieux de partage, pour discuter, dans une atmosphère agrémentée de musique live.
Au meyhane, le service commence par les meze froids (soğuk mezeler), et il continue par les mets intermédiaires chauds (ara sıcaklar), avant les plats principaux, et souvent un plateau de fruits en guise de dessert !
Un prochain article sera dédié aux meze, avec des recettes.