Sur la plaine de Konya, aux environs de Çumra, se trouve le site archéologique de Çatalhöyük. Considéré comme l’un des premiers lieux de sédentarisation au monde, les archéologues n’ont de cesse d’en extraire des découvertes majeures au sujet des populations néolithiques. Début mars, un matériau organique a été identifié comme étant du pain datant d’il y a plus de 8600 ans.
Depuis plus de 70 ans, les archéologues enchaînent les découvertes exceptionnelles sur ce site qui nous en dit beaucoup sur les premières sociétés humaines sédentarisées. Le site a été occupé sur plus de 2000 ans avant d’être abandonné. Son organisation elle-même est particulière, puisqu’il s’agit de maisons serrées les unes contre les autres, sans rue, et auxquelles on accède par les toits. De nombreuses peintures murales, bas-reliefs et sculptures y ont été trouvés, que vous pouvez admirer, pour certain.e.s, au musée des civilisations anatoliennes à Ankara. Une autre particularité de ce site est qu’il permet d’en savoir plus sur le quotidien de ces populations, et notamment leurs habitudes alimentaires…
L’archéologie alimentaire, pilier de l’archéologie moderne
La zone 66 du site de Çatalhöyük regroupe en majorité des habitations de l’époque néolithique. Ces lieux de vie comportaient bien entendu une cuisine. Au sein de l’une d’entre-elles, un four en grande partie détruit a été découvert, en même temps que des résidus de blé, d’orge, de pois, et d’un étrange corps spongieux.
Les analyses menées par le Centre de recherche et d’applications en sciences et technologies (BiTAM) de l’Université Necmettin Erbakan (NEÜ) de Konya ont permis de découvrir qu’il s’agit de pain fermenté (non cuit) datant d’environ 8600 ans. Et c’est une première !
L’Anadolu Ajansı rapporte que le chef du comité des fouilles Ali Umut Türkcan se félicite d’avoir pu développer le domaine de l’archéologie alimentaire, "dont le point de départ est l’Anatolie". Depuis 2021, la documentation méticuleuse du BiTAM a permis des avancées considérables dans l’étude de l’alimentation au temps néolithique.
Plusieurs facteurs expliquent la conservation exceptionnelle du "pain" retrouvé. Celui-ci n’était en effet pas encore cuit mais seulement fermenté. De plus, le four dans lequel il était présent était recouvert d’une fine couche d’argile protégeant sa structure.
L’histoire de Çatalhöyük et de ses fouilles
Çatalhöyük signifie en turc "Colline de la fourche". Du VIIIe au VIe millénaire av. J.-C., alors que la sédentarisation en est à ses débuts, ce sont entre 3500 et 8000 personnes qui ont vécu au sein de l’agglomération. Les habitations, faites de brique de terre crue, sont accolées les unes aux autres. D’autres structures ont été identifiées comme des sanctuaires, où beaucoup plus de décors architecturaux ont été mis au jour.
L’histoire archéologique du site est assez tardive et débute en 1951. Une équipe d’archéologues composée de David French, Alan Hall et James Mellaart découvre à cette date l’immensité de Çatalhöyük. Durant 10 ans, les trois chercheurs programmeront des fouilles qui ne débuteront qu’en 1961. Mais en 1965, James Mellaart, devenu directeur de celles-ci, se voit suspecté de trafic d’antiquités et est interdit de fouilles en Turquie.
Le lieu n’est plus fouillé jusqu’en 1993, lorsqu’un élève de Mellaart à l’Université de Londres, Ian Hodder, décide de reprendre des recherches. Dès lors, des équipes archéologiques du monde entier passeront à Çatalhöyük qui n’en finit toujours pas de livrer ses secrets.
Un site archéologique extrêmement riche
En effet, ce "pain", n’est pas la première découverte majeure faite à Çatalhöyük. Le site archéologique a permis de révéler des textiles aussi considérés comme les plus anciens trouvés à ce jour. Ainsi que de nombreuses œuvres en bois sculpté et des peintures murales qui constituent des clés très précieuses pour la compréhension de ces sociétés.
La grande spécificité des fouilles menées par Ali Umut Türkcan, est qu’il s’agit des premières recherches réalisées uniquement par des chercheurs turcs. Selon le BiTAM, de nombreux composés chimiques pouvant aussi faire avancer le domaine de l’archéologie botanique restent encore à analyser.
Inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO depuis 2012, ce site, comme celui de Göbeklitepe, a encore beaucoup à nous transmettre…
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