Alors que "naturalisation" rime souvent avec l’obtention d’une nationalité européenne, il est fréquent que des étrangers souhaitent devenir turcs. Pour ceux qui veulent remédier aux fastidieuses procédures de renouvellements de permis de séjour, ou pour ceux qui, par amour, se sentent binationaux, la naturalisation est une autre voie pour résider légalement en Turquie. La nationalité turque peut également "s’acheter". Petit tour d’horizon.
Cet article vise à présenter brièvement les différents moyens pour l’obtention de la nationalité turque. Ce sujet est en lien avec la loi n° 5901, relative à la nationalité turque et le décret n° 2010/139, relatif à l’application de la loi sur la nationalité turque.
Si l’on doit décrire de façon méthodique le schéma de la loi, la nationalité turque s’obtient de deux façons (voir le schéma ci-dessous), par naissance (acquisition par la loi), et par naturalisation (acquisition par l’autorité compétente).
> Les différents moyens pour obtenir la nationalité turque
Par naissance
En vertu de la loi turque sur la nationalité, l'enfant qui est né en Turquie ou à l'étranger d'au moins un parent turc, est turc. En effet, la filiation d’un seul parent turc permet à l’enfant d’obtenir la nationalité turque (Jus sanguinis en latin). De même, tout enfant qui est né sur le sol turc, et dont les parents sont inconnus, sauf preuve du contraire, est turc (Jus Soli en latin).
Par naturalisation
Via la résidence : Un étranger qui réside en Turquie de façon légale (via un permis de séjour) et de façon non interrompue pendant au moins 5 ans, peut faire une demande de naturalisation.
Attention : lors du calcul de cette période de 5 ans, la présence effective de l’étranger sur le sol turc est prise en compte (interruption maximale de 6 mois sur une année, 12 mois sur 5 années). Ainsi, un résident étranger qui passe tous ses congés annuels (ex : Toussaint, Noël, Pâques, période estivale etc.) en dehors de Turquie ne se verra pas octroyer la nationalité turque, même après 50 ans de résidence !
Via le mariage : Outre la résidence, un autre moyen "classique" pour la naturalisation est le mariage. Un étranger qui se marie avec un citoyen turc (et dont l’acte de mariage est dûment enregistré en Turquie, ou bien auprès d’un consulat turc à l’étranger) peut demander la naturalisation après 3 années de mariage.
Par investissement : À part les moyens décrits ci-dessus, la Turquie offre la possibilité d’ "achat" de sa nationalité, ce qui surprend beaucoup ces dernières années. En effet depuis 2018, le passeport turc peut être "vendu" aux étrangers. Dès lors tout étranger qui :
- acquiert un bien immobilier d’une valeur minimum de 400 000* dollars américains,
- épargne au moins 500 000 dollars américains dans une banque (pendant au moins 3 ans),
- fait l’acquisition de bons d’État d’une valeur minimum de 500 000 dollars américains,
- effectue un investissement d’une valeur minimum de 500 000 dollars américains,
- créé une entreprise et y embauche au moins 50 employés,
peut obtenir la nationalité turque sans condition de résidence préalable ni de connaissance de la langue turque.
Alors que les montants indiqués ci-dessus pouvaient être payés en livres turques, suite à la récente crise économique, l’État a préféré ne plus mentionner d’équivalent en livres turques, afin de contrer le risque de dépréciation de sa monnaie.
Depuis le 6 janvier 2022, les montants en question peuvent être payés en dollars américains, ou bien dans une autre devise étrangère, mais pas en livres turques.
De nombreux étrangers souhaitent "s’unir" pour l’achat d’un bien immobilier d’une valeur de 250 000 dollars. Une question est récurrente : "Monsieur A et Madame A peuvent-ils investir chacun 125 000 dollars, et obtenir chacun la nationalité turque ?"
Si Monsieur et Madame A peuvent prouver un lien de mariage officiel, ils peuvent chacun devenir turcs. Cependant si Monsieur et Madame A exigent que chacun de leur prénom soit inscrit au registre du cadastre en tant que "copropriétaires", dans ce cas, chacun d’eux doit apporter 250 000 dollars.
> La procédure pour obtenir la nationalité turque
Alors que la procédure de nationalité, du fait de la naissance, se fait auprès de l'État civil, celle de la "naturalisation" se fait à l’État civil (spécialisé) et auprès de l’Office des étrangers (spécialisé).
La nationalité à la naissance
Lorsqu’un enfant naît de père turc et / ou de mère turque, il est enregistré par ses parents au registre de leur famille, auprès de l’État civil le plus proche (dans les 30 jours après la naissance). Un enfant né sur le sol turc mais qui n’a pas acquis la nationalité par filiation, est enregistré par les officiers d’État civil.
La naturalisation
Pour la naturalisation via résidence ou par mariage, la demande doit être faite auprès de l’État civil (section Office des étrangers) où l’étranger réside en Turquie, ou bien auprès de l’Office des étrangers compétent (spécialisé).
Par exemple à Istanbul, le ressortissant étranger marié avec un citoyen turc doit déposer son dossier à l’État civil de Fatih (section Office des étrangers). Une fois les documents nécessaires dûment collectés et déposés, l’étranger devra payer les droits de naturalisation. (Outre les frais de traduction et de certification notariale, les certifications faites auprès du consulat compétent, l’étranger doit payer environ 200 TL pour la demande de naturalisation.)
Ensuite, l’étranger doit aller au Commissariat central ("Emniyet Genel Müdürlüğü", situé à Fatih) afin de laisser ses empreintes digitales, et passer un premier entretien (où l’officier de police posera quelques questions pour juger le niveau de turc du candidat à la citoyenneté).
Enfin, l’étranger est invité devant une commission mandatée par l’Office des étrangers, pour expliquer les raisons de sa demande de naturalisation, et attester de son niveau de turc (l’entretien dure 5 minutes – sans avocats ni époux / épouse).
Une fois le dossier complet, ladite commission l’envoie au ministère de l’Intérieur à Ankara, qui ordonnera des recherches complémentaires si estimées opportunes. Après environ 2 ans d’attente, l’étranger se verra octroyer la nationalité turque s’il répond à tous les critères et ne représente pas de menace pour l’ordre public et la sécurité nationale.
Pour la naturalisation par "investissement", les délais d’attente sont moindres. Dans un premier temps, l’étranger doit faire une demande de permis de séjour comme mentionné au paragraphe "j" de l’article 31 de la loi sur les Étrangers (n° 6458), ouvrant la voie à la "naturalisation exceptionnelle".
Une fois la carte de résidence reçue, l’étranger doit faire une demande de naturalisation auprès de l’Office des étrangers de Zeytinburnu (à Istanbul).
Dans le cadre de cette nationalité "exceptionnelle", l’étranger n’a pas besoin d’ apporter une quelconque preuve de résidence ou bien d’attester de la connaissance de la langue turque.
Que vous ayez fait une demande de nationalité turque pour cause de mariage ou bien d’investissement, n’oubliez pas, en parallèle, de bien renouveler vos permis de résidence, pour ne pas tomber dans une situation d’illégalité.
Alors que les premiers moyens de naturalisation (résidence/mariage) restent "classiques", ceux qui sont liés à l’ "achat" du passeport turc font réfléchir sur le plan éthique, et questionnent quant à la valeur d’une nationalité.
Ihsan Osman Yarsuvat, Avocat au Barreau d’Istanbul
www.yarsuvatlegal.com / ioy@yarsuvatlegal.com
Osman vous propose une rubrique juridique régulière, grâce à laquelle vous pouvez trouver des réponses aux questions que vous vous posez sur vos droits en Turquie.
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(*) Depuis le 13 juin 2022