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ISTANBULYWOOD - Quand les séries turques boostent le tourisme

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 13 juillet 2016, mis à jour le 1 avril 2024

Le public marocain n'est pas épargné par l'effet "Istanbulywood", y compris en France. Lepetitjournal.com d'Istanbul a notamment rencontré l'actrice Gaye Turgut Evin au salon Festiculture à Lyon en mai 

20H30 : les activités ménagères cessent et les conversations s'arrêtent pour laisser place à un silence absolu et inébranlable. Les personnages de Manar, Kamel, Oualid et Farida de la série turque Beni affet, "Samhini" en arabe (pardonne-moi), font leur entrée dans les foyers des familles marocaines via la chaîne 2M par satellite. Toutes générations confondues, en majorité des femmes, suivent assidûment les mélodrames de la vie de ces personnages.

Après le succès des séries sud-américaines et indiennes, le Maroc a fait grimper l'audimat en ouvrant les portes au marché turc, premier exportateur et deuxième producteur mondial derrière la machine hollywoodienne. Ce véritable phénomène médiatique qui a débuté en 2012 est loin de s'essouffler. Au contraire, après plus de 800 épisodes dont certains frôlent les 3 millions de vues sur YouTube, l'engouement a largement dépassé les frontières. Les feuilletons turcs cartonnent dans tout le Maghreb, mais aussi auprès des Marocains résidant en Europe.

Selon Macrométrie, en 2016, la chaîne 2M est en tête du palmarès des chaînes nationales les plus regardées au Maroc, notamment grâce à ce programme phare dont le taux d'audience peut atteindre 65% sans compter les téléspectateurs algériens de plus en plus nombreux.

Dialogues adaptés en dialecte local

L'addiction "Samhini" et son succès s'expliquent par une recette très simple : les noms des personnages ainsi que les dialogues ont été adaptés en dialecte marocain, la darija, plus accessible que l'arabe littéraire pour les personnes illettrées ou ceux qui ne l'ont pas étudié. Ajouté à cela des scénarios qui reflètent la société actuelle : amour, trahison, drames familiaux, et intrigues qui poussent à vouloir découvrir l'épisode suivant. La beauté du décor d'Istanbul ainsi que celle des acteurs sont la touche finale.

A l'occasion du salon Festiculture dédié à la Turquie qui s'est tenu à Eurexpo Lyon en France au mois de mai dernier, l'actrice Manar, de son vrai nom Gaye Turgut Evin (photo), s'est déplacée pour la seconde fois pour rencontrer ses fans, provoquant ainsi l'hystérie générale : "Je suis tout à fait consciente de l'amour que me portent les Marocains par rapport à la série, j'ai  une surprise pour eux, il est prévu que je fasse plusieurs allers retours au Maroc pour rencontrer mes fans prochainement, sachant que l'intérêt qu'ils me portent est beaucoup plus intense que celui de mes fans en Turquie. De nombreux cars de touristes viennent d'ailleurs sur les lieux du tournage." Sa cote de popularité fait d'elle l'égérie des publicités Maroc Telecom aujourd'hui.

Nacera, mère de famille d'origine algérienne témoigne : "J'ai été très émue de rencontrer l'actrice que je suis depuis 3 ans et demi, je suis accro à cette série que je regarde sur 2M, c'est une personne souriante, accueillante, comme je l'imaginais. Quand je suis dehors, je demande à mes filles de m'enregistrer la série car je ne peux pas m'endormir sans l'avoir regardée. Et lorsque je suis en vacances, j'essaie de ne pas faire de longs trajets pour être à la maison à l'heure de la diffusion. J'aimerais un jour pouvoir me rendre en Turquie."

"Toutes les générations s'identifient"

Rachida, une jeune femme d'origine marocaine venue avec sa mère ajoute : "Ma maman et  beaucoup de mes tantes suivent assidûment ces séries. Il y a des choses assez décalées dans les scénarios, ce n'est pas forcément le reflet du quotidien, de la réalité, et des sujets que l'on trouve au Maroc. En revanche, toutes les générations s'identifient aux personnages." Il y a des histoires de trahison, d'amour, de sagas familiales qui donnent du charme à cette série. Istanbul est une destination attrayante. La Turquie est un grand pays avec une grande histoire et beaucoup de monuments. Même si l'on vit en France, c'est un pays avec lequel on a beaucoup de points communs : c'est un pays musulman avec une culture dans laquelle on se reconnaît. Il est à la fois ouvert sur l'Europe et l'Orient, il y a des connivences. Ça donne envie de voyager."

Cette addiction a effectivement contribué à l'émergence d'un tourisme au profil atypique estampillé made in "séries télévisées stambouliotes". D'après les chiffres du ministère turc de la Culture et du Tourisme,  le nombre de touristes marocains est passé de 56.627 en 2013 à 68.985 en 2015, soit une hausse de 21,8 %.  Leurs homologues algériens étaient au nombre de 114.014 en 2015, soit une augmentation de 52,5% en trois ans. Le lien de causalité n'est pas inéluctable bien sûr, mais reste que cette progression croît au même rythme que le succès des audiences.

En termes économiques, le tourisme compte parmi les secteurs les plus dynamiques du pays qui enregistrent les plus forts taux de croissance. Selon l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), la Turquie est aujourd'hui la 6ème destination touristique mondiale et ne compte pas s'arrêter là. Elle ambitionne d'ouvrir les portes du plus grand aéroport du monde en 2018 pour assurer un trafic potentiel de 150 millions de passagers annuels. Une réussite qui suscite l'intérêt et la collaboration du Maroc. En effet, le 24 novembre dernier, une conférence sur la "success story" touristique turque fut organisée par l'Association Nationale des Investisseurs Touristiques (ANIT) à Casablanca. Cet événement avait pour vocation d'analyser les facteurs de réussite et d'en tirer des enseignements pour le tourisme marocain.

Toutefois, cette dynamique est freinée par la survenance d'attentats répétitifs. L'année 2016 enregistre une baisse de fréquentation significative de 30%... ce qui ne refroidit pas pour autant certains fans de la série, lesquels attendent le retour d'une conjoncture plus sereine pour jouer les touristes à Istanbul.

Ihsan Ouassif* (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 14 juillet 2016 

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Publié le 13 juillet 2016, mis à jour le 1 avril 2024

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