S’il est une escapade d’une journée très agréable, c’est celle qui vous conduira dans la ville d’Iznik, l’ancienne Nicée, facilement accessible en une heure et demie par le pont Osmangazi, puis, par une jolie route champêtre plantée d’oliveraies bordant le lac envahi de roseaux.
Que reste-t-il aujourd’hui de cette ville qui joua un si grand rôle dans l’histoire ? Quelques remarquables vestiges qui, à eux seuls, méritent le déplacement mais comme vous risquez de ne pas retrouver à Iznik, -qui présente, il faut le dire, les défauts d’un bourg de province défiguré par de récentes constructions-, l’ambiance historique dont vous aviez rêvé, je me contenterai de vous indiquer ce que j’y ai aimé…
Rappel historique : Iznik, une cité très convoitée
Baptisée ''Nikea'', du nom de son épouse, par le macédonien Lysimaque, cette capitale de la Bythinie devint, à partir de 74 av. J.-C., l’une des plus importantes cités de l’Empire romain d’Asie mais ce fut avec Constantin qu’elle gagna ses lettres de noblesse lorsqu’il y fit réunir, en 325, le très célèbre Concile de Nicée, premier concile œcuménique du christianisme. Ce concile condamnait l’Arianisme, soit l’hérésie d’Arius d’Alexandrie, disant que le Christ avait été créé par Dieu à partir du néant, alors que la profession appelée le ''Symbole de Nicée'', affirma que Jésus était consubstantiel au Père, c’est-à-dire qu’il était son fils unique, créé à partir de sa substance. C’est aussi à Nicée que se tint, en 787, le Septième Concile, qui condamna l’iconoclasme.
Plus tard, en 1075, la ville fut conquise par le Turc Süleyman Shah qui la nomma ''Iznik'' et en fit sa capitale jusqu’à ce qu’elle ne soit reprise par les Byzantins en 1097. Cependant, l’épisode le plus marquant est constitué par les 57 ans où Nicée devint la capitale momentanée de l’Empire byzantin. En effet, lors de la quatrième croisade, en 1204, les croisés s’emparèrent de Constantinople et y instaurèrent l’Empire latin. Théodore Lascaris, gendre de l’empereur, s’enfuit et fonda l’Empire de Nicée dont il fut le premier empereur, couronné dans la Sainte-Sophie locale.
Le quatrième empereur de Nicée, Michel Paléologue, reprendra Constantinople aux Latins en 1261 et restaurera l’Empire byzantin. Plus tard, au XIVe siècle, le sultan ottoman Orhan conquerra définitivement Iznik, qui deviendra une ville turque…
Flâner dans la rue ''Kılıçaslan''
La principale rue commerçante d’Iznik, très animée, offre un petit air suranné qui fait son charme. Vous pourrez y réaliser des emplettes à bon marché, manger de délicieuses glaces, acheter des fruits mûris au soleil vendus sur la chaussée par les producteurs, déguster plusieurs sortes de ''halva'' ; sans oublier d’acheter un bidon d’olives noires d’Iznik et de l’huile d’olive…
Visiter la Sainte-Sophie de Nicée
C’est au centre de la petite ville que se dresse la mosquée d’Orhan, qui n’est autre que la célèbre basilique Sainte-Sophie de Nicée, édifiée par Justinien au VIe siècle et où furent couronnés les quatre empereurs de Nicée.
Elle comporte trois nefs, la centrale, où a été aménagé un emplacement recouvert d’un tapis rouge pour la prière musulmane, et deux nefs latérales percées de fenêtres en ogives. On peut admirer, à l’entrée, les vestiges d’un ''omphalion'', l’emplacement du couronnement de l’empereur, en opus sectile, des dessins de marbres de couleurs différentes. Quant à l’abside, elle comporte encore les gradins de pierre sur lesquels se seraient assis les évêques du Septième Concile.
On peut aussi y voir, au niveau du sol, une "Déisis" très effacée, et au plafond, des traces de personnages entourés d’auréoles.
Non loin de là, vous pourrez découvrir les vestiges à ciel ouvert des fours à faïence historiques, mais on n’a pas le droit d’y pénétrer.
Se rendre au musée de l’hospice Nilufer Hatun et à la Mosquée Verte
A quelques minutes de marche se trouve l’ancien hospice de Nilüfer Hatun, ''Nilüfer Hatun Imareti'', très beau bâtiment d’une ancienne fondation pieuse convertie en musée, et qui expose, dans le jardin, des sarcophages antiques, des inscriptions byzantines et des cippes ottomanes, et à l’intérieur, des collections de faïences d’Iznik et d’objets anciens.
Quant à la petite Mosquée Verte qui se trouve à proximité, qui tire son nom des faïences de son minaret, elle date du XIVe siècle et offre de remarquables marbres ciselés dans le narthex.
Allez voir les ateliers actuels de faïence d’Iznik
A l’époque ottomane, entre le XVe et le XVIIe siècle, la ville d’Iznik était très célèbre pour ses faïences mêlant le bleu cobalt, le turquoise et le rouge, qui furent utilisées pour décorer des mosquées, comme la Mosquée bleue ou celle de Rüstem Pacha, à Istanbul.
Par la suite, cet artisanat, qui avait réalisé tant de merveilles, tomba en désuétude, mais aujourd'hui, de petits ateliers proposent, à prix modique, des objets en faïence d’Iznik actuelle et certains vous invitent aussi à venir réaliser vous-même votre propre création.
Découvrir les murailles
La ville a conservé ses impressionnantes murailles et à certains endroits, il est possible d’en longer une partie à pied. La première enceinte, de l’époque romaine, mesure environ cinq kilomètres et comporte encore certaines de ses six-cents tours, même endommagées. Pour renforcer la sécurité de la ville, elle a été doublée, sous l’Empire de Nicée, d’un second rempart qui était protégé par un fossé. Les murailles possèdent douze poternes mais surtout quatre portes monumentales dont la plus spectaculaire est celle de Lefke, avec son arc-de-triomphe restauré, et qui sert de départ à une petite promenade vous permettant de marcher entre les deux remparts au milieu des figuiers et des noyers.
A l’opposé de la ville se trouve la porte d’Istanbul, qui mérite aussi une halte. Si votre esprit aventureux vous pousse à aller découvrir les parties peu touristiques des remparts, sachez qu’à certains endroits, ils sont peu engageants, se dressant comme des silhouettes fantomatiques sur leurs énormes fissures et servant parfois de dépôt à ordures…
Mais c’est là justement que les intrépides pourront trouver des passages pour grimper et embrasser les alentours d’un coup d’œil ; avec grande prudence cependant !
Manger du poisson du lac sur le petit port
Le port d’Iznik est minuscule, il abrite les barques des pêcheurs du lac. Mais là, sur une sorte de presqu’île verdoyante, se trouve un restaurant dont la terrasse surplombant l’eau est bercée par la brise du lac, un enchantement lorsqu’il fait chaud. Vous pourrez y déguster les poissons locaux.
Nous avons beaucoup apprécié les brochettes (şiş) et la cassolette au four (güveç) de poisson-chat (yayın balığı), une sorte de silure dont le museau patibulaire n’est pas très appétissant -a priori- mais qui possède une chair très blanche évoquant celle de la lotte ; il atteint parfois des tailles impressionnantes, entre un et deux mètres, comme le montrent les photos des pêcheurs d’Iznik publiant leurs records sur Internet… Bref, le lac de Nicée est, à mon avis, l’un des grands charmes de la ville…
En vous souhaitant une agréable promenade !
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