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Inde : Encore 89 millions de femmes en milieu urbain exclues du marché du travail

Un nouveau rapport intitulé "Le paradoxe de l’emploi des femmes en Inde", publié par le Great Lakes Institute of Management de Chennai, met en lumière les difficultés d'accès à l’emploi pour les femmes Indiennes en zone urbaine.

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Photo by Tran Nhu Tuan: https://www.pexels.com/photo/a-group-of-people-sitting-at-the-table-at-a-business-meeting-17382269/
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 16 mars 2025, mis à jour le 17 mars 2025

 

Le rapport, qui analyse comment les « avancées visibles et les succès en matière de leadership masquent des obstacles systémiques et invisibles », souligne que des barrières profondément enracinées continuent de limiter la participation des femmes au marché du travail, révélant un paradoxe frappant dans les tendances de l’emploi selon le genre.

Si l’emploi urbain en Inde a atteint 28 % parmi les femmes en âge de travailler en 2023-24, soit une augmentation de 10 % dans l’emploi des femmes, plus de 89 millions d’entre elles restent exclues du marché du travail.

Les principaux freins à l’emploi des femmes en milieu urbain incluent les pressions sociétales, les violences conjugales, le déménagement après le mariage ou encore un accès limité à des moyens de transport pratiques.

Selon le rapport “en 2023-24, l’Inde n’a pas su exploiter les compétences de plus de 19 millions de femmes diplômées en milieu urbain, en raison de choix personnels ou de contraintes liées aux normes sociales, telles que la garde d’enfants, les trajets domicile travail ou les exigences de l’emploi.“ Il ajoute que 97 % des hommes urbains âgés de 30 à 49 ans étaient employés, suggérant la persistance d’une idée de “norme du chef de famille masculin”.

 

Les défis de l’emploi des femmes

Le rapport met en évidence l’impact du mariage et de la maternité sur la trajectoire professionnelle des femmes.

En Inde près de 80 % des femmes urbaines entre 25 et 29 ans sont mariées, mais seulement 29,2 % d’entre elles restent employées. Trop souvent les responsabilités domestiques accrues bouleversent l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Selon le rapport, les femmes mariées et actives consacrent 5,3 heures par jour aux tâches ménagères et aux soins familiaux, soit trois fois plus que les femmes célibataires. Seulement 4,7 heures seraient consacrées au travail rémunéré.

L’impact de la maternité sur l'emploi est lui aussi considérable au sein du même groupe d’âge : 44.3% des femmes célibataires entre 24 et 29 ans ont un emploi, contre 32.9% des femmes mariées sans enfant et seulement 18.9 % pour les jeunes mères.

Les raisons ? Déménager pour s’installer dans la ville ou son époux réside postmariage, l’insuffisance des transports publics ou encore la pression de la belle-famille pour qui, encore trop souvent, la femme doit s’occuper uniquement du foyer.

Les données montrent que 87 % des femmes migrantes se déplacent pour des raisons matrimoniales, contre seulement 0,7 % pour le travail. L’accès limité aux transports privés oblige de nombreuses femmes à recourir à des services de taxi coûteux ou à un réseau de transports publics inefficace, ce qui ajoute une contrainte financière et logistique supplémentaire.

En outre, les interruptions de carrière pour la garde d’enfants ou d’autres responsabilités familiales compliquent le retour des femmes sur le marché du travail, en particulier dans un environnement professionnel en constante évolution. Les femmes plus âgées rencontrent souvent des difficultés liées à des compétences obsolètes, au manque d’options de travail flexibles et à une recherche d’emploi plus ardue.

Pour surmonter ces obstacles, le rapport propose aux décideurs politiques et aux entreprises d’exploiter des plateformes telles que les cours en ligne du gouvernement Swayam Central et les programmes privés de formation numérique pour faciliter les reconversions professionnelles et la mise à jour des compétences. “Les outils d’IA peuvent être utilisés efficacement pour l’auto-apprentissage. Cependant, une meilleure sensibilisation et diffusion de l’information sur ces ressources sont nécessaires”.

 

Normes de genre et culture d’entreprise

Le rapport souligne que la structure d’entreprise désavantage les femmes, qui supportent une double charge professionnelle et domestique. Nombre d’entre elles renoncent aux carrières compétitives, non par manque d’ambition, mais en raison de normes rigides privilégiant la présence physique plutôt que la productivité.

Une enquête LinkedIn de 2025 citée dans le rapport révèle que 52,7 % des mères actives ont constaté une augmentation de leur productivité grâce au télétravail. Toutefois, près de la moitié d’entre elles estiment avoir moins d’opportunités de promotion que leurs collègues travaillant en présentiel.

De plus, 86 % des mères en télétravail passent jusqu’à trois heures par jour à s’occuper de leurs enfants, et 46 % s’inquiètent de devoir travailler plus longtemps que leurs homologues en présentiel. Malgré ces difficultés, la plupart des femmes en télétravail estiment que leur travail n’est pas suffisamment reconnu.

 

Emploi des femmes et problèmes de violences conjugales

Concernant la violence conjugale subie par les femmes employées, l’institut souligne que l’éducation réduit les risques. Selon les dernières données disponibles de 2019-2020, où la probabilité pour les femmes actives hautement éduquées en milieu urbain et celles ayant seulement une éducation primaire de subir de tels abus était respectivement de 20 % et 42 %. Des chiffres encore bien trop importants.

Paradoxalement, les données montrent que les femmes employées sont plus susceptibles de justifier les violences domestiques que celles qui ne travaillent pas, ce qui suggère une intériorisation des normes patriarcales ou une pression accrue pour se conformer aux rôles traditionnels de genre malgré leur indépendance économique.

Le rapport conclut que, bien que l’emploi des femmes en milieu urbain en Inde affiche des signes encourageants, des obstacles cachés persistent. Pour les surmonter, une action collective est nécessaire :

  • Les entreprises doivent repenser la flexibilité au travail,
  • Les gouvernements doivent rénover les infrastructures,
  • Les ménages doivent redéfinir les rôles de genre.

Et celle-ci ne peut exister sans une transformation du rôle et de la participation des hommes : “Si les discussions politiques se concentrent souvent sur des solutions centrées sur les femmes, le soutien et l’engagement des hommes restent sous-estimés mais essentiels”.

 

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