La Journée Mondiale de la Poésie est célébrée chaque année le 21 mars à l’initiative de l’UNESCO. Instaurée en 1999, cette journée met à l’honneur la poésie sous toutes ses formes, soulignant son rôle essentiel dans la transmission des émotions, des idées et des cultures à travers le monde. Elle rappelle aussi que la poésie est un art universel qui transcende les frontières et unit les peuples autour de la beauté des mots mais aussi leur capacité à transmettre des idées ou dénoncer la part sombre de nos sociétés.


En l’honneur de cette journée, lepetitjournal.com Inde vous propose donc une série de poèmes d’Indiens francophiles et de francophones amoureux de l’Inde…
Pierre Loti découvrant l'Inde
Le premier poème est un extrait de l'Inde (sans les Anglais) de Pierre Loti, écrivain et officier de marine français, connu pour ses récits de voyage et son style exotique...
"Midi, dans la mer Rouge. De la lumière, de la lumière, tant de lumière que l’on admire et l’on s’étonne, comme si, au sortir d’une espèce de demi-nuit, les yeux s’ouvraient davantage, voyaient plus clair, toujours plus clair. — Et très vite le changement s’est fait, avec ces navires d’aujourd’hui, que le vent n’influence plus, qui vous prennent à l’automne du Nord pour vous amener sans transition au perpétuel été d’ici.
Sur les eaux plus bleues, dansent des franges d’argent qui brillent. Et le ciel semble s’être éloigné de la terre, les nuages plus dessinés y paraissent plus suspendus dans le vide ; des profondeurs se révèlent, on plonge plus avant dans les lointains, on conçoit mieux les espaces.
Toujours plus de lumière. Vraiment les yeux se dilatent et se mettent au point pour percevoir plus de rayons et plus de couleurs… Alors, avant cela, on n’y voyait donc pas bien ?… De quelles ténèbres donc vient-on de sortir ? Et quelle est cette fête de clartés blanches ou de clartés d’or, qui, en silence et sans qu’on l’ait commandée, a l’air de partout commencer ?…"
Anirban Chakraborty, Indien francophone, porte son regard sur l'Inde contemporaine
Je m'appelle Anirban Chakraborty, je suis indien et francophone. Titulaire du DALF C1, je tiens à réussir le niveau C2 cet été. Jadis, je fus enseignant et actuellement je travaille dans le domaine corporatif. L'écriture étant une de mes grandes passions, elle occupe une grande partie de mon temps.
Anirban a tenu à nous parler des violences faites aux femmes.
Ce poème parle de la violence faite aux femmes en Inde et surtout l'apathie que montrent les gens après un tel événement. Comme si la femme était supposée être la cible de toute la colère et l'angoisse que nous subissons en tant qu'individu, par le simple fait d'être née dans un monde injuste, inégal et pernicieux. Bien qu'en Inde, cette pratique monstrueuse ait diminué énormément par rapport à autrefois, il reste encore du travail à faire quant à la reconnaissance et l'interdiction des violences aux femmes, surtout dans les campagnes. Ce poème dénigre la culpabilité cachée derrière un rideau d'indifférence mondaine des gens.
UNE AUTRE CASSE SA PIPE
Picorées par ces mecs,
Elle se pend de cet arbre funeste ;
Tandis que chacun se réveille
Du rêve noir dont les vestiges lui restent.
Un cri rabougri au lointain déchiquette
Les âmes froides de cette ville endormie,
Qui y demeurent avec cet ennui cosmique
En se promenant au bord des cadavres
Qui puent du sang maudit.
Une manifestation des morts-vivants
Passe par le cimetière –
En criant des diatribes à la bougie
Avec les panneaux et leur langue de vipère –
Qui est plein de trous sur la terre
Et les passages souterrains
Qui essaiment de sons augurant
D'une fin imminente arrivant.
Les becs enlacent le goût de sa chair
Que ses yeux blafards regardent
La dernière fois.
Petit à petit, la chair ouvre la voie au squelette,
Ensuite le crépuscule condamné
Couvre de nouveau le soir.
Les manifestants ont perdu
Cette bataille mais on s'en fout.
Rien n'a changé depuis le début ;
Ils se vantent sans s’en rendre compte.
Et enfin, ils font le détour
Et ils reviennent vers leurs trous –
En attendant le corps nu
D'une autre fillette sur les rues.
Juliette découvre l'Inde pour la première fois
“Je suis arrivée en Inde en octobre, pour faire un Service Civique à Pune, après des études de littérature et deux ans de dérive dans des pays étrangers. Six mois n’ont pas suffi à découvrir la culture de l'Inde, tant elle est riche ! Heureusement, je ne compte pas partir tout de suite.”
Ta thai thai tat, aa thai thai tat
Les vaches les rickshaws et les motos qui leur foncent dessus
Les klaxons le chant des oiseaux les cris des enfants
Le feu, la pollution et les guirlandes de fleurs.
Ta thai thai tat, aa thai thai tat
Les bindis sur les fronts des jeunes filles qui parent leurs chevilles de clochettes, les sourires et les mains tendues
Les mots français qu’on essaye de bien prononcer, mon nom qui est mal prononcé, les invitations
Les dosas encore chaudes, le poulet dans le biryani, le chai.
Ta thai thai tat, aa thai thai tat
Je vois l’Inde et ses couleurs, ses saris et ses temples
J’entends ses habitants et leurs recommandations, leur accueil bienveillant, un nouveau rythme plus calme et plus rapide à la fois
Je sens que je ne suis pas à ma place ici, mais que j’aime ce pays.
Anirban, séjour à Paris
Le deuxième poème décrit l'état d'esprit d'une personne jeune qui se trouve à Paris et qui tient à profiter d'un après-midi de congé en ayant la flemme et en flânant sur le plan psychologique tout en restant sur son lit. C'est un hommage aux grands poètes de la ville comme Baudelaire et Mallarmé parmi d'autres. Il démontre L'oisiveté artistique à la française et indique que la joie de vivre se trouve dans les activités qui sont à priori banales, indéfinissable et floues plutôt que dans la richesse matérielle.
UN ESSAI À PARIS
Un samedi matin, bruinant
Sous les cieux sans liesse et brunâtres
Du Cinquième jusqu'à la fin
De ma propre vision et de rue Mouffetard ;
Dans un état dépourvu de tout sentiment
Et de la peur d'être au taf en retard,
Je m'allonge sur le lit et je me laisse flâner
Dans le paysage mental de Montmartre
Le lundi à l'air d'être lointain
Et j'ai l'impression pour l'instant –
D'avoir tout ce dont j'ai besoin.
La mélancolie tente de son mieux et davantage
D'épier à l'intérieur et faire son chemin –
Et ça m'est égal nonobstant
Car c'est une pote depuis trop longtemps.
Et je m'abandonne sur ce qui aurait dû être et ce que j'aurais pu avoir...
Et les scènes cauchemardesques de ma vie et de mon vécu flottent devant
Le ressort brisé du rembourrage
Du canapé américain en cuir de mon garage.
Les frites mi-grillés demeurent au coin noir,
Que je tiens à manger durant deux mois
Et le froid dehors ressemble
À celui au fond du ventre.
Et toute imagination et toute conscience
Se balancent en me rendant dans un état – Époustouflé et épuisant.
Ah, arrêtons...assez de réflexions !
J'en ai marre maintenant
J'en peux plus mais je n'y peux rien.
C'est l'heure de rêver d'un meilleur demain ;
Oh comme c'est dur mais il faut essayer cependant...
Oh que cela me serre du sang mais il faut essayer cependant.
Rabindranath Tagore et la France : Un Hommage Poétique
Et pour finir nous vous proposons un extrait de ce magnifique poème de Tagore en hommage à la France qu'il a visité plusieurs fois, notamment en 1920 et 1930. Il y a rencontré de grands penseurs comme Romain Rolland et André Gide, qui admiraient son œuvre. Son message de paix et d’universalité résonnait particulièrement après la Première Guerre mondiale.
Qui était Rabindranath TAGORE ?
À la France (Extrait)
Ô France, tu portes au front la flamme,
Le feu ardent de la liberté,
Et sous ton ciel, nul ne désarme,
Car ton courage est vérité.
Ton âme vaste comme un fleuve
Chante un refrain d’humanité,
Où chaque note fière et neuve
Brise les chaînes du passé.
Tu es l’espoir, tu es la danse,
L’éclat du jour après la nuit,
Et dans le cœur de l’existence,
Ton nom pour toujours resplendit.
Nous remercions chaleureusement Anirban et Juliette qui ont accepté de nous partager leur poèmes.
Pour découvrir l'œuvre intégrale de Pierre Loti (en libre domaine), cliquez ici.
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