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Elections Inde : quel est le poids des agriculteurs dans les élections législatives?

Après les grands mouvements paysans de 2020 et 2021, les agriculteurs interpellaient à nouveau le Gouvernement en février dernier pour l'alerter sur leur endettement, le prix à la hausse du matériel et des produits, et les pertes financières suite à de mauvaises récoltes liées au manque d'eau et à l'appauvrissement des sols par les produits phytosanitaires. Le secteur agricole indien traverse une crise sans précédent, son modèle libéral né dans les années 90 ne permet plus à beaucoup d'agriculteurs de vivre décemment ni d'alimenter l'ensemble de la population. Les agriculteurs ont profité des élections pour rappeler au Premier Ministre Narendra Modi de respecter les promesses qui leur avaient été faites notamment d'inscrire dans la loi un prix minimum garanti pour les récoltes (Minimum Support Price ou MSP).

agricultureagriculture
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 24 avril 2024, mis à jour le 26 avril 2024

Pour tout savoir sur les élections en Inde, direction le podcast du petitjournal.com Inde

 

Panorama de l'agriculture indienne :

L'agriculture est la principale source de revenus d'environ 55 % de la population indienne.

La part de l'agriculture a atteint près de 20 % du produit intérieur brut (PIB) pour l'exercice 2020-2021.

L'Inde est le principal producteur mondial de nombreux produits agricoles : riz, lait de vache, viande bovine (zébu, buffalo), thé, mangues, etc.

Crise du modèle agricole indien :

La révolution verte née dans les années 1960 visait à augmenter significativement la production agricole et reposait sur l'amélioration des variétés produites et du système d'irrigation, l'usage massif d'intrants et un soutien des prix à la production.

Afin de garantir la stabilité du secteur agricole, l'Etat achète certaines des productions agricoles (blé, riz, canne à sucre, etc) à un prix minimal garanti, les centralise et les revend dans d'autres régions pour un prix symbolique. Ce système a poussé de nombreux agriculteurs à se spécialiser dans ces productions.

Dans les années 1990 l'Inde se libéralise et le secteur de l'agriculture ne fait pas exception. Les infrastructures financières sont démantelées et les restrictions à l'importation sont levées. L'agriculture indienne est mise en concurrence avec l'agriculture mondiale. Une loi de 2020 visait à remplacer progressivement le système d'achat des récoltes à prix garanti par l'Etat par la mise en vente directe de celles-ci auprès de négociants privés. Cette réforme a déclenché de vives protestations car elle était susceptible d'appauvrir encore davantage les paysans puisque les agro-industriels déterminaient désormais les productions à privilégier, la quantité à produire, les volumes stockés et le prix d'achat.

La réforme de l'agriculture votée malgré une forte opposition

Si les agriculteurs qui détiennent plus de 1.5 hectares irrigués semblent pouvoir vivre de leur production, les grands gagnants de la révolution verte et de la loi de 2020 sont ceux qui ont pu s'agrandir et se mécaniser mais surtout les grandes entreprises de l'agroalimentaires. Ces dernières sont détenues par des milliardaires proches du pouvoir tels Ambani ou Adani (qui s'est récemment spécialisé dans le stockage et le transport des récoltes). La réforme du Gouvernement de 2020 en faveur de la libéralisation du secteur répondait au lobby de ces grands groupes. Les petits producteurs (86% des paysans détiennent moins de 2 hectares) se sont opposés à cette loi qui à terme les auraient probablement contraints à leur céder leurs terres. En 2021, face à la pression, N. Modi abandonne les 3 grandes réformes libérales de la loi de 2020 et promet « un nouveau départ » dans sa relation avec les agriculteurs. Mais cette promesse n'a pas été tenue, et sa politique s'oriente toujours vers une politique agricole centralisée (elle relève actuellement de la compétence des états fédérés) et vers une concentration de la production entre les mains de grands groupes agroalimentaires proches du pouvoir.

Quel est le poids des agriculteurs dans les élections ?

Près de la moitié de la population travaille pour le secteur agricole et les agriculteurs sont apparus comme la plus grande menace pour le parti au pouvoir ces dernières années.

La politique agressive du Gouvernement à leur égard et les promesses non tenues qui ont poussées à plusieurs reprises les représentants du monde agricole dans la rue pour exiger une meilleure protection de leur bien-être économique, ont rendu le BJP peu populaire auprès des paysans.

Les dernières grandes manifestations paysannes (2020, 2021, 2024) ont donné lieu à une répression sévère de la part du Gouvernement. Les agriculteurs et producteurs des différentes régions de l'Inde se sont alors unis dépassant leurs différences culturelles, religieuses ou sociales. Selon les politologues, cela expliquerait en partie que le discours identitaire nationaliste du pouvoir de N. Modi ne trouve aujourd'hui que peu d'écho auprès de l'électorat paysan.

Quelles sont les principales promesses électorales faites aux acteurs du monde agricole ?

Les promesses du BJP :

  • Renforcement du Pradhan Mantri fasal bima yojana (PMFBY) grâce à des interventions technologiques ; Le PMFBY vise à fournir une couverture d'assurance complète contre les mauvaises récoltes, contribuant ainsi à stabiliser les revenus des agriculteurs et à les encourager à adopter des pratiques agricoles innovantes et modernes.
  • Poursuite de l'augmentation des prix de soutien minimum (MSP) mais sans pour autant l'inscrire dans la loi.

Promesses du Congrès aux agriculteurs :

  • Garantie légale du MSP annoncée chaque année par le gouvernement (comme recommandé par la Commission Swaminathan).
  • Création d'une commission permanente sur le financement agricole pour évaluer les besoins de crédit agricole et l'obtention de prêts.

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