Alors que la Ligue de la Jeunesse Communiste exhortait la jeunesse chinoise à "enlever leurs costumes, retrousser leurs manches et aller dans les champs", on voyait récemment les réseaux sociaux à appeler à se mettre au repos dans le phénomène des "tangping". Mais de quoi s'agit-il au juste ?
Le chômage des jeunes en Chine
Depuis quelques années, la Chine, qui connait une des plus rapides vieillissements de la population et une baisse de la fertilité, se trouve paradoxalement en face d'un taux de chômage des jeunes atteignant des records. En juin dernier, il s'élevait à un inquiétant 21,3%, alimentant des spéculations sur un niveau d'inactivité peut-être bien plus important. Dans une nation où l'insertion des jeunes sur le marché du travail est vitale tant sur le plan social qu'économique, un phénomène prend racine et dénote une profonde mutation des mentalités : le tangping (躺平).
Depuis 2021, le terme tangping ou "rester couché", illustre sur les réseaux sociaux un sentiment grandissant de désillusion dans la jeunesse chinoise. Dans un contexte économique affaibli, marqué par une faible mobilité sociale et une pénurie d'emplois qualifiés, beaucoup faisant partie de la Gen Z ont choisi de faire le strict minimum pour survivre. A cette attitude s'ajoute une nouvelle tendance, nommée bai lan (摆烂) ou "laisser pourrir", reflétant une profondeur de pessimisme encore plus marquée et un renoncement à toute ambition.
Le rejet de la valeur travail
Cette désaffection pour le travail se manifeste également par une augmentation du nombre de "enfants à temps plein", des jeunes qui préfèrent rester au foyer, dépendant financièrement de leurs parents. Mais cette inactivité a un coût, et un risque d’hystérésis pourrait se profiler : plus ces jeunes restent hors du marché du travail, plus il leur sera difficile d'y revenir, leurs compétences et expériences s'érodant avec le temps. Or les jeunes représentent une part importante des consommateurs, contribuant jusqu'à un cinquième des dépenses dans les zones urbaines.
Une partie du manque de motivation de la jeunesse vient de l'augmentation des postes faiblement rémunérés et non qualifiés, au détriment des emplois qualifiés dans les secteurs de la construction et de la manufacture. Par ailleurs, il semble y avoir un décalage entre les compétences acquises par les diplômés et celles demandées par les employeurs, et entre les attentes salariales et la réalité du marché.
Un phénomène seulement chinois ?
Cette vague de désillusion trouve un écho dans le phénomène du Hikikomori (ひきこもり) au Japon, où des jeunes choisissent l'isolement extrême, se retirant complètement de la société pour mener une existence recluse, souvent chez eux, à l'écart des pressions sociales et professionnelles. Alors que le tangping et le bai lan représentent un rejet de l'aspiration à la réussite et une remise en question de l'effort continu, le Hikikomori illustre une fuite encore plus radicale de la réalité sociale. Au final, les deux mouvements illustrent une nouvelle quête d'un équilibre qui respecte les individualités, le bien-être mental et l’épanouissement personnel. Reste à savoir comment cette tendance va se traduire lorsque cette génération sera arrivée aux commandes.
A suivre...