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Etudiants et jeunes diplômés chinois en recherche d’avenir à Hong Kong

etudiant chinoisetudiant chinois
Écrit par Patricia Herau-Yang
Publié le 6 décembre 2022, mis à jour le 6 décembre 2022

La jeunesse chinoise du continent, étudiants comme jeunes travailleurs, est de plus tentée par un avenir à Hong Kong. Point sur cette nouvelle tendance : pourquoi quitter la Chine, choisir Hong Kong, et comment Hong Kong se prépare-t-elle ?

Le ras le bol du zéro Covid en Chine

Le ras le bol du zéro Covid est l’explication retenue par le président chinois dans son entretien avec le président du Conseil Européen Charles Michel pour les mouvements sociaux et notamment étudiants en Chine depuis une dizaine de jours. Il est vrai que les universités chinoises, toujours à la pointe des mouvements sociaux dans le pays depuis le mouvement du 4 mai (1919), ont été très agitées. 50 universités auraient connu des mouvements, avec pour symbole la page blanche représentant la censure qui sévit en Chine.

Les étudiants actuellement à l’université ont en effet connu près de 3 ans de cours online, d’universités en quarantaine ou fermées sur de longues périodes (congés avancés ou prolongés). Plusieurs campus avaient connu des mouvements depuis des mois, notamment à Pékin où les étudiants avaient été enfermés derrière un mur alors qu’une vague de Covid s’annonçait sur leur campus. Ils avaient littéralement dû faire le mur (printemps 2022).

La vie étudiante a été aussi très contrainte pour ces jeunes Chinois enfin sortis du giron familial. Entre bars, restaurants et cinémas fermés, la vie sociale a certainement perdu de son intérêt. Les difficultés économiques ne sont pas à exclure dans ce ras le bol généralisé des étudiants, puisque les parents ayant perdu leur emploi ou une partie de leurs revenus ont certainement dû réduire l’enveloppe budgétaire prévue pour leurs enfants étudiants. Une jeunesse réduite à une vie monastique, qui a tout de même eu le droit de regarder la Coupe du Monde du Qatar à la télé, s’est embrasée quand elle a vu les stades remplis de fans non masqués.

La santé mentale des jeunes Chinois pose aussi question comme cela a été rapporté dans de nombreuses études chinoises. Internet semble ainsi avoir pris le dessus sur les relations interpersonnelles par rapport à la vie réelle. Les jeunes souffriraient aussi massivement de dépendance à Internet, de dépression et d’anxiété.

Des difficultés des Chinois à rejoindre les universités prestigieuses 

Pour les étudiants chinois, un Master à l’étranger a depuis 20 ans été le sésame vers les meilleurs postes au retour en Chine. Le haut du gratin a toujours choisi les universités américaines.

Hors, si les difficultés sont grandes pour obtenir des passeports dans la Chine de Xi Jinping, les difficultés sont tout aussi grandes pour obtenir un visa pour les Etats Unis de Donald Trump comme de Joe Biden. Moins de 50 000 visas F1 (étudiants) ont été accordés à des étudiants chinois ces six derniers mois, soit une baisse de 45% sur la même période en 2019, mais tout de même plus que les 8 visas accordés en 2020. L’administration américaine avait alors tout bonnement suspendu la délivrance des visas. Aujourd’hui, c’est deux fois plus d’étudiants indiens que chinois qui rejoignent les campus américains.

Au-delà du problème des délivrances de visas, il faut aussi se pencher sur les expressions d’intérêt des universités américaines, qui « tirent » les demandes de visas. Là aussi, l’appétence des universités américaines pour des étudiants chinois est en baisse. Plusieurs cas d’étudiants et doctorants chinois poursuivis pour espionnage aux Etats-Unis ont été très médiatisés, et les universités sont désormais réticentes à ouvrir leurs portes. Il faut ajouter à cette ambiance un certain sentiment anti-chinois de nombreux pays occidentaux, aussi très médiatisé en Chine, qui fait douter les étudiants auparavant très tentés par le rêve américain.

Pour tenter de mettre toutes les chances de leur côté, certains font appel à des consultants sans vergogne proposant « guaranteed acceptance » : ceux-ci falsifient les notes et diplômes des étudiants afin de leur garantir une entrée dans les universités de leur rêve. Parions que ces supercheries vont être vite découvertes et ternir encore les relations.

Il faut aussi être conscient que le prestige des Etats-Unis est quelque peu terni en Chine. La propagande véhicule l’image d’un pays en décadence qui laisse mourir sa population via une politique sanitaire de laisser-faire impitoyable et sans cœur. Les chiffres du Covid aux Etats-Unis ont fait leur chemin dans les jeunes têtes chinoises.

Hong Kong, une formation en anglais sans risques

Pour ces Chinois, étudier à Hong Kong présente de nombreux avantages. Bien sûr, les mouvements sociaux en 2019 ont fait peur en Chine. Les informations mettaient beaucoup l’accent sur la violence et le chaos, peu sur les revendications ou motivations des étudiants. Des Chinois du continent, à Hong Kong, avaient aussi eu à souffrir de discrimination de la part de Hongkongais exaspérés par leur passivité et manque de soutien au mouvement. Aujourd’hui, avec la mise en place de la loi de sécurité nationale à Hong Kong, les Chinois sentent que Hong Kong est « en ordre » et qu’ils y seront bien accueillis.

Les universités hongkongaises enseignent en anglais, comme aux Etats-Unis (pas de difficultés avec le cantonais, que personne ne parle hors province du Guangdong). Les diplômes locaux sont très bien reconnus tant en Chine qu’à Hong Kong. Enfin, le nombre d’étudiants étrangers à Hong Kong est en baisse (cause distanciation sociale), ce qui crée des opportunités pour les Chinois. Le service de l’immigration hongkongais a ainsi émis 37087 visas en 2021 à des étudiants Chinois, contre 30707 en 2019. L’université de Lingnan affirmait ainsi que la plupart des 13000 demandes d’admission reçues en juin pour les Masters 2022 venaient de Chinois. C’était 5000 seulement en 2021.

Hong Kong est aussi plus facilement accessible, économiquement acceptable, et culturellement moins éloigné que de nombreux pays occidentaux. L’expérience est pourtant agréablement dépaysante, le mix culturel de Hong Kong étant bien plus large que dans la majorité des régions chinoises. Même Shanghai, aujourd’hui, a vu sa mixité très réduite après 3 ans de zéro Covid.

De meilleures perspectives professionnelles à Hong Kong

Alors que la Chine est en atterrissage économique après 40 ans de croissance plus ou moins échevelée, Hong Kong est développé et stable. Le taux de chômage des jeunes diplômés chinois officiel est de 20%. A Hong Kong, il est de 8%. En effet, entre départs de jeunes actifs Hongkongais vers l’étranger post-mouvements sociaux et départs d’expatriés cause distanciation sociale, les perspectives de l’emploi à Hong Kong sont au beau fixe.

Les Chinois diplômés pourront ainsi remplir des trous dans des secteurs clés à Hong Kong : la finance, l’informatique notamment. La finance effectue en effet un recentrage pour certaines de ses activités vers la clientèle chinoise du continent, il est donc utile de parler mandarin. Quant à l’informatique, les besoins sont énormes, alors que le pool de ressources locales est limité.

Une tendance encouragée par le gouvernement chinois

C’est une tendance rendue possible par plusieurs « schemes », depuis plusieurs années. Le Admission Scheme for Mainland Talent and Professionals est en place depuis 2003 et a connu une accélération dans la Policy address de 2015. Il est ainsi possible pour des citoyens chinois diplômés et avec une certaine expérience professionnelle, armés d’une proposition d’emploi venant d’une entreprise à Hong Kong, de déposer une demande de carte de séjour temporaire. Ce séjour est possible pour plusieurs années, renouvelable plusieurs fois. Le titulaire peut emménager avec sa famille, qui dispose du même visa, avec un droit immédiat à l’emploi pour le conjoint.

Depuis sa Policy Address en 2022, John Lee a même introduit le concept de Technology Talent Admission Scheme (TechTAS). Celui-ci ouvre la porte à de nombreux talents étrangers (ou Chinois) dans les domaines de la technologie que la RAS souhaite accélérer. Les candidats chinois qui travaillent dans le secteur de la Big Tech chinoise, malaimé de XI Jinping, seront sans doute très intéressés. Les quotas du Quality Migrant Admission Scheme (QMAS) sont suspendus pour une période de deux ans. L’Admission Scheme for Mainland Talents and Professionals permet désormais d’embaucher dans 13 secteurs clés sans avoir à explorer le recrutement local.

Pour les étudiants chinois diplômés localement, les conditions pour pouvoir prolonger leur séjour via un emploi local sont très avantageuses.

Pékin voit aussi sans aucun doute d’un meilleur œil le départ de ses meilleurs éléments vers Hong Kong que vers les pays occidentaux. C’est donc une sortie par le haut pour XI Jinping d’une crise de confiance des étudiants et jeunes chinois. Ils ne partent pas bien loin.

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