Une situation explosive. Inextricable ou presque. La France fait face depuis plusieurs semaines à de fortes grèves et manifestations en opposition à la réforme des retraites annoncée par l’exécutif. Si la grève s’essouffle peu à peu, le pays reste majoritairement opposé à la réforme et surtout à l’utilisation de l’article 49.3. Mais lorsque l’on se trouve loin de chez soi, les nouvelles nous parviennent parfois en écho, de la famille ou de quelques articles seulement. Pour éclaircir la situation, il est utile de se demander : quelles sont les conséquences de cette réforme pour les expatriés ?
Le recours au 49.3 pour faire passer la réforme des retraites
Face à l’incertitude d’un vote sur la réforme, qui n’aurait probablement pas obtenu la majorité suffisante compte tenu de l’abstention brandie par bon nombre de députés Les Républicains, Emmanuel Macron a choisi le 16 mars d’utiliser son vatout : l’instrument contesté et impopulaire de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. De fait parfaitement constitutionnel, cet article engage la responsabilité du gouvernement sur un texte et ne nécessite donc pas de passer par un vote. Plus simplement, le gouvernement passe en force, et si les parlementaires s’en indignent, ils peuvent déposer une motion de censure et tenter de le renverser.
Une motion a été votée par les députés du RN, de la NUPES, et par une partie des députés LR, mais n’est finalement pas parvenue à ses fins. La réforme est donc considérée comme adoptée.
Les larges cortèges de manifestants et les images d’un Paris rempli de déchets, ont fait le tour du monde. Le mouvement parait s’essouffler aujourd’hui, en effet le taux de grévistes de la SNCF est passé de plus de 46% mi-janvier, à 16,5% le 28 mars, avec des chiffres comparables pour EDF et seulement 6 à 7% des effectifs encore en grève dans l'Education Nationale. Cependant la forte politisation de la contestation et son intensité depuis plusieurs semaines envoient un signal fort de mécontentement. Ainsi les mises en cause des comportements violents des uns et des autres dans les médias ou encore la mobilisation spontanée de 3000 personnes à Vire ce week-end, fief de la première ministre Elisabeth Borne, agissent comme des facteurs de cristallisation de la situation.
Que va changer cette réforme pour les Français ?
D’abord un report du départ à la retraite à 64 ans, avec un calendrier progressif sur plusieurs années (l’augmentation débutera pour les personnes nées à la fin de l’année 1961). Ensuite, l’allongement de la durée de cotisation, de 42 ans – 168 trimestres - à 43 ans - 172 trimestres. Enfin, relevons que la prise en compte des carrières longues demeure : Les personnes qui ont commencé à travailler avant 16 ans pourront partir à la retraite dès 58 ans, celles qui ont débuté avant 18 ans pourront partir à 60 ans, et entre 18 et 20 ans, à 62. Pour les personnes qui n’auraient pas pu cotiser suffisamment, l’âge de la retraite à taux plein reste fixé à 67 ans.
Selon les calculs du gouvernement, la réforme devrait générer près de 18 milliards d’euros d’ici à 2030, à l’heure où un autre chiffre a marqué les esprits en début d’année : 164 milliards d’euros, ou le niveau du déficit commercial de la France en 2022. D’où l’emploi du terme de « nécessité » par les partisans de la réforme, dont la rhétorique vante le rééquilibrage et la stabilisation à long-terme.
Quel système de retraite pour les travailleurs détachés et expatriés ?
Toucher sa retraite à l’étranger n’est pas une sinécure. C’est le moins que l’on puisse dire. Les situations peuvent diverger fortement en fonction des lieux d'expatriation.
Un salarié détaché – par exemple si votre entreprise implantée en France vous envoie en mission à l'étranger pour une courte durée, entre 6 mois et 3 ans – continue de cotiser en France, à l'Assurance retraite de la Sécurité sociale et à l'Agirc-Arrco (Association générale des institutions de retraite des cadres - Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) de la même manière qu’il le ferait s’il se trouvait encore en France. La période travaillée à l'étranger sera donc validée pour le salarié détaché au même titre qu'une période de travail en France.
Un salarié expatrié quant à lui relève du régime obligatoire de retraite du pays dans lequel il travaille et doit normalement percevoir une retraite de chaque régime auquel il a été affilié.
Mais là encore, tout dépend du pays dans lequel vous vous trouvez. Une coordination européenne des régimes de retraite est prévue entre les pays membres de l’Union et de l'Espace économique européen. Le travail que vous avez accompli dans ces pays sera donc pris en compte comme s’il avait été accompli en France. La situation au sein de l’UE est ainsi la plus simple. Chaque Etat verse la part de retraite qui lui incombe et le paiement est effectué dans le pays de résidence.
Avec une quarantaine d’autres pays, la France a également signé des accords bilatéraux de sécurité sociale. Ces accords prévoient là aussi la prise en compte des périodes validées dans ces deux Etats pour le calcul de la retraite.
En revanche, si vous êtes expatrié dans un État qui n'est pas couvert par un règlement européen ou un accord bilatéral, votre retraite sera calculée en fonction des seules périodes accomplies en France sans tenir compte de celles effectuées dans l'autre pays. C’est le cas à Hong Kong, qui n'a pas d'accord de retraite avec la France. Lorsque vous travaillez à Hong Kong, la ville calcule vos droits à pension de retraite en fonction de sa seule législation, rien ne comptera donc dans le calcul de votre retraite en France. Cependant, il est possible de souscrire volontairement à une assurance de la Caisse des Français de l'étranger (CFE), ce qui permet de continuer à cotiser pour une retraite française.
Peu de changements pour les expatriés à Hong Kong
Le changement lié à la réforme dépend du pays d'expatriation. Un expatrié français en Espagne ou en Italie, par exemple, sera touché par la réforme comme le salarié français et partira à la retraite plus tard, avec quatre trimestres de cotisation supplémentaires. Mais même après cette réforme, le système français demeure plus avantageux que celui de nos voisins.
A Hong Kong, pas d’accord, donc c’est le droit local dans lequel a lieu l’activité professionnelle qui s’applique. Les cotisations sont versées ici-même, et les expatriés travaillant à Hong Kong recevront donc la retraite hongkongaise.
Cependant, en travaillant à l’étranger, il est très probable que vous ayez eu des carrières dans plusieurs pays. Vous toucherez donc plusieurs pensions. Mais étant donné qu’il n’existe pas de système de retraite universel, il n’y a pas d’âge de départ à la retraite spécifique pour les personnes ayant travaillé dans des régimes différents. Au moment du départ à la retraite là où vous travaillez, en l’occurrence à Hong Kong, il vous faudra déposer une demande aux autorités pour obtenir votre part de retraite, de même quand vous arriverez à l’âge légal du départ à la retraite en France, il faudra contacter la France. Il est ceci dit bien plus probable que vous ayez d’abord à réclamer votre part de retraite française avant d’arrêter de travailler à Hong Kong.