En visite au salon de l’agriculture il y a quelques jours, le Président français a annoncé qu’il se rendrait en Chine début avril. Déjà venu dans le pays à plusieurs reprises, il annonce ce déplacement dans un contexte de regain des tensions avec les Etats-Unis, et de grèves massives qui le fragilisent sur le plan intérieur.
Visite dans un contexte de guerre en Ukraine
Cette visite n’a pas été annoncée par hasard. L’agenda du Président de la République est on ne peut plus clair. Il y a quelques jours il a félicité le plan de paix chinois en expliquant : « le fait que la Chine s'engage dans des efforts de paix est tout à fait bon », assumant une position nouvelle chez les occidentaux, et se démarquant notamment des doutes de l’Allemagne et des Etats-Unis quant à la sincérité de ces annonces.
Il a bien sûr rappelé que la paix n’était « possible que si elle passe par un arrêt de l'agression russe, un retrait des troupes et un respect de la souveraineté territoriale », mais renouant quelque peu avec la tradition gaullo-mitterrandiste, il souhaite assumer la fameuse « troisième voie ». Certes il faudra continuer à soutenir l’Ukraine, mais oui tous les efforts de paix vont dans le bon sens, et au bout du compte le conflit ne se règlera que diplomatiquement.
Son rôle est d’autant plus crucial qu’à l’inverse des Etats-Unis la France ne considère pas la Chine comme un ennemi affirmé, mais comme un rival potentiel. Lors de sa rencontre avec Xi Jinping au G20 en novembre, Emmanuel Macron avait déjà dit souhaiter que Pékin joue « un rôle de médiation plus important » dans la guerre en Ukraine, afin de « pousser la Russie à la désescalade ». Il avait ainsi été accusé par la presse internationale de faire « les yeux doux à Xi Jinping », mais c’est cette tempérance et cette retenue qui font aujourd’hui de la France un partenaire écouté par la Chine, en dépit de ses handicaps économiques.
Un lien entre la France et la Chine entretenu depuis 2018
La première visite d’Emmanuel Macron en Chine remonte à début 2018. Cette visite avait d’ailleurs donné lieu à un rapprochement clair avec Xi Jinping, qui avait allègrement pratiqué ce que les observateurs nommèrent par la suite « diplomatie du panda ».
En 2019 il s’était déjà rendu à Shanghaï pour une deuxième visite à dominante commerciale. Son objectif affiché était de vanter les produits français, notamment agroalimentaires et d’inaugurer une antenne du centre Pompidou. Il avait été présent à la Foire des exportations, grand rendez-vous commercial pour la France, qui présente 70 entreprises et en est un des « invités d’honneur ».
De nombreux projets avaient également été évoqués, d’appareils pour Airbus à un projet d’usine de traitement de combustibles nucléaires. Cette visite était déjà destinée à montrer que la France souhaitait éviter les frais de la guerre commerciale sino-américaine.
La relation particulière entre Emmanuel Macron et Xi Jinping
Le Président entretient une relation particulière avec Xi Jinping, qui l’avait « choyé » selon les observateurs internationaux. Les officiels chinois répétaient d’ailleurs que "Xi Jinping [attachait] une importance particulière à cette visite", qui assumait "une nouvelle étape dans la relation bilatérale".
Les deux présidents n’ont pas de mal à s’accorder pour défendre un « multilatéralisme fort », notamment à l’époque face aux velléités anti-chinoises de Donald Trump. Cette stratégie visant à prôner le multilatéralisme pour justifier la cordialité des relations arrange les deux pays. La Chine aspire à renforcer son duel avec les Etats-Unis pour appuyer son leadership régional, et la France souhaite assumer sa position d’équilibre.
Des enjeux économiques forts pour la France
La France a toujours une relation déséquilibrée avec la Chine, elle lui achète trop et ne lui vend pas assez. La déficit de la balance commerciale française a battu un record historique en 2022, atteignant les 164 milliards d’euros. Avec la République Populaire, malgré la vente des Airbus, des sacs à main, du vin et du cognac, le déséquilibre des échanges a été multiplié par cinq en moins de vingt ans, le déficit passant de 5,7 à 27,2 milliards d’euros.
Il faut dire que l’entrée de la Chine dans l’OMC a correspondu à l’affaiblissement de la production industrielle française. La relation entre les deux pays est la plus inégale depuis 2008, devant celle avec l’Allemagne.
Ce qui permet cependant de nuancer ce bilan négatif, tient dans les échanges de services (tourisme, transport, banque, assurances, etc.), dans lesquels la France a un solde positif de 16 milliards d’euros 2020), et dans les importations provenant des filiales chinoises de groupes français. Mais ces performances ne sont pas suffisantes pour rattraper l’ampleur du déficit.
S’accorder pour négocier le futur de l’Ukraine
Le contexte de la guerre en Ukraine sera prégnant lors de cette rencontre, après la publication du plan de négociations chinois il y a quelques jours.
Le Président a donc salué ce plan, tout en appelant la Chine à « ne livrer aucune arme à la Russie » et à « nous aider à faire pression sur la Russie pour qu'évidemment, elle n'utilise jamais ni le chimique ni le nucléaire, et qu'elle arrête cette agression en préalable à une négociation ». Il a salué les efforts de la Chine qui a fermement condamné toute utilisation de ces deux extrémités.
L’entretien entre Emmanuel Macron et Xi Jinping permettra aux deux hommes d’évoquer la question stratégique des négociations à mener pour mettre fin au conflit, les deux ayant désormais intérêt à sa fin prochaine pour reprendre les échanges commerciaux dans un climat plus serein. Bien que les nouvelles déclarations du ministre des affaires étrangères chinois sur le « néo maccarthysme » américain alimente encore davantage les tensions entre les deux puissances.