Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 1
  • 0

Réforme des retraites en France, à Hong Kong, en Chine: où en sommes-nous ?

personnes agees personnes agees
@unsplash/Gabriella Clare Marino
Écrit par Patricia Herau-Yang
Publié le 19 décembre 2022, mis à jour le 19 janvier 2024

Très attendus en France, les détails de la réforme des retraites ne seront finalement dévoilés qu’en 2023. A Hong Kong, les réformes clé ont eu lieu en 2015 sur l’âge de la retraite et en 2000 via l’instauration du MPF. Aujourd’hui les Hongkongais seniors sont parmi les plus actifs du monde. En Chine, le sujet inquiète aussi, dans un contexte d’économie en phase d’atterrissage et de chômage massif, alors que le gouvernement central peut se montrer très rapide voire brutal dans ses réformes.

En France : une réforme des retraites qui peine à voir le jour

Ce 12 décembre, lors d’une réunion d'étape du Conseil national de la refondation, le président français a annoncé différer d'un mois l’annonce des détails de la réforme des retraite originellement attendus le 15 décembre. Emmanuel Macron a expliqué ce report au 10 janvier par un nombre de changements du côté des partenaires sociaux et des formations politiques (LR a élu Eric Ciotti à sa tête). Le président français évoquait « beaucoup de discussions et de concertations ces dernières semaines et derniers mois » sur le sujet. En fait, le sujet fait couler de l’encre depuis de nombreuses années.

Le calendrier envisagé serait une présentation en Conseil des ministres à la mi-janvier, un examen au Parlement, puis une application « dès l'été ». Les grandes lignes du projet sont : un report progressif de l'âge légal de départ pour atteindre 65 ans d'ici à 2031 ; une revalorisation des pensions minimales à 1200 euros ; une meilleure prise en compte des carrières longues et/ou pénibles ; et la fin des régimes spéciaux.

Covid ou pas, rappelons que l’espérance de vie en France est en progrès : les filles nées en 2022 vivraient en moyenne 93 ans et les garçons 90 ans, alors que les femmes et les hommes âgés de 65 ans en 2022 vivraient en moyenne jusqu'à respectivement 89 ans et 86 ans (source Insee). D’après Donneesmondiales.com la France était au 23ème rang mondial en 2020. Or, entre espérance de vie qui s’allonge et études tardives, le nombre d’années travaillées (et cotisées) ne suffit pas à équilibrer le système. 2023 sera certainement une année socialement active en France.

Hong Kong: une réforme des retraites faite et des seniors qui travaillent toujours plus

Au même classement sur l’espérance de vie, Hong Kong se classe premier pour les deux sexes. L’âge officiel de départ à la retraite est de 65 ans depuis 2015. Côté fonctionnaires, ceux qui ont pris leur poste entre le 1er juin 2000 et le 1er juin 2015 faisaient auparavant valoir leurs droits à la retraite dès 60 ans voire 55-57 ans (pour certains types de postes). Depuis 2015, l’âge requis est de 60 ans (pour certains types de postes) et 65 ans (pour les autres).

Le gouvernement encourage des départs tardifs à la retraite et les seniors semblent en faveur de cette tendance. Certains arguent que cette activité tardive est un secret de la longévité hongkongaise. En fait, la raison principale semble, non pas le souhait de travailler longtemps ou la contrainte légale, mais surtout le manque de revenus : les seniors ont besoin de revenus et ne peuvent vivre sur leurs simples économies ou le MPF.

Depuis la création récente (2000) de ce fonds de pension obligatoire, une retenue mensuelle est effectuée tant sur la part employeur qu’employé et versée sur un fonds choisi parmi un portefeuille autorisé. Le MPF est mis en place dès 60 jours de travail, même en temps partiel. Il peut être retiré à partir de l’âge de 65 ans et sous certaines conditions plus tôt. Après seulement 22 ans d’existence, une retenue mensuelle obligatoire de 1500 HKD pour l’employeur et 1500 HKD pour l’employé, les sommes sont loin de suffire. Les performances très modérées de la bourse hongkongaise depuis plusieurs années poussent les seniors à repousser l’âge de leur départ à la retraite.

Retraite France, Hong Kong, Chine
L'index Hang Seng depuis la mise en place du MPF (Crédit: www.macrotrends.net)

Ainsi, une enquête rapportée en juillet 2021 par le SCMP indiquait que 90% des Hongkongais âgés de 50-59 ans n’avaient pas d’idée claire sur leur horizon de retraite et devaient poursuivre une activité salariée.

Bien sûr, rien n’empêche un résident hongkongais de prendre sa retraite plus tôt. Il est parfaitement légal et possible de prendre sa retraite à 40 ans, et c’est ce que font des cadres de la finance. C’est un phénomène connu sous le nom de mouvement FIRE (financial independence, retire early). Mais pour la plupart des Hongkongais, c’est une incongruité qu’ils ne peuvent pas se permettre.

Chine: mettre au travail des retraités trop occupés à pouponner

L’espérance de vie a plus que doublé depuis 1949, date à laquelle elle était de 35 ans seulement. Aujourd’hui, la Chine définit l’âge légal obligatoire de départ à la retraite à 60 ans pour les hommes, et entre 50 et 55 ans pour les femmes (50 ans pour les ouvrières, 55 ans pour les autres). Ces règles ont été stipulées en 1951 (espérance de vie de moins de 50 ans) et jamais revisitées. Ceci classe la Chine moderne comme le pays aux âges de départ en retraite les plus jeunes. Comme dans de nombreux pays, les retraites des femmes sont très inférieures à celles des hommes (pour cause de contribution moindre).

En 2021, le 14ème plan quinquennal qui rythme l’économie chinoise incluait une réforme de l’âge de la retraite. Il semble donc que l’âge de la retraite va être révisé dès 2025. Le Conseil d’Etat chinois a récemment communiqué sur les changements démographiques très importants en Chine : naissances en chute libre (1.18 enfants par femme, alors que le seuil de remplacement est 2.1), population vieillissante (18.9% de la population serait âgée de plus de 60 ans, alors qu’une population est dite vieillissante au-delà de 10%) et population active en forte décroissance (selon un article du journal Banyuetan, 20 millions de Chinois vont atteindre l’âge de la retraite chaque année pendant les 10 prochaines années, alors que seulement 17 millions de jeunes rejoindront les rangs des travailleurs).

Le déséquilibre a deux impacts : moins de population active dit une croissance économique faible, plus de population retraitée dit une ponction trop importante sur le système de retraite (assuré par le gouvernement, et régulé aux échelons locaux).

La Chine étant loin d’être un pays d’immigration, il faut rétablir l’équilibre en augmentant le nombre de travailleurs locaux. Ceci ne sera pas possible dans une Chine qui étudie de plus en plus longtemps, sauf en gardant les travailleurs au travail plus longtemps, CQFD.

Si vu de Pékin tout semble jouer en faveur de la réforme, l’idée est très impopulaire tant chez les jeunes (qui n’ont pas du tout envie que leurs opportunités de travail soient prises par des seniors, alors que le chômage est de 20%) et les seniors (qui sont prêts à récolter les fruits de leur vie de labeur).

Le plus grand fonds de pension chinois (étatique) annonçait ainsi en 2020 son premier déficit. Ce n’est pourtant pas faute d’effectuer de fortes retenues auprès des employeurs privés. En 2020, l’état chinois avait accordé une trêve au système privé pour cause de Covid, et le déficit a été immédiat. Le système public, pour sa part, est entièrement financé par les gouvernements locaux (aucune retenue sur les salaires des fonctionnaires, nombreux en Chine). Les finances des provinces sont aussi loin d’être au beau fixe, alors que la majorité de leurs revenus venait de la mise à disposition de terrains et en pleine crise du secteur immobilier.

Si toutes ces difficultés sont assez semblables à celles de pays plus proches de nous, une difficulté supplémentaire va rendre la réforme très compliquée : l’absence de solutions de garde pour les jeunes parents, qui les rend dépendants des grands-parents. La société repose sur cette disponibilité de seniors en bonne santé et à la retraite. Va-t-on renvoyer les mamans à la maison pour mieux libérer les grands-parents ? Dans une Chine qui appelle les familles à avoir plusieurs enfants, l'avenir des femmes est-il un retour à la maison ? De grands chamboulements en vue, qui pourraient arriver très vite.

Sujets du moment

Flash infos