Romancier et historien à succès Paul French partage sa vie entre la Chine qui a toujours nourri son inspiration et Londres, sa ville natale. Nous avons rencontré l’auteur de “Midnight in Peking” et de “Shanghai Noir”. Itinéraire d'un amoureux de la Chine et de son histoire.
Les tatouages de mon arrière-grand-père m'ont attiré en Chine
Comment vous définiriez-vous ?
Pas facile à dire. Malgré mon nom d’origine française huguenote, je suis anglais et j’ai passé 20 ans en Chine, entre Pékin et Shanghai. Venu au début pour apprendre le mandarin, j’ai depuis toujours été fasciné par ce pays à l’histoire unique, regorgeant d’anecdotes extraordinaires, liées aux influences étrangères depuis la fin du 19ème siècle alliées aux mystères de l’Orient. Plus précisément, c’est Shanghai qui m’a intrigué depuis mon enfance puisque mon arrière-grand-père, ancien marin, avait l’habitude d’exhiber ses tatouages de dragons sur les deux bras dont la gueule finissait sur la main en me répondant malicieusement que ceux-ci venaient de cette ville. Lorsqu’il ponctuait sa phase d’un clin d’œil, sa femme lui retournait une gifle qui en disait long sur les plaisirs secrets qu’il avait connu.
La Chine des années 30 est une source inépuisable d'histoires
Comment est née votre vocation de romancier ?
J’ai naturellement passé le plus clair de mon séjour en Chine à Shanghai depuis le milieu des années 90 et j’ai vite compris ce dont mon arrière-grand-père parlait, en particulier les activités mafieuses qui s’y déroulaient dans les années 1920, du fait de la présence simultanée des Britanniques, Français, Russes, Américains aux côtés des Chinois. Trafic de l’opium bien sûr mais aussi prostitution, magouilles et hommes de pailles liés à des opérations immobilières et arnaques douteuses en tous genres. A l’époque Hong Kong n’était qu’un port militaire sans grand intérêt et Pékin le symbole du monde ancien alors que Shanghai brillait de mille feux. Quand vous rajoutez le contexte de la guerre avec le Japon et les intrigues politiques, vous avez les ingrédients parfaits pour un best-seller. C’est ce qui m’a donné l’envie de coucher toutes ces choses sur le papier en réunissant l’attrait pour une enquête policière et le décor extraordinaire de cette époque.
C'est la combinaison de faits réels et du style qui font l'attrait de mes romans
Votre premier grand succès se déroule à Pékin et non à Shanghai, pourquoi ?
C’est vrai. A vrai dire, en recherchant sur les affaires non élucidées de cette période, le cas Pamela Werner s’est imposé à moi. Cette affaire concernant la fille d’un consul britannique et d’une femme chinoise mélangeait déjà les deux mondes. Par ailleurs l’invasion japonaise de cette partie de la Chine la même année donnait un relief historique où se mêlaient la géopolitique, le volet culturel et les intrigues liées au monde souterrain. Je signale que tous les faits relatés dans mon ouvrage sont rigoureusement exacts, ce qui permet aisément au lecteur de se projeter dans cette époque et de cheminer aux côtés des personnages de ce roman policier. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque dans la presse internationale du fait des personnalités impliquées et du contexte de la guerre sino-japonaise qui attirait les projecteurs sur la Chine.
Shanghai reste le décor idéal pour des romans de gangsters
Shanghai vous a aussi inspiré avec "City of Devils, a Shanghai Noir"
Tout à fait. Basé sur la même recette, je me suis intéressé au passage dans le Paris de l’Orient d’aventuriers qui ont su profiter du contexte largement permissif pour se lancer dans le monde des paris. Ce fut le cas de l’Américain Jack Riley qui après avoir effacé son passé criminel est arrivé à Shanghai avant d’inonder la ville de machines à sous et d’amasser une petite fortune. Dans cet ouvrage, une part importante est tenue par les « Badlands », une zone de non-droit à la limite des concessions étrangères où la crapule côtoyait les polices secrètes à la solde des Japonais et des Chinois. Encore une fois, tous les faits cités sont exacts. Je ne fais que redonner vie à des personnages qui ont existé.
La vie de Wallis Simpson est passée par la Chine
Aujourd’hui sur quoi travaillez-vous ?
Je suis en train de rassembler des éléments sur la période asiatique de Wallis Simpson. Mariée à un officier de marine américain, elle a suivi celui-ci à Hong Kong avant de passer du temps à Shanghai, y multipliant les « «expériences ». De cette période chinoise, elle aurait hérité son style androgyne incomparable et selon certains une grande connaissance des techniques des professionnelles de maisons de passe. Vérité ou légende, vous le découvrirez dans cet ouvrage qui mélange encore une fois deux ingrédients pour un bestseller : la vie de la famille royale britannique et l’Asie.