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Hong Kong, une ville construite sur l’eau

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Les Land reclamation, des risques pour la faune et la flore - Photo personnelle
Écrit par Alliance Française à Hong Kong
Publié le 27 mai 2021, mis à jour le 2 mai 2024

Les Land Reclamation, ou terre-pleins en français, sont des étendues artificielles de terre construites sur les flots, qui permettent d’agrandir un territoire. La pratique est courante dans de nombreux pays, tels que le Japon, Singapour, le Canada, les États-Unis ou même la France, avec notamment l’aéroport de Nice.

À Hong Kong, les premiers projets datent du XIXe siècle et ont contribué à l’expansion économique et démographique de la ville. Mais s’ils répondent à de réels besoins, ils ne sont pas sans danger pour les eaux, la faune et la flore touchées de près.

Pour mieux comprendre les enjeux environnementaux liés à ces projets, je suis allée interviewer Cindy Lam, biologiste marine à la Hong Kong University of Science and Technology.

Article rédigé par Karine Yoakim Pasquier en partenariat avec le magazine Paroles

Les terre-pleins à Hong Kong, une histoire centenaire

Souffrant d’un manque de place chronique pour ses logements et infrastructures, Hong Kong a, dès le XIXe siècle, étendu ses terres le long de la côte. L’un des premiers projets de ce genre, le chantier de Praya Central, en 1868, a permis d’ajouter 24 hectares de terre à la zone plus connue aujourd’hui sous le nom de Des Vœux Road.

 

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La promenade de Praya, à Central entre 1871 et 1872 — Photo@Wikimedia Commons

 

Dans les années 50, avec l’afflux massif de migrants en provenance de Chine, de nouveaux terrains habitables furent créés pour accueillir cette population grandissante et permirent la construction de villes, telles que Kwun Tong dans les années 50, Tsuen Wan dans les années 60, suivies par Sha Tin et Tai Po, dans les années 70. Dès 1970, neuf nouvelles villes virent le jour: de Tai Po à Fanling, en passant par Tseung Kwan O ou encore Tin Shui Wai, toutes furent créées grâce à des projets de terre-pleins et permirent d’accueillir une population de 3,5 millions d’habitants (source : cedd.gov.hk).

De Central à Kwun Tong, il n’est pas une zone à Hong Kong qui ressemble à celles que les Anglais ont trouvées, à leur arrivée au XIXe siècle. Hong Kong étant un minuscule territoire, l’idée de grignoter sur la mer pour en élargir les frontières s’est rapidement imposée comme une solution miracle. Ainsi, plus de 1400 hectares de terre furent construits artificiellement entre 1868 et 2020, la majorité se situant dans les Nouveaux Territoires et sur les îles.

Mais si les avantages économiques et sociaux sont certains, ces projets eurent également un impact non négligeable sur les ressources naturelles et le patrimoine culturel de Hong Kong, mettant à mal flore, faune et vestiges historiques.

Les impacts environnementaux liés aux Land Reclamation

Généralement, les terre-pleins sont réalisés par remblaiement, en utilisant des roches ou du ciment, et renforcés avec de l’argile et de la terre. À la différence des polders, qui sont des terrains asséchés situés en dessous du niveau de la mer et protégés par des digues et que l’on voit beaucoup en Belgique ou aux Pays-Bas, les terre-pleins se trouvent au-dessus de l’eau, et permettent entre autres d’y faire de l’agriculture, de lutter contre les moustiques, de réhabiliter des décharges ou encore de développer des zones urbaines.

À Hong Kong, les terre-pleins impliquent le dragage et le remplissage des espaces marins avec des matériaux. Si par le passé, les préoccupations liées à la remise en état des terres concernaient principalement le prix du matériel utilisé ainsi que le temps nécessaire à l’achèvement des travaux, la situation est différente aujourd’hui.

 

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Les terre-pleins à Hong Kong: construits (en gris) et en cours de développement (en rouge). Photo@Wikimedia commons

 

En 2021, la population est plus consciente des dommages subis par l’environnement et de ce fait, la controverse grandit au sujet des impacts marins et écologiques liés aux Land Reclamation. En effet, comme me l’explique Cindy Lam: «les sédiments marins peuvent servir de “puits” pour les polluants toxiques. Le dragage peut introduire des polluants dans l’eau et entraîner une toxicité pour tous les organismes marins…»

Hong Kong, avec son littoral d’environ 1178 km2, abrite divers types d’habitats côtiers tels que les mangroves et les vasières, les plages de sable, ou les côtes rocheuses, et possède une biodiversité riche et unique. Les terre-pleins pourraient détruire inévitablement ces habitats écologiquement riches et menacer les espèces y vivant.

Les dauphins et les coraux, à l’épreuve des terre-pleins

Lorsque je demande à Cindy Lam quels animaux sont impactés par ces projets, celle-ci me confirme que les terre-pleins ont des conséquences directes sur la faune de Hong Kong, et notamment pour le dauphin blanc de Chine (Sousa chinensis chinensis), appelé également dauphin à bosse de l’Indo-Pacifique. 

D’après un programme de surveillance mené à Hong Kong depuis 1995 (rapport annuel de l’AFCD, 2020), entre avril 2019 et mars 2020, 158 groupes de 524 dauphins blancs chinois et 124 groupes de 317 marsouins sans nageoires ont été aperçus dans la région lors des relevés par bateau et par hélicoptère. Malheureusement, cette population tend à décroître, en particulier dans la zone du nord de Lantau. Selon Cindy Lam, cette baisse drastique ne serait pas étrangère aux Land Reclamation.

 

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Le dauphin, espèce menacée par les Land Reclamation — Photo@Chem7 — Flickr

 

En effet, de tels projets ont de nombreuses conséquences désastreuses sur ces animaux : destruction des ressources marines dont le dauphin se nourrit, altération de leurs aires de reproduction, de nurserie et d’alimentation, risques d’atteintes à leur santé, etc. «L’accumulation de produits chimiques nocifs dans les poissons et les crustacés peut augmenter la toxicité le long de la chaîne alimentaire pour le dauphin. De plus, ces animaux s’appuient sur l’écholocalisation, similaire au sonar, pour la chasse, la communication et la navigation. Les dauphins écoutent le son réfléchi qu’ils produisent et l’utilisent pour localiser leurs pairs, poissons et autres objets. Les travaux de construction sous-marins peuvent interférer avec la capacité d’écholocalisation des dauphins, pouvant aller jusqu’à entraîner leur mort dans des cas extrêmes.»

Mais le dauphin n’est pas la seule espèce touchée: «Un deuxième exemple est la translocation des coraux. En effet, afin de réduire les impacts des Land Reclamation sur les espèces marines, des experts ont suggéré de déménager les espèces affectées dans une zone voisine. » Pour illustrer ses dires, la chercheuse me cite le cas des coraux gorgones, qui — pendant la construction de la troisième piste de l’aéroport — furent transférés.

Malgré des études poussées sur le sujet, le déplacement de ces coraux a néanmoins rencontré quelques limites, telles que la présence d’eaux proches de la rivière des Perles plus troubles que celles de la mer, rendant l’identification des espèces difficiles, le manque de recul sur ces coraux gorgones et leur arrivée dans la région, et l’impossibilité de localiser les coraux accrochés à d’autres rochers.

Le projet Lantau Tomorrow Vision

C’est en 2018 que le projet «Lantau Tomorrow Vision» fut annoncé par le gouvernement de Hong Kong. Avec son emplacement stratégique et sa taille unique, l’île de Lantau est en effet un lieu de choix pour tout développement économique ou urbain. Le projet permettra de gagner plus de 1700 hectares sur la mer. Il aura pour objectif la création d’un nouveau quartier d’affaires, en construisant plusieurs îles artificielles près de la zone inhabitée de Kau Yi Chau et de celle de Hei Ling Chau, abritant aujourd’hui une prison et un centre de désintoxication. Mais d’autres infrastructures seront également mises sur pied, telles que le développement de 260 000 à 400 000 unités d’habitations, qui seront disponibles dès 2032 et dont 70 % seront des logements sociaux, un accroissement du réseau de transports et l’essor de Sunny Bay en tant que Leisure and Entertainment Node.

Avec un accent particulier placé sur l’écologie, le projet se veut dans l’air du temps, désirant entre autres se concentrer sur les énergies vertes, la gestion des déchets et l’écotourisme (source : lantau.gov.hk). Mais certains craignent que le projet ne porte préjudice à la faune et la flore des environs et n’altère l’écosystème marin de l’île.

Pour Cindy Lam, il est primordial qu’une étude soit menée sur la biodiversité locale de Lantau, afin d’éviter que certaines espèces telles que le rapace asiatique, le Pygargue blagre, ou le Dibamus bogadeki, un lézard endémique de Hong Kong, ne soient affectés : «Même si ces deux espèces sont protégées, l’aménagement du littoral pourrait mettre à mal l’habitat et l’espace de reproduction du Pygargue ainsi que du Dibamus… La perturbation de l’écosystème de ce dernier entraînerait des effets néfastes irréversibles sur cette espèce qui pourrait alors disparaître. »

 

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Le projet Lantau Vision — Photo@Wikimedia Commons

 

Une étude, menée par HKUST et l’Institut Ocean HK, aurait de plus déjà mis en lumière la présence de zones à faibles taux d’oxygène dans la région de Lantau, avec pour conséquence la potentielle apparition « de zones mortes autour de l’île, au sein desquelles l’oxygène dans les fonds marins avait chuté à deux milligrammes par litre, alertant les résidents au sujet de l’impact sur l’environnement marin de la remise en état prévue de Lantau et les sommant à mener une enquête scientifique sur le sujet.» Ces zones mortes pourraient en effet étouffer la vie marine et causer des dommages irréparables à tout l’écosystème océanique de Hong Kong, tout en augmentant potentiellement les marées rouges et le phénomène des mauvaises odeurs dues à la stagnation de l’eau.

Si de multiples efforts sont faits afin de protéger Hong Kong et ses paysages, il est crucial que des recherches soient menées pour s’assurer que le développement de la ville ne nuise pas à la nature qui la compose : «Même une remise en état à petite échelle aurait des effets dévastateurs sur l’environnement et les espèces qui y vivent. N’oubliez pas que ces espèces sont fragiles. Une fois leur habitat détruit, il faut plus de temps, de main-d’œuvre et de ressources pour restaurer que préserver l’habitat dans son état d’origine. »

En résumé, si les terre-pleins ont permis et permettent encore de dynamiser la région, il est important que leurs tenants et aboutissants fassent l’objet d’études détaillées, en prêtant une attention toute particulière à leurs éventuelles conséquences écologiques.

 

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