Ce mercredi, les Etats Unis, la Grande Bretagne et l’Australie signaient un accord intitulé AUKUS pour équiper ce dernier pays d’une force sous-marine à propulsion nucléaire dans une stratégie visant à contrer la pression grandissante de la Chine en Asie, selon les observateurs. La France voit son contrat de vente de sous-marins diesel annulé. Décryptage.
La France perd le "contrat du siècle"
Jeudi, les affaires étrangères françaises « constataient et regrettaient » dans un communiqué la décision australienne de rejoindre une alliance avec la Grande Bretagne et les Etats Unis pour s’équiper à brève échéance d’un premier sous-marin à propulsion nucléaire. Cette nouvelle s’accompagne de l’annulation d’un contrat de 56 milliards d'euros pour la fourniture par la France de 12 sous-marins à propulsion diesel, retardé par la demande de l'Australie de fabriquer des composants localement. Lors de la conférence jointe de Scott Morrison, Boris Johnson et Joe Biden, le premier ministre australien a confirmé que "les nouveaux sous-marins seront construits à Adélaïde". Au-delà de la défaite commerciale par la France, ce changement de cap confirme une nouvelle distribution des cartes sur l’échiquier géopolitique mondial.
“The ?? choice to exclude a ?? ally and partner such as ?? from a structuring partnership with Australia, at a time when we are facing unprecedented challenges in the Indo-Pacific region (...) shows a lack of coherence that ?? can only note and regret.”https://t.co/ruGnJkQAWa
— French Embassy U.S. (@franceintheus) September 16, 2021
Chine, Europe, Etats-Unis... vers un monde tripolaire
On l’a constaté lors du retrait accéléré des Etats Unis d’Afghanistan, la nouvelle stratégie américaine voulue par l’administration Biden n’est plus celle de l’interventionnisme militaire direct mais de la recherche d’alliances fortes dans les zones où Washington a des intérêts : Corée du Sud, Japon, Thaïlande, Philippines, Australie pour le Pacifique et Royaume Uni pour l’Europe. Le président Biden a déclaré à l'occasion du nouvel accord: "Nous devons être capables de faire face à la situation stratégique actuelle et son évolution dans la région car l'avenir du monde dépend du maintien et du développement de la libre circulation dans la zone Indo-Pacifique." Avec l’appel franco-allemand pour la constitution d’une armée européenne ces dernières semaines, l’ordre du monde tel qu’il avait été dessiné par la guerre froide, vole définitivement en éclats. La montée en puissance de la Chine et le recentrage des Etats-Unis sur ses problématiques nationales conduit désormais à envisager un monde tripolaire où l’Europe fera de plus en plus cavalier seul.
La Chine donne le pas
Impliquée dans une stratégie d’influences internationales en particulier dans la zone de la Mer de Chine Méridionale et le long de la Belt and Road Initiative, tentative moderne de réactiver le mythe de la Route de la Soie, la Chine s’engage dans des programmes d’investissements et d’infrastructures afin de s’allier durablement des pays susceptibles de sécuriser ses approvisionnements énergétiques ou encore de contrer les séparatistes sur son territoire comme dans le cas du Xinjiang. Ce faisant, elle empiète sur des terrains de chasse jusqu’alors occupés par les Etats-Unis, que ce soit en Asie Centrale ou en Asie du Sud Est. La signature d’accords commerciaux RCEP supprimant les droits de douanes entre 15 pays en Asie vient par exemple compenser la perte des avantages douaniers octroyés à Hong Kong par les Etats-Unis suite à la mise au pas de la ville par les lois de Sécurité Nationale.