Parmi les endroits les plus surprenants de Hong Kong, les villages murés des Nouveaux Territoires offrent un contraste avec la mégapole moderne. Leur histoire remonte aux premiers clans de Hong Kong.
Les villages murés de Hong Kong
Les Nouveaux Territoires ont toujours tenu une place à part dans le développement, comme dans la culture de Hong Kong. Longtemps, cette région a été la cible d’envahisseurs, les vicissitudes forgeant le caractère des habitants et leur mode de vie particulier, notamment les nombreux villages murés encore visibles aujourd’hui.
Sous la dynastie Ming, les cinq principaux clans (Tang, Man, Hau, Liu et Pang) installés dans les plaines entre la Shenzhen actuelle et la montagne du Lion font face aux razzias des pirates sur les villes et les fermes. Aussi des premières fortifications sont-elles élevées, les plus anciennes à Chik Chuen Wai, près de Sha Tin, datant de 1574.
En 1662, le changement de dynastie avec l’accès au trône de l’empereur mandchou Kangxi (1654-1722) amène une nouvelle perturbation. Celui-ci craignant en effet les contre-offensives de partisans des Ming réfugiés à Taiwan, décrète l’interdiction de résider dans les zones côtières, pour priver les envahisseurs de ravitaillement et de renforts. Les habitants du nord de Hong Kong doivent donc quitter manu militari leurs terres ancestrales pour s’installer à l’intérieur du pays dans des conditions souvent misérables.
Quand il leur est enfin permis de revenir après l’annexion de Taiwan par la Chine en 1684, le premier réflexe est de renforcer les défenses des villages. Un changement ethnique intervient toutefois avec l’arrivée des Hakkas, eux aussi habitués à fortifier leurs habitations, comme dans le Fujian (les fameux tulou) ou le Guangdong.
Plusieurs noms pour les villages murés
La forme des bourgs fortifiés des Nouveaux Territoires remonte à cette période, avec leur tracé rectiligne autour d’une artère centrale conduisant au temple du clan. Les Puntis, comme se nomment eux-mêmes, "les gens d’ici", agrandissent alors les bâtiments existants, les halls d’étude et temples ancestraux comme dans le secteur de Yuen Long occupé par la famille des Tang. Ces villages sont appelés “wai” en cantonnais, le caractère 圍signifiant "entouré de murs". Les villages Hakkas sont quant à eux parfois nommés "uk" (屋) ou maison en cantonais, mais sont tout aussi protégés que ceux des Puntis, souvent flanqués de tours de guêt.
Beaucoup de Puntis choisissent au 18ème siècle d’abandonner l’agriculture au profit du commerce. Il faut dire que les commerçants peuvent désormais profiter du "système de Canton" par lequel les prix des échanges avec les étrangers sont encadrés. C’est pour s’affranchir de cette règle, très favorable aux Chinois, que les Européens déclencheront la guerre de l’opium et envahiront Hong Kong au 19ème siècle ! Quand ils prennent possession de Hong Kong, la partie située au nord de la Montagne du Lion reste cependant dans l’Empire chinois et ce n’est qu’en 1899 que le fameux bail de 99 ans est signé.
Pour les clans des Nouveaux Territoires, ce nouvel ordre des choses ne va pas de soi et une révolte éclate dans les premiers mois de cette année. Après six jours d’une guerre qui fait de nombreuses victimes côté chinois, l’Union Jack flotte à Tai Po, mais le gouverneur Blake doit tout de même engager des pourparlers avec les clans.
80 villages murés à Hong Kong
Jusqu’en 1966, date de percement du premier tunnel de Sha Tin, l’accès à cette partie de la colonie britannique n’est pas facile, car limité aux seules routes de Sha Tin et de Castle Peak. Aussi la partie comprise entre la montagne du Lion et la frontière est-elle bien moins urbanisée que le reste du territoire. Dans ces années, on pratique encore les rituelles escapades dominicales en voiture vers le poste-frontière de Lok Ma Chau pour prendre les photos du garde rouge stationné de l’autre côté de la rivière et on en profite souvent pour visiter les villages murés de la région, témoins d’un mode de vie totalement décalé au regard de la moderne Victoria.
Aujourd’hui, il y a environ 80 villages murés à Hong Kong, encore habités pour leur grande majorité. Dans les mieux conservés, on trouve des poutres décorées avec des motifs traditionnels tels que paons et cerfs, symboles de bonne fortune ou encore des pêchers représentant la longévité.
Encore aujourd’hui, à dix minutes d’un métro, on peut se perdre dans les rues de ces mini-forteresses, et faire un voyage de plusieurs siècles en arrière. Certes, les champs de riz alentour ont fait place à des tours et des parkings, mais on trouve encore, comme à Ping Shan, des ensembles cohérents de plusieurs villages, la restauration ayant été faite par les descendants du clan Tang. Le mieux conservé des villages est sans doute Tsang Tai Uk, la bastide hakka des Tsang près de Shatin où les aménagements sont peu nombreux.
Enfin, si voulez voir des remparts comparables à nos châteaux forts, c’est à Kat Hing Wai, qu’il faut vous rendre.
Au-delà du centre-ville proprement dit, Hong Kong présente encore une grande variété de sites anciens et permet étonnamment au randonneur curieux de se projeter à peu de frais dans la Chine ancestrale.
Quelques destinations possibles et faciles d’accès :
- Ping Shan Heritage trail, métro Tin Shui Wai, suivre les flèches, 5 mn
- Tsang Tai Uk, métro Sha Tin Wai, chemin sous les rails vers l’Ouest, 10 mn
- Kat Hing Wai, metro Kam Tin, suivre les flèches en sortant, 10 mn