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Comment faire le ramadan à Hong Kong?

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Comment se passe le ramadan à Hong Kong? Trois pratiquants se confient.
Écrit par Karine Yoakim Pasquier
Publié le 8 mai 2020, mis à jour le 9 mars 2024

Depuis plusieurs jours, les quelques 300.000 musulmans de Hong Kong ont débuté leur période du ramadan. Mais comment cela se passe-t-il pour eux et comment vivent-ils cette période si particulière en ces temps de coronavirus? Lepetitjournal.com est parti à la rencontre de deux Français et d'une Hongkongaise, musulmans pratiquants, afin d'en savoir plus.

Le ramadan est le neuvième mois du calendrier musulman, un calendrier lunaire, qui comme le calendrier chinois n’est pas le même d’année en année, s’adaptant au cycle de la lune. Ayant débuté le 23 avril dernier, il durera jusqu’à la tombée du jour du 23 mai. Pendant ce mois, les musulmans du monde entier entament un jeûne traditionnel, pendant lequel ils cesseront de manger, de boire et de fumer, entre autre, dès les premières lueurs de l’aube. Chaque soir, à la nuit tombée, le jeûne est rompu autour d’un repas, appelé le ftour. Ce repas, initialement partagé avec la famille et la communauté, est mis à mal pendant la période actuelle.

Afin de savoir comment cela se passe pour les musulmans Hong Kong, nous avons interrogé Myriam et Noël, deux Français et Latifah, une Hongkongaise, tous pratiquants, afin de connaître leurs parcours et leurs difficultés en tant que musulmans à Hong Kong, en cette année 2020.

 

 

Comment se passe la pratique du jeûne à Hong Kong?

Myriam: Les journées sont beaucoup plus courtes ici qu’en Europe. Le soleil se couche un peu avant 19 heures alors que l’an dernier, en France, la journée de jeûne durait jusqu’à 22 heures. Et puis, les journées semblent moins chaudes, car il y a la climatisation partout. Par contre, la famille me manque beaucoup.

Noël: En théorie, la pratique devrait être plus facile en France du fait d’un plus grand nombre de pratiquants. Mais en réalité, la situation sanitaire, la latitude de Hong Kong et son climat politique font que c’est plus simple ici. Au travail, c’était difficile à cacher au début avec toutes les pauses café, les déjeuners communs, etc. Mais j’ai finalement fait mon "coming out" le troisième jour, quand mon collègue m’a proposé mes friandises préférées et que je n’ai pas su trouver un moyen simple de refuser. Ceux qui connaissaient le ramadan ont très bien réagi, les autres pensent que je fais un régime drastique.

 

Comment pratiquer le ramadan à Hong Kong : témoignages
Crédit : Tariq Daouda

 

Latifah: Je suppose que jeûner à Hong Kong se passe de la même manière que dans les pays où les musulmans sont en minorité. Le rythme général de la vie ne ralentit pas pour nous. Habituellement, la vie continue… Mais, comme nous sommes dans une période de virus, je reste davantage à l’intérieur. N’ayant pas besoin d’effectuer un travail physique, ça rend le tout plus facile. Je sais que c’est beaucoup plus compliqué pour les ouvriers ou pour les 150.000 helpers indonésiennes qui doivent énormément travailler.

Comment se passent les divers rituels que vous devez effectuer pendant la période du ramadan, en ces temps de coronavirus?

Myriam: Effectivement, cette année, en plus de vivre le ramadan loin de mes proches, ça tombe en pleine période de distanciation sociale. Habituellement, c’est un moment où l’on multiplie les repas en famille. Quand j’ai vécu cette période à l’étranger, c’était aussi l’occasion de rencontrer des gens, car c’est un mois de partage. Généralement, la mosquée prévoit des repas ainsi que des prières en groupe, dont celle de Taraweeh qui est une prière commune qui a lieu tous les soirs du ramadan. Cette année, avec les fermetures des lieux de culte, c’est bien évidemment annulé. Elles organisent néanmoins un food drive avec distribution de colis alimentaire pour les nécessiteux.

Noël: Il y a de nombreux rituels à respecter: rupture du jeûne et aussi les longues prières du soir, à la mosquée. Le coronavirus nous l’interdit malheureusement… Mais, heureusement, ces pratiques peuvent se faire de la maison.

J’en profite pour déconstruire une idée répandue: on ne jeûne pas à partir du lever du soleil, mais à partir de l’aube, donc à peu près une à deux heures plus tôt que le lever.

Latifah: En plus des prières à effectuer, il est de tradition de rompre le jeûne avec des dattes séchées et de l’eau. Cependant, nous sommes libres de manger ce que nous voulons et les aliments s’adaptent en fonction des cultures. Par exemple, à la mosquée de Tsim Sha Tsui, différents currys et biryanis sont proposés, tandis que celle de Wanchai offre plus de spécialités chinoises locales.

 

Comment pratiquer le ramadan à Hong Kong : témoignages
La mosquée de Kowloon vue du ciel

 

Avec le coronavirus, toutes les mosquées ont été fermées. Certains imams donnent des sermons sur Zoom, et des groupes WhatsApp et Facebook sont très actifs. Grâce aux médias sociaux, ce ramadan n’est pas trop solitaire!

Comment se passera la fête de l’Aïd? Avez-vous déjà prévu quelque chose?

Myriam: Nous n’avons rien de prévu pour l’instant. Ce serait bien que les restrictions de rassemblement soient levées. Peut-être alors qu’il y aura des choses organisées par la communauté musulmane locale comme à l’accoutumée. On verra bien… Pour le moment, j’ai vu passer des petites choses mises en place en ligne pour les enfants. 

Noël: Contrairement à une idée répandue, l’Aïd ne s’effectue pas le dernier jour du mois de ramadan, mais le premier jour du mois suivant! Je n’ai rien prévu de particulier, sinon de faire la grande prière à la mosquée le matin même si la situation nous l’autorise, si Dieu le veut ;). Et bien sûr appeler ma famille et mes amis en France pour leur souhaiter de bonnes fêtes.

Latifah: Cette année, si les lieux de cultes sont toujours fermés, nous ne pourrons pas célébrer en congrégation. Habituellement, ma famille et moi prenons un bon repas ensemble. Certains amis organisent des fêtes, et certaines madrasas (version musulmane de l’école du dimanche) préparent de belles célébrations pour les enfants.

Je suppose que l’Aïd est comme le jour de Noël pour les musulmans (sans alcool) ou le Nouvel An chinois où la famille se réunit et échange des cadeaux. Il y a toujours un sentiment très festif et de soulagement après un mois de stricte discipline lors du jeûne.

De manière générale, comment est la vie, en tant que musulman, à Hong Kong?

Myriam: Vivre en tant que musulman en France n’est pas toujours facile, vu qu’on est le sujet favori des médias et qu’il ne se passe pas deux mois sans qu’il y ait une polémique sur tel ou tel sujet, en particulier le port du voile. En tant que femme portant le voile, j’ai déjà eu plusieurs désagréments en France: discrimination à l’embauche, parfois complètement assumée, agressions verbales, voire même physiques (crachat, bousculade). Ici, on me laisse tranquille. C’est un non-problème, un élément de décor et ça change la vie.

Pour ce qui est de la nourriture, quand on est expatrié de toute façon, il faut s’adapter, mais on trouve quasiment de tout quand on cherche un peu, et l’offre halal est présente.

 

Comment pratiquer le ramadan à Hong Kong : témoignages
Crédit : Vin Crosbie

 

Noël: En général, il est plus facile de vivre en tant que musulman ici qu’en France. C’est encore plus le cas pour les musulmanes. C’est une autre mentalité ici: pas de polémiques inutiles, pas de règles ambigües, pas de Zemmour, etc. La population est différente toutefois, difficile de comparer l’incomparable.

Latifah: D’après ma propre expérience, il n’est pas difficile de vivre en tant que musulman à Hong Kong. Nous ne souffrons pas de persécution politique, avons nos propres espaces religieux et il existe une législation nous protégeant de la discrimination. Hong Kong a également une communauté internationale très ouverte, habituée à voir des gens de tous horizons.

En ce qui concerne le voile, la plupart des Hongkongais ignorent qu'il a une connotation religieuse. Ils associent le voile à différentes cultures, donc quand je le porte, les gens supposent simplement que je suis indonésienne ou pakistanaise, et non pas que je suis musulmane. J’ai rencontré quelques personnes irrespectueuses, mais j’attribue cette froideur à de la xénophobie plus qu’à de l’islamophobie en particulier.

Bien sûr, mon expérience en tant que musulmane chinoise est probablement très différente de celle de quelqu’un au teint plus sombre, ou de quelqu’un qui ne parle pas chinois, ou d’un travailleur migrant qui se trouve dans le niveau le plus vulnérable de la société — mais c’est un sujet différent et plus vaste...

 

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