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BRICS+6 nouvel atout pour la Chine ?

Le groupe des BRICS, regroupant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, a annoncé avoir invité six nouveaux membres lors de leur sommet annuel organisé à Johannesburg le 24 août 2023. Tous les nouveaux membres sont des Etats ayant affiché une posture de rapprochement accrue vis-à-vis de la Chine. Analyse d’un grand chambardement géopolitique.

BRICS ChineBRICS Chine
Représentants des BRICS au sommet de 2023 @Wikimedia Commons
Écrit par Baptiste Salis
Publié le 4 septembre 2023, mis à jour le 5 septembre 2023

BRICS, un PIB supérieur au G7 

Le groupe, créé à l’origine pour peser au sein du G20 face aux pays du G7, a toujours assumé sa volonté de transformer la structure « occidentalo-centrée » de la gouvernance économique mondiale en soutenant un système international multipolaire. Si le groupe représentait déjà une population de 3,2 milliards d’individus en 2022, soit quatre fois plus que le G7. le groupe représentera près de la moitié de la population mondiale avec l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, l’Iran, l’Egypte, l’Ethiopie et l’Argentine.

Notons que les nouveaux arrivants sont autant d’opportunités pour parler au nom du « Sud Global », et faciliter la défense de ses intérêts. D’abord au Moyen-Orient, où il ne disposait d’aucun acteur, compte désormais deux producteurs majeurs de pétrole. Ensuite en Amérique Latine, où l’Argentine, deuxième plus grand pays et deuxième économie du continent, rejoint l’organisation, et enfin en Afrique, où l’Ethiopie et l’Egypte, avec plus de 100 millions d’habitants, ont également été invités.

La place des BRICS dans l’économie mondiale n’a cessé de croître ces dernières décennies, là où celle du G7 au contraire a perdu de sa superbe. Ainsi, la part du PIB total des BRICS dans le PIB mondial, en parité de pouvoir d’achat (PPA), a dernièrement dépassé celle du G7, et la tendance semble se poursuivre. Cet inversement des courbes pourrait ainsi marquer la fin d’une économie mondiale dominée par les occidentaux.

BRICS, arme de la Chine pour la dédollarisation

Il faut cependant relever que ce résultat est en grande partie dû à la croissance économique élevée des deux leaders asiatiques, la Chine et l’Inde. Leurs parts dans le PIB mondial, en parité de pouvoir d’achat, sont passées de 3,29 % et 3,78 % en 1990 à 18,64 % et 7,23 % en 2022. En parallèle, la croissance des pays développés du G7, notamment des Etats-Unis et du Japon, s’est fortement réduite ces dernières années.

Ni les trois autres acteurs actuels, ni les nouveaux entrants, ne peuvent prétendre au potentiel militaire et économique de la Chine et de l’Inde. Au-delà du militaire, l'un des objectifs poursuivis par la Chine est de promouvoir la dédollarisation progressive du monde. Depuis quelques années en effet, Washington est accusé par Pékin d’utiliser le dollar comme une arme diplomatique, liant intrinsèquement le papier vert aux fluctuations de sa politique étrangère, contraignant par exemple les autres pays à respecter leur « Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act », qui renforce les sanctions contre l’Iran ou la Russie, désormais tous deux membres des BRICS.

Ce « chantage » au dollar impacte le reste des BRICS, qui cherche des alternatives pour assurer leurs transactions commerciales. La part du dollar américain dans les avoirs des banques centrales mondiales a chuté plus de 10% entre 1999 et 2022, où elle n’était plus que de 58%, son plus bas niveau depuis 25 ans, au profit de l’euro, du rouble et du yuan. La Chine a créé en 2015 la Nouvelle Banque de Développement du groupe des BRICS, basée à Shanghai, en réponse à la Banque Mondiale pour mettre fin à l’hégémonie du dollar dans leurs transactions internationales.

Le contrôle des routes du pétrole

Les centaines de milliards de dollars d’avoirs de la banque centrale russe gelés par les États-Unis et leurs alliés après l’invasion russe en Ukraine a alimenté l’argumentaire des BRICS. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, en visite en Chine le 14 avril, s’est dit prêt à augmenter ses échanges avec la Chine et à les réaliser désormais en yuan. La Chine a aussi conclu des accords commerciaux avec l’Iran, l’Inde et la Russie, permettant d’utiliser le yuan dans leurs transactions.

Dans le choix de l'Iran et de l'Arabie Saoudite comme priorités parmi les nouveaux membres, la position géostratégique de ces états  concernant l'approvisionnement énergétique du monde via le Golfe Persique joue probablement un rôle important. La participation de la Chine, et la présence de Xi Jinping, en fin d’année dernière à un sommet avec les six pays du Conseil de Coopération du Golfe (l’Arabie Saoudite, le Koweït, les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn, le Qatar et Oman) avait déjà ouvert la voie au règlement en yuan des importations chinoises de pétrole et du gaz. Or aujourd'hui, le lien économique fort des états du Golfe dans les BRICS est un nouveau coup dur pour les Etats Unis, déjà affaibli par ses échecs militaires dans cette zone du monde et qui perd aujourd'hui son rôle de partenaire privilégié au détriment de la Chine.

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