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La bande dessinée hongkongaise en traduction française

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Écrit par Gérard Henry
Publié le 16 juillet 2021, mis à jour le 17 juillet 2021

Hong Kong ne connaît pas encore l’engouement pour la bande dessinée qui existe en France, en Belgique ou en Suisse. Mais grâce aux grands festivals de BD comme ceux d’Angoulême ou de Lucerne, les bédéistes hongkongais commencent à se faire connaître à l’international.

Depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, la bande dessinée hongkongaise semble avoir un début de succès, avec quelques œuvres traduites en français. C’est le cas d’auteurs comme Chi Hoi, présents dans les festivals européens et publiés dans de nombreux magazines ou fanzines, ou plus récemment d’auteurs de la génération montante, comme Lau Kwong-shing (Fantaisie ordinaire) à Angoulême en 2020 aux côtés de Li Chi Tak, et de la dessinatrice Yanai, dans l’expo Fever.

Les contacts ont aussi une efficacité. Ces dernières années, l’Alliance française ou la librairie Parenthèses de Hong Kong ont aussi invité des éditeurs et bédéistes français, ce qui s’est traduit par des contrats de traduction en chinois. Par exemple, Persépolis, de Marjane Satrapi, ou les œuvres de David B., de L’Association, qui était venu à Hong Kong. L’Alliance avait invité aussi dans le passé Mobius qui avait attiré une foulesde fans et organisé en juillet 2007 une mémorable rencontre entre les bédéistes hongkongais et Lewis Trondheim, qui avait passé également une soirée à jouer de l’Ukulélé avec le dessinateur politique Zunzi et le peintre Wong Yan-kwai. Ces liens créés fructifient parfois: Trondheim, en remerciement, avait ensuite envoyé ses dessins de Hong Kong pour qu’ils soient publiés dans le magazine Paroles.

Nous présentons ici quelques œuvres pour les amateurs du genre

Qu’elle était bleue ma vallée, de Hok Tak Yeung (Actes Sud BD)

“Balade dans une banlieue chinoise”: tel est le sous-titre de cette BD exceptionnelle de Hok Tak Yeung qui nous emmène à la fois dans ses souvenirs d’enfance et dans une cité HLM construite au flanc d’une colline hongkongaise dans le quartier de Lam Tin. Un livre superbe qui m’a fasciné et enchanté. Hok Tak Yeung recrée l’architecture, l’environnement, les objets quotidiens, les atmosphères et les personnages des années 1970-1980 de ces public housing ou vit la moitié de la population hongkongaise. Le dessin est vif, dans un style un peu surréaliste ou expressionniste et même magique parfois. Il est magnifiquement coloré. L’utilisation des ombres chinoises, pour certains de ces personnages et animaux, est une trouvaille judicieuse. Ses scènes de nuit, de typhon nocturne et d’inondations, ont une vraie qualité poétique. C’est le monde de l’enfance et celui des adultes. Il recrée l’école, le marché, les poursuites en trottinette dans les coursives des immeubles et toute l’ambiance sociale, la promiscuité, la pauvreté, la criminalité. C’est en fait une bande dessinée très réaliste dans son contenu qui représente à la fois l’univers physique de l’enfant et son imaginaire.

 

BD France Hong Kong

A l’horizon, de Chihoi (Atrabile)

“Chihoi, nous dit son éditeur, Christian Gasser, est le poète du quotidien, des petites choses, des petits gestes, des silences. Il est aussi le poète de l’invisible, qui évoque l’esprit d’un être mort ou d’un amour disparu sans que cela nous surprenne. Chihoi raconte des histoires sur l’amour de la vie, sur la mort et les cœurs brisés avec une finesse qui rend réels fantômes et esprits. Elles sont tristes certes, mais Chihoi est un poète, il ne cherche pas à nous déprimer, et jamais il ne sombre dans la mélancolie facile.” Ses mots sont rares et son dessin noir et blanc d’une très grande qualité artistique.

Pourquoi j’veux manger mon chien, de Ah Ko (Casterman)

A-Huang s’est exilé de la campagne chinoise pour tenter sa chance à Hong Kong. Ce déclassé, aidé de deux amis tout aussi miséreux mais débrouillards, survit au jour le jour, se contentant d’expédients et de petits boulots. Victime d’une blessure qui peine à cicatriser, A-Huang ne peut acheter les fortifiants hors de prix qui lui sont prescrits. Il est alors contraint de se tourner vers la médecine traditionnelle et les propriétés a priori miraculeuses de la viande de chien. Mais dans l’ancienne colonie britannique, tuer un chien est sanctionné par le code pénal… “Œuvre atypique, Pourquoi j’veux manger mon chien se présente comme une chronique sociale touchante au cœur d’un pays en pleine mutation, générant son lot de marginaux et de laissés-pour-compte. Ah Ko parvient à rendre fidèlement le climat politique et culturel d’un pays en transition, en quête fiévreuse de cette modernité dont Hong Kong est la vitrine”, Souligne D. Lemétayer (BD Gest)

L’Enfer de Jade, de Laï Tat Tat Wing (Casterman)

Jade, jeune femme chinoise d’aujourd’hui, est obsédée par sa nouvelle étoile, une chance qui ne l’abandonne jamais, l’empêchant de goûter pleinement ses réussites. Pour défier ce destin, elle participe à un jeu mortel: traverser la ville en courant et les yeux bandés. Le survivant gagne. Jade s’en sort mais ne gagne pas la course et se retrouve aux enfers sans être morte et doit prouver sa détermination en combattant les démons gardiens des lieux. Une lutte âpre et violente où les symboles de la culture moderne affrontent ceux des traditions populaires chinoises, parfois difficiles à saisir pour un étranger. L’histoire commence par une course effrénée semée d’accidents violents et sanglants et se poursuit en enfer avec aussi sa collection de petites horreurs. Le dessin comprend quelques trouvailles graphiques, notamment plusieurs pages en ombres chinoises marquant le passage en enfer.

Spirit, le Dieu Rocher, de Li Chi Tak (Dargaud)

Li Chi Tak est de la génération des dessinateurs de mangas, et sil’on retrouve dans ses œuvres des figures de style des mangas japonais, son Dieu Rocher et beaucoup de ses histoires s’inspirent des histoires fantastiques de la Chine ancienne ainsi que des films d’art martiaux hongkongais. “Le labyrinthe de pierre du Dieu Rocher, conte fantastique, allégorie de la lutte, de la mort, de l’amour et du temps, vous entraînera dans un monde de magie et de secrets.” Son dernier ouvrage, Moon of the Moon, publié en 2019 par Louvre Edition, a pour sujet le musée où une jeune femme nous promène dans les galeries de peinture italienne en prenant des selfies tandis que des scientifiques s’adonnent à une recherche désespérée.

“Hijacking” ou la littérature détournée

Dans une œuvre intitulée en français Détournements, chez Atrabile, les bédéistes Chihoi et Hongkee ont créé une étonnante adaptation d’une quinzaine d’auteurs contemporains de la littérature hongkongaise en bande dessinée, agrémentée d’essais sur l’histoire de la BD dans la tradition chinoise. Un très beau livre illustré, traduit par Camille Lavoisier.

NB. Toutes ces œuvres peuvent se trouver au rayon Bande dessinée de la librairie Parenthèses, à Hong Kong, ou à la bibliothèque de l’Alliance française.

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