A l'occasion de l'exposition "Picasso for Asia - A Conversation" au Musée M+ de Hong Kong, qui fait partie du Festival French May, nous avons rencontré Cécile Debray, directrice du Musée Picasso à Paris. Elle revient sur l'exceptionnelle collaboration entre Paris et Hong Kong pour une exposition innovante qui réunit des œuvres majeures et explore l'influence de Picasso sur l'art contemporain asiatique.


Une collaboration franco-hongkongaise
Parlez-nous de ce projet
En tant que directrice du Musée Picasso à Paris, j'ai eu l'honneur de collaborer avec Suhanya Raffel, directrice du Musée M+, sur ce projet innovant autour de Picasso. Ce projet a débuté il y a trois ans avec l'idée d'une exposition qui soit à la fois nouvelle et inclusive avec le souhait de croiser nos collections afin de créer une conversation riche entre nos deux Musées.
Pour mener à bien ce projet, nous avons désigné deux commissaires, l'un du Musée Picasso et l'autre du M+. Leur travail conjoint a permis de traverser l'œuvre de Picasso, explorant toutes ses périodes et techniques, afin d'établir un dialogue entre nos collections respectives. Du point de vue du Musee Picasso, cette approche collaboratrice et très ambitieuse vise à démontrer la pertinence actuelle de l'œuvre de Picasso sur la scène asiatique. Pour le Musée M+, c'était l'occasion de créer un projet ouvert vers l'extérieur et qui porte en même temps leur collection. Nous avons laissé à Doryun Chung, le commissaire, la possibilité de faire une première proposition. Il nous a présenté sa lecture, qui était intéressante car il a choisi d'explorer comment un artiste très célèbre comme Picasso serait perçu en Asie. Il s'est basé sur plusieurs archétypes souvent associés à Picasso : le génie, l'artiste-magicien, celui qui est toujours en rupture, et celui qui dialogue avec l'histoire de l'art. Nous avons trouvé cette approche fascinante et avons décidé de travailler à partir de ces quatre archétypes pour approfondir nos échanges.

Une exposition qui interroge
Ce qui est un peu pilote dans ce projet, c'est vraiment cette volonté de croiser comme ça deux collections, ces mis en regards. L'exposition ne se contente pas de juxtaposer des œuvres, elle questionne aussi sur qu'est-ce que Picasso aujourd'hui ? C'est une manière de relire la pertinence de Picasso aujourd'hui d'un côté, puis de l'autre, c'est un travail sur l'influence de Picasso en Asie. Dans le catalogue, il y a une chronologie qui donne tous les éléments historiques de cette réception en Asie. Picasso n'est jamais venu en Asie, c'est un artiste qui a très peu voyagé, mais par contre son œuvre a voyagé dans le monde entier.
Picasso est une figure emblématique de la modernité artistique. Sa capacité à anticiper les évolutions de l'art et à influencer des mouvements tels que le cubisme et le surréalisme a fait de lui un pilier du XXe siècle. Sa production, jusqu'à ses derniers jours, a préparé le terrain pour des générations d'artistes.

Picasso a influence des artistes majeurs en Asie
Pourriez-vous expliquer davantage le choix des œuvres présentées et comment elles dialoguent entre elles ?
Doryun Chung, le directeur artistique et curateur en chef au M+, a exploré la réception de Picasso en Asie, en s'interrogeant sur les archétypes associés à l'artiste : le génie, le magicien, l'innovateur en rupture, et le dialogue avec l'histoire de l'art. Ces concepts ont guidé cette exposition, illustrant l'influence de Picasso sur des artistes asiatiques majeurs comme Isamu Noguchi et Tanaami Keiichi.
Des artistes asiatique comme Yan Peiming et Zeng Fanzhi rendent hommage à Picasso, tandis que d'autres, comme Keiichi, explorent son influence "pop". Simon Fujiwara propose une relecture du "Massacre en Corée" qui ferme l'exposition avec une approche dynamique, mêlant des éléments de bande dessinée et une dimension monumentale inhérente à Picasso.Picasso a joué un rôle immense dans l'art du collage, et l'exposition en présente quelques exemples. On pourrait aussi mentionner Lee Mingwei, qui réinterprète "Guernica" en sable, telle un mandala. Cette œuvre éphémère, balayée après sa création, prend aujourd'hui une dimension poignante, car elle partage Guernica alors que le monde traverse une crise diplomatique. C'est un beau symbole que j'apprécie. Ces artistes démontrent comment Picasso continue d'inspirer et de résonner dans le monde contemporain.

Citez-nous des artistes asiatiques presents et illustrant Picasso
On retrouve dans les objets d'Isamu Noguchi un goût pour les formes organiques et les plantes, rappelant le travail de Picasso, surtout dans les objets des années 30. Des hommages plus classiques sont rendus par les artistes comme Zeng Fanzhi et Yan Peiming, qui représentent Picasso comme une figure populaire et un modèle de vie pour les artistes. L'artiste japonais autodidacte Tanaami Keiichi illustre le côté pop de Picasso, transformant son œuvre en un symbole de la culture populaire, presque comme une marque, avec une approche dynamique et humoristique. Feng Guodong s'inspire de Picasso imite la période cubiste, témoignant d'une véritable passion pour l'artiste. Haegue Yang une star de l'art contemporain, crée des œuvres qui résonnent avec les sculptures de Picasso, jouant sur l'assemblage et le collage d'objets et de techniques.

De nombreux projets à l'étranger
Avez-vous des projets en cours que vous souhaiteriez partager a nos lecteurs ?
À Paris, au vu du contexte politique, nous avons en ce moment une exposition sur l’art dégénéré qui est une manière de remettre en avant cette figure de l’anti-faschime qui est Picasso, c’est une exposition qui rencontre beaucoup de succès actuellement. À la rentrée, nous poursuivons avec une exposition sur Guston, qui dans laquelle continue d’explorer la veine à la fois sarcastique, ironique et en même temps politique. Notre programmation rendra hommage à de grandes artistes femmes, telles que Sophie Calle, Louise Bourgeois, cet été, on montre une exposition sur Anna-Maria Maiolino qui est une artiste brésilienne qui a reçu un lion d'or à la dernière Biennale de Venice et qu'on va célébrer dans la Maison de Picasso. On a beaucoup de projets à l'étranger, on va continuer la tournée de notre collection sous les couleurs de Paul Smith qui fait la scénographie, avec quelques étapes en Asie.
L'exposition est ouverte jusqu'au 13 juillet 2025 à la West Gallery, niveau L2 du M+.
Pour plus d'informations sur l'exposition "Picasso For Asia, a Conversation", veuillez suivre le lien ici.
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