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Journal d'un volontaire français au Vietnam

vietnam volontariat enfants du mékongvietnam volontariat enfants du mékong
Texte et photos : Louis Heidsieck
Écrit par Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville
Publié le 2 avril 2021, mis à jour le 2 avril 2021

Au Vietnam comme ailleurs, les habitations reflètent les conditions de vie et les mentalités des habitants. Emerveillé par l’univers qu’il découvre, Louis, ancien volontaire pour une ONG française, raconte les maisons et les personnes. Voyagez avec lui au cœur du quotidien vietnamien.
 

Le bureau, à droite de l’entrée, n’est pas assez grand. La mère y tresse des boites en osier pour une entreprise taïwanaise qui les achètera 1 euro pièce. C’est le travail d’une journée entière qui sera ainsi monnayé. Partout dans le salon s’étalent les morceaux de bois, attendant d’être emboîtés. Taiwan, le Japon ou la Corée sont les grands profiteurs des zones rurales du Vietnam et du coût dérisoire du travail.
 

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Aujourd’hui, le père a travaillé aux rizières. Lorsqu’on ne possède rien, on se contente de louer sa force de travail à la journée, en espérant, pour le bien de sa famille, que demain on lui propose un champ à labourer, une vigne à vendanger…


Maison de famille

La maison est pareille à celles de toutes les familles du village : un sol en terre, des murs de bois et un toit de tôle qui laisse s’infiltrer la mousson comme on accueille une vieille amie qui rend visite chaque été, indispensable mais encombrante.
 

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Quelques nattes à étaler par terre pour la nuit traînent derrière l’autel des ancêtres, hautement décoré et propageant dans tout l’habitat une délicieuse odeur d’encens. Sur les murs, des photos d’enfants mal retouchées : ici, une petite fille déguisée en mère Noël sur fond de Laponie photoshopée, là un petit garçon en habits traditionnels courant dans un champ trop vert aux coquelicots trop rouges, et enfin les nombreux diplômes obtenus chaque année par les enfants de la famille.
 

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Derrière le salon, dans une petite chambre sombre, trône le lit conjugal, sans matelas, constamment sous un mistral artificiel projeté par le vieux ventilateur ronronnant agrippé à la tête de lit.

On sort de la chambre par un couloir exigu qui nous mène à l’extérieur du bâtiment principal, vers un auvent en bambous. Ici, se trouve la cuisine, reine incontestée de la maison, où l’on rencontre systématiquement une marmite de riz, noire de suie, en train de bouillir.
 

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Les cuisines, partout, se ressemblent : Par terre, deux ou trois emplacements prévus pour faire du feu, quelques briques pour poser les marmites, et du riz. Beaucoup de riz. Les sacs pèsent des dizaines de kilos et s’entassent parfois jusqu’au salon. Les réserves sont impressionnantes mais durent moins longtemps que l’épaisseur des sacs et la maigreur des habitants pourraient nous le faire croire. Au Vietnam, j’en fais l’expérience, on mange du riz trois fois par jour.

Derrière la cuisine, à l’extérieur, se trouve la salle de bain. Un grand bac d’eau en béton, que l’on remplit au besoin, où flotte le seau qui fera office de douche. Accrochés aux murs, des dizaines de shampooings et de savons en sachets individuels. Empreinte écolo-quoi ?
 

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Regarder au-delà de la misère

Dans cette maison, avec un sourire qui fait oublier tout le reste, j’ai été accueilli, comme ailleurs, avec l’humilité des plus démunis mais surtout avec la chaleur des plus humbles. Dans la fournaise du mois d’octobre, on m’a servi un thé froid, on m’a nourri, bien plus que ce que je pensais être capable d’avaler, de ces légumes du potager dont on fait des merveilles. Dans ces odeurs de jasmin, de menthe et de laurier, de coriandre et de viande poivrée, on oublie sans difficulté les saveurs d’une blanquette, d’un pot-au-feu ou d’une raclette.
 

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Au final, cette rencontre se rapproche de tant d’autres : on oublie la misère aussi vite qu’elle s’est présentée à nous. Pour ces familles, chaque journée est une épreuve. Pourtant il ne faut pas compter sur les sanglots et les larmes. Leurs armes sont ailleurs : dans cette générosité inouïe, dans cet esprit de famille, de village, de communauté, dans cette fierté qui fait garder la tête si haute, le buste si droit, l’habit si propre.
 

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Evidemment, c’est une leçon. Lorsque l’émotion, liée à la maladie, à la mort, aux conditions de vie, à l’hygiène ou aux drames de la vie quotidienne, submerge, j’ai donc appris, par respect pour mes hôtes, à garder le sourire, à continuer à travailler, à échanger, à apprendre et à me mettre au service.
 

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Quand l’histoire se raconte

Depuis quatre mois déjà, je me cramponne à ma moto dans les rues de Saigon, je navigue entre les rizières, les champs de manioc, de café, de poivre, les odeurs de thé, de rouleaux de printemps et les poissons secs, les couche-tôt du quartier dans lequel nous vivons et les fêtards du centre-ville, les chapeaux coniques et les légumes du marché qui débordent sur les routes, les réveils à quatre heures et les messes à cinq heures, les cafés froids et les hivers chauds, la saison des pluies et les pistes gorgées d’eau, les marchés flottants et les hauts plateaux, le langage des gestes et celui du rire.

J’ai rencontré des gens formidables. J’ai pu discuter avec tous ces jeunes dans leurs foyers, leurs orphelinats, leurs familles. J’ai pu parler guerres d’Indochine avec Jean, un ancien pilote vietnamien de l’US Air force, emprisonné durant huit ans à l’issue de la guerre. On apprend le respect, on apprend l’écoute, on découvre chaque jour toute la puissance, toutes les subtilités d’un peuple qui aura toujours lutté pour son indépendance. L’histoire compte. Elle est présente dans les yeux de chacun. Elle se raconte, dans l’entrée de chaque maison, par les portraits des anciens, morts au combat, il y a 30 ans seulement. Elle se raconte aussi par les maladies, les déformations physiques et les handicaps qui pèsent toujours dans les foyers, au Nord comme au Sud. Le napalm américain a bien failli détruire une nation, comme la folie meurtrière de Pol Pot aura pu en anéantir une autre.
 

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Mais à la formidable lumière des néons et des tours qui viennent gratter le ciel, Saigon a su renaître de ses cendres et (re)créer une société résolument moderne, tournée vers l’occident tout en laissant couler dans ses veines le sang des anciens, des traditions, celui d’une culture multimillénaire de résistance et de combats idéologiques et patriotiques.

 

Louis Heidsieck

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