Entre les ponts Long Bien et Chuong Duong, les berges du fleuve Rouge abritent une jungle périurbaine méconnue, riche de 40 espèces d’oiseaux migrateurs et 241 variétés de plantes. C’est là que l’architecte franco-vietnamien Trung Mai a inauguré, le 4 novembre, la "Maison de la forêt", un projet audacieux célébrant la résilience vietnamienne face aux caprices de la nature.
A Hanoï, les berges du fleuve Rouge sont une espèce d’entre deux, de terrain vague où toute activité humaine devient précaire. C’est un « tiers-paysage », une sorte de forêt périurbaine, plus ou moins anarchique, qui abrite un écosystème à la richesse insoupçonnée, fait de 40 espèces d’oiseaux migrateurs et 241 variétés de plantes.
Ainsi en va-t-il de Bờ Vở, l’espace compris entre les ponts Long Bien et Chuong Duong sur la rive droite du fleuve. Il existe, entre les habitations et le fleuve lui-même, une sorte de « jungle urbaine » qui ne demande qu’à être mise en valeur : exactement ce que souhaite faire Trung Mai, un architecte franco-vietnamien, qui y déploie un projet de « Maison de la forêt », dont l’inauguration - partielle - a eu lieu ce 4 novembre. Cette fameuse « Maison de la forêt » a bien failli ne jamais voir le jour : elle se dresse à un endroit où le typhon Yagi et les crues qui s’en sont suivies ont fait des ravages. Même si elle reste, à ce stade, encore inachevée, sa présence témoigne - et en cela, c’est déjà une réussite - de cette extraordinaire résilience dont les Vietnamiens sont capables.
Hanoï : les pépinières des bords du fleuve Rouge sont dévastées
De quoi s’agit-il ? D’une sorte de parcours fait d’une série de structures en Broussonetia papyrifera (mûrier à papier), une espèce invasive qui est ici positivement exploitée. Ce parcours (inachevé à cette heure) doit permettre des explorations à pied ou à vélo en offrant un regard neuf sur la flore et sur la faune. L’entrée du site est marquée par une plateforme où se trouve un centre d’accueil et un jardin de sculptures : c’est cette partie qui a été inaugurée ce 4 décembre.
Plus loin et plus tard, un mirador situé sur l’eau devrait permettre l’observation des oiseaux, créant un dialogue intime entre le site lui-même, le pont Long Bien, le vieux quartier et le fleuve Rouge. D’autres pavillons viendront compléter le dispositif dans des zones humides isolées. Dédiés aux habitats fauniques et aux sanctuaires d’oiseaux, ils ont vocation à devenir des lieux de contemplation pour les humains.
Un espace culturel, éducatif et communautaire
« En revitalisant progressivement le paysage par la réutilisation et la réorganisation de ses éléments, en particulier des espèces envahissantes, nous facilitons la résurgence de la biodiversité indigène. De plus, en intégrant des initiatives culturelles et éducatives, nous favorisons un sentiment de responsabilité et d’engagement communautaire, nourrissant à la fois l’environnement et le tissu social », écrivent les concepteurs du projet. Pour Trung Mai, qui en est donc l’initiateur, cette « Maison de la forêt » illustre parfaitement les propos de Juhani Pallasmaa, le célèbre architecte finlandais pour qui « L’architecture est essentiellement une extension de la nature dans le domaine artificiel ».
« Ce projet se veut un espace dédié à l’éducation, à l’exploration et à l’engagement communautaire, tout en favorisant une connexion profonde entre l’humain et la nature. Il aspire à redéfinir la cohabitation entre les hommes, les animaux, l’environnement bâti, et les forces naturelles imprévisibles », nous dit encore Trung Mai.
« En revitalisant progressivement le paysage par le réaménagement et la réorganisation de ses éléments, notamment les espèces envahissantes, nous favorisons le retour de la biodiversité locale. De plus, en intégrant des initiatives culturelles et éducatives, nous encourageons un sentiment de responsabilité et d’engagement communautaire, tout en renforçant à la fois l’environnement et le tissu social. Cette approche promeut la notion de « soin » envers un milieu dégradé, aussi bien sur le plan naturel que social. Bien plus qu’une simple forêt urbaine, Bờ Vở - Maison de la forêt incarne un processus de transition, servant de phare résilient de coexistence et de renouvellement pour la communauté locale et au-delà », précise-t-il.
De futurs projets déjà en cours
L’inauguration de ce mercredi 4 décembre s’est faite en comité restreint, en présence, notamment, de représentants des institutions ou sponsors qui soutiennent le projet, à savoir le Comité populaire du district de Hoàn Kiếm, Make a Livable Hanoi - ECEU, l’Ambassade de France à Hanoï, l’Institut Français et la Friedrich-Ebert-Stiftung (FES). Elle a néanmoins donné lieu au vernissage d’une exposition photographique présentée par Sylvie Fanchette, Directrice de recherche au Cessma Paris / IRD (Institut de Recherche pour le Développement), sur le thème « Collecte et recyclage des déchets à Hanoï ».
Un très beau projet, donc, dont l’aboutissement devrait permettre de revitaliser toute une zone qui sinon, est en friche. Le passage du typhon Yagi a bien évidemment eu des impacts majeurs sur l’avancement des travaux et beaucoup de choses sont à réinventer mais ce premier pavillon visible depuis le pont Long Bien est une véritable invitation à aller plus loin. Trung Mai, lui, entend bien poursuivre sur la voie qu’il s’est et a tracé. Diplômé en 2017 de l’Ecole nationale Supérieure d’Architecture Paris-Malaquais, Trung Mai a notamment travaillé avec Jean Nouvel, avant de revenir au Vietnam en 2023 pour y lancer des projets axés sur le développement durable.