Le 31 décembre 2020, le Royaume-Uni est sorti de l’Union européenne, qui compte désormais 27 États membres. Cette sortie, appelée plus communément « Brexit », entraîne un certain nombre de conséquences pour les expatriés.
Analysées sous l’angle de la pratique notariale, les deux principales conséquences sont notables en matière de droit de la famille (notamment en ce qui concerne le divorce) et en matière fiscale pour ce qui concerne notamment la taxation de la plus-value immobilière.
Les conséquences du Brexit en droit de la famille
La sortie du Royaume-Uni de l’UE a des conséquences sur le droit des personnes : les règlements européens jusqu’alors applicables cessent de l’être, avec cette particularité toutefois que, dès avant le Brexit, le Royaume-Uni faisait déjà partiellement « droit à part » au sein de l’UE puisque toutes les conventions ne lui étaient pas applicables. Les conséquences de cette sortie sont donc, de fait, atténuées.
- Il était soumis aux règlements européens relatifs à la compétence des juridictions, à l’exécution des décisions et à la loi applicable (Bruxelles II BIS, règlement aliments),
- Il n’était pas soumis au règlement sur la loi applicable au divorce (Rome III).
Par ailleurs, il est signataire des conventions internationales applicables aux questions relatives aux enfants, de telle sorte que le Brexit ne changera finalement pas grand-chose à la majorité du droit de la famille (divorce, nullité de mariage, séparation de corps, responsabilité parentale et obligations alimentaires) ou à la situation des Britanniques ou couples binationaux situés sur le territoire français, ni même à celle des binationaux ou français résidant en Grande-Bretagne.
Il sera rappelé que le droit de la famille fait, en DIP, l’objet d’un véritable saucissonnage et le soumet à des règles multiples selon la matière concernée et qu’il s’agira de déterminer les règles de compétence ou la loi applicable.
A - Compétence
En matière familiale, le Royaume-Uni était soumis au Règlement Bruxelles 2 bis, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.
L’article 3 prévoit les juridictions compétentes en matière de divorce et de séparation de corps, et précise qu’il n’est pas possible d’y déroger par convention.
En devenant un État tiers, le Royaume-Uni a cessé d’être lié par ce règlement et applique dorénavant ses propres règles de droit international privé pour déterminer sa compétence.
La France reste de son côté, liée par le règlement Bruxelles 2 bis, puisque le juge d’un État membre est tenu de déterminer sa compétence par application de ce règlement, d’application universelle, qu’il soit en « compétition » avec un autre État membre ou un État hors UE.
La conséquence la plus importante se situe au niveau de la litispendance : le règlement européen prévoit que la juridiction saisie en second lieu doit surseoir à statuer, tant que la première n’a pas réglé le problème de compétence.
Or si le Royaume-Uni n’est plus lié par le règlement, le juge anglais n’aura plus à surseoir à statuer en cas de saisine ultérieure (ce qui est actuellement prévu par l’article 19 du règlement), puisqu’il n’a plus à appliquer le règlement et appliquera sa législation interne, qui ne fait pas primer la juridiction saisie en premier lieu, mais celle qui présente le lien le plus étroit avec le litige.
Par conséquent, ce n’est que si le juge anglais estime que le juge français présente un lien plus étroit avec le litige qu’il acceptera de se dessaisir. Des décisions, éventuellement contradictoires, pourront donc être rendues dans les deux pays, avec les difficultés d’exécution induites en conséquence.
Cela risque de poser des difficultés dans l’exécution puisque plusieurs décisions, éventuellement contradictoires de surcroît, pourront être rendues et qu’une décision française pourra être revue par le juge anglais : le droit Anglais permet en effet au juge national de s’estimer compétent dès lors qu’il considère que la décision étrangère n’a pas suffisamment allotifinancièrement l’un des époux, ce qui porte atteinte à l’autorité de la chose jugée.
Dans L’UE : c’est le règlement Bruxelles II bis qui s’applique en matière de responsabilité parentale.
Pour les États tiers l’ayant ratifiée (c’est le cas du Royaume-Uni), c’est la convention de La Haye du 19 octobre 1996 qui s’appliquera.
Le règlement Bruxelles 2 bis prévoit que dans les rapports entre les États membres, le Règlement a la primauté sur la Convention de La Haye.
Dans une situation mettant en présence un État membre et un État tiers : la convention prime.
On devra donc appliquer la Convention de La Haye lorsque le litige sera franco-anglais, alors qu’on utilisait jusqu’au Brexit le règlement.
Les différences sont minimes, et tiennent essentiellement à la disparition de la prorogation de la compétence concernant l’autorité parentale au profit du juge du divorce dans le règlement.
C'est surtout en matière de prorogation de compétence que les règles diffèrent. En effet, dans le cadre de deux Français résidant à Londres, le juge français qui pourrait être compétent sur le divorce ne pourra plus être compétent pour statuer sur le sort des enfants communs résidants à Londres, même si les deux époux sont d'accord pour proroger la compétence du juge français sur ce point.
Seul le juge anglais, juge de la résidence habituelle des enfants pourra être compétent.
Le règlement Bruxelles II Bis permet que toutes les questions relatives aux époux et aux enfants, notamment dans le cadre d’un divorce, soient jugées par le même juge par le jeu des prorogations de compétence.
Du fait du Brexit, il y a désormais un éclatement du contentieux, et les époux qui souhaitent divorcer risquent d’être amenés à saisir plusieurs juges, celui du divorce n’étant pas nécessairement celui de la responsabilité parentale ou celui des obligations alimentaires (entre époux et envers les enfants).
La détermination de la compétence du juge en matière d’obligations alimentaires est définie par le règlement CE 4/2009 du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, dit « règlement aliments », qui renvoie au protocole de La Haye du 23 novembre 2007. Il ne s’applique plus en Grande-Bretagne, mais continuera de lier le juge français.
De son côté, la Grande Bretagne n’est plus liée par le « règlement aliments » mais dans la mesure où elle a indirectement ratifié le protocole de La Haye, ses règles de compétence devraient également demeurer inchangées.
Il convient de rappeler toutefois que le protocole distingue entre les obligations alimentaires entre époux, qui peuvent faire l’objet d’une convention, et les obligations alimentaires concernant les enfants, qui sont impératives.
Au sein de l’UE, les décisions de divorce ou de séparation de corps bénéficient d’une reconnaissance automatique et il n’est pas nécessaire de passer par le biais de la procédure d’exequatur.
Cette reconnaissance automatique a disparu en conséquence du Brexit.
Le Royaume-Uni, qui était lié par le règlement « aliments », bénéficiait en revanche d’un statut particulier concernant la reconnaissance de ses décisions : les décisions rendues au Royaume-Uni (et au Danemark), sur les aliments, ne bénéficiaient pas de la dispense d’exequatur, même si les juridictions françaises vérifiaient de façon plus légère la régularité de la décision anglaise.
Le Brexit n’a donc pas de conséquence réelle sur l’exécution des décisions relatives aux aliments, puisque les décisions doivent d’ores et déjà faire l’objet d’un exequatur.
Il n’existait initialement aucun règlement européen ou convention internationale venant régir la compétence des juridictions pour les questions relatives au régime matrimonial. C’est donc par application du droit interne de chaque pays que la compétence de la juridiction saisie était appréciée.
L’Union européenne a adopté, dans le cadre d’une coopération renforcée, deux règlements en matière de régimes matrimoniaux et d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés : règlement UE no 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux et règlement UE no 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.
Le Royaume-Uni ne faisait pas partie de la coopération renforcée. Le Brexit n’a pas de conséquences dans ce domaine.
B - Loi applicable
Le Royaume-Uni n’est pas parti au Règlement Rome III, qui détermine la loi applicable au divorce et à la séparation de corps.
Ce règlement étant d’application universelle, cela ne changera rien pour le juge français, qui demeurera tenu de déterminer la loi applicable en fonction des critères prévus par Rome III.
C’est déjà la situation actuelle, et le Brexit ne la changera pas.
Pour ce qui est des décisions anglaises, le juge anglais continue de faire application de ses règles internes de conflit de lois, de telle sorte que le Brexit ne change rien non plus et que ce sera dans le cadre de l’exequatur que le juge français vérifiera s’il n’y a pas eu de contradiction avec l’ordre public français.
Rome III prévoit la possibilité de choisir la loi applicable au divorce, et il sera donc possible d’en faire usage devant le juge français, le règlement s’appliquant également dans les rapports avec les pays tiers.
Il n’existe pas non plus de règlement européen déterminant la loi applicable à la responsabilité parentale et c’est la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 sur la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesure de protection à l'égard des enfants (article 15) qui continu à s'appliquer car elle a été ratifiée par le Royaume-Uni, d'une part, et par tous les pays de l'Union européenne, d'autre part.
La loi applicable aux obligations alimentaires n’est pas déterminée par un règlement européen mais par le protocole de La Haye du 23 novembre 2007, indirectement ratifié par le Royaume-Uni, de telle sorte que le Brexit sera sans conséquence et que les règles de détermination de la loi applicable sont donc identiques des deux côtés de la Manche.
Il est rappelé qu’il est possible pour les époux de faire choix de la loi applicable à leurs obligations alimentaires (art 4 du protocole du 23 novembre 2007).
En revanche, il n’est pas possible de choisir conventionnellement la loi applicable aux obligations alimentaires concernant les enfants.
En matière de déplacements illicites, la Convention de La Haye, en date du 25 octobre 1980, relative aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfant, s'appliquait avant le Brexit aux relations entre le Royaume-Uni et les États membres ; elle continue désormais de s'appliquer.
C’est elle qui fixe les règles de compétence et la loi applicable.
Le Brexit est sans conséquence. Le Royaume-Uni n’a pas ratifié la Convention de La Haye du 14 mars 1978 et ne fait pas partie de la coopération renforcée (Règlement UE 2016/1103 et 2016/1104).
Chaque pays appliquait déjà ses propres règles de conflit de lois.
Les conséquences du Brexit en matière de taxation des plus-values immobilières
Le Brexit étant désormais entré en application, il convient naturellement de s’interroger sur ses conséquences pour un résident fiscal britannique qui vend un bien immobilier en France à compter du 1er janvier 2021.
En réalité, les deux principales conséquences consistent en l’obligation de désignation d’un Représentant Fiscal (A) et la perte du bénéfice de l’exonération partielle de prélèvements sociaux (B).
A - Brexit représentant fiscal
À compter du 1er janvier 2021, les résidents fiscaux britanniques engagés dans un processus de vente d’un bien immobilier en France devront désigner un Représentant Fiscal, à l’instar des autres résidents fiscaux hors Union européenne.
B - La perte du bénéfice de l’exonération de CSG/CRDS
Le Décret n°2019-633 du 24 juin 2019 est venu fixer les conditions d’applications de l’exonération de CSG/CRDS applicable aux non-résidents justifiant de leur affiliation à un régime de sécurité sociale au sein de l’Union européenne (ou d’assurance maladie obligatoire pour les résidents suisses).
Sous réserve de remplir ces conditions, les résidents britanniques, à l'instar des autres non-résidents au sein de l’Union européenne, ne supportaient que le prélèvement de solidarité de 7,5% au titre des prélèvements sociaux applicables sur leur plus-value immobilière imposable en France.
À compter du 1er janvier 2021, les autorités fiscales françaises ont confirmé que le Royaume-Uni sera considéré comme un État tiers à l’Union européenne. Par voie de conséquence, les résidents britanniques cédant un bien en France ne bénéficieront plus de l’exonération de CSG/CRDS susmentionnées et supporteront, à l’instar des résidents russes ou américains par exemple, les prélèvements sociaux au taux de 17,2% applicable sur leur plus-value immobilière de source française.