Selon le Baromètre Expat Communication de mars 2023, 52% des conjoints expatriés ne travaillent pas. Les raisons évoquées sont la difficulté à trouver un emploi, mais pas que. Beaucoup mettent en avant un besoin de faire une pause, de se recentrer, ou se consacrer à leur famille…Et alors ?
Sur internet, les conseils pour s’épanouir professionnellement en expatriation sont légion : « comment trouver un travail », « comment se reconvertir », « comment ne pas avoir de trou dans le CV » … Pourtant, de nombreux conjoints d’expatriés choisissent de faire une pause professionnelle pour faire le point, donner de leur temps, s’occuper de la famille… et l’assument complètement. Nous avons rencontré Guenaëlle, expatriée en Autriche, mère au foyer de famille nombreuse et fière de l’être, et Catie, expatriée au Vietnam, qui, rencontrant des difficultés pour travailler, a choisi de s’épanouir autrement.
Des mamans au foyer en expatriation « Je trouve cela très beau, le don de soi »
Quand Catie, son mari et leur fils de 5 ans, Canadiens, arrivent au Vietnam en février 2021 pour une opportunité professionnelle du père de famille, Catie sait qu’elle ne pourra pas travailler ; elle ne peut pas obtenir de visa de travail via la situation de son mari. La seule façon pour elle de travailler est de trouver un emploi dans une entreprise canadienne et il n'y en a pas ou très peu. Comme elle, 34% des conjoints expatriés évoquent des difficultés à trouver un emploi ou développer leur activité, selon le Baromètre Expat Communication mars 2023 : « Je le savais en arrivant, je m’étais renseignée. Et un nouveau confinement est tombé. J’ai fait l’école à la maison pendant un an à mon fils. Je voulais stimuler un maximum son esprit. ». Mère et fils deviennent fusionnels.
Son mari est très conscient de tout ce que fait Catie « ll me répète souvent qu’il admire et respecte ce que je fais pour notre famille. »
Guenaëlle était parent au foyer avant de partir en expatriation en Slovénie d’abord, puis en Autriche depuis plusieurs mois. Pour elle, le choix de rester à la maison est assumé depuis un moment. Avec des enfants rapprochés (avec des soucis de santé pour certains), sa présence auprès d’eux est importante, sans être d’aucune façon une contrainte :
« Je m’épanouis, et je trouve qu’il n’y a rien de plus beau comme mission de vie. J’offre du temps et de la disponibilité à mes enfants et une tranquillité d’esprit à mon mari qui en est reconnaissant. »
Catie aussi voit sa pause comme « un cadeau de la vie, qui permet de vivre des moments de qualité avec mon enfant, ou découvrir le Vietnam. Pendant le Covid, nos journées étaient animées : aller au marché le matin, faire du sport dans le parc etc… » Par l’impossibilité de travailler et le confinement imposé, Catie est maman au foyer…mais pas que.
Des parents au foyer en expatriation qui ne restent pas au foyer
Être au foyer ne rime pas avec être inactive ! Catie n’est pas du genre à rester à la maison. C’est une maman très dynamique, qui souhaite absolument donner de son temps à des causes qui lui sont chères. Elle s’investit donc beaucoup dans une association de soutien à des familles défavorisées de Hanoi, Coup de Pouce : « Mon fils reprenait doucement les activités et l’école. Il a été ma priorité pendant un an, puis je suis devenue ma propre priorité. Je fais du bénévolat à l’association. Je passe aussi beaucoup de temps avec le groupe de HIWC (Hanoi International Women Club) avec des conjointes de nationalités différentes. Je perfectionne mon anglais. C’est tellement enrichissant ! ». Guenaëlle ne voit pas non plus les journées passer. Elle peint, bricole, jardine, cuisine, marche, visite, fait des rencontres. Elle a même mis en place un « club randonnée » à Vienne. « J’ai fait des études d’architecture, j’ai un grand sens créatif. Et puis, financièrement, nous n’avons pas besoin que je travaille aussi. C’est sûr, ça aide à assumer mon statut de parent au foyer ».
Dans quelques semaines, Catie et sa famille rentrent au Canada. La maman est épanouie mais reconnait que l’aspect « femme au foyer » et la gestion de la maison ne lui a pas vraiment plu pendant ces deux années. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle multiplie les activités et le bénévolat avec Coup de Pouce. Depuis qu’elle sait qu’elle part, elle s’impatiente de travailler à nouveau : « Il faut que je pense à la suite de ma carrière professionnelle ». Pas d’appréhension du côté de son fils qui va reprendre l’école et comprend que sa maman a des projets professionnels... De son côté, il n’est pas prévu pour Guenaëlle et sa famille de rentrer en France. Mais la maman expatriée se pose tout de même la question de l’après :
« Mes enfants grandissent. Il y a de l’inquiétude sur ce que je vais faire professionnellement, moi qui ne travaille pas depuis plusieurs années. Le cabinet d’architecture étant utopique, je réfléchis à relancer mon entreprise de création de faire-part… ». Bref, Guenaëlle a des perspectives et des projets.
Le parent au foyer, un statut écorné ?
Dans les mentalités, il y a 50 ans environ, la norme était que la femme reste à la maison, s’occupe de l’intendance et des enfants (s’il y en avait). Cette normalité se retrouve jusque dans certains proverbes comme celui-ci, vietnamien : « Đàn ông xây nhà, đàn bà xây tô âm : Les hommes font les maisons, les femmes font les foyers ». Aujourd’hui, terminé l’image de la conjointe dévouée et docile, qui se sacrifie pour sa famille. Celles qui choisissent d’être au foyer ont majoritairement fait des études ou ont déjà travaillé, à l’image de Catie et Guénaëlle.
Pourtant le jugement est coriace : « Que fais-tu de tes journées ? » « Tu n’as pas de nanny ? » « Tu ne t’ennuies pas trop ? » (…) Catie a déjà entendu ce genre de phrases mais ne s’est jamais laissé atteindre, ne craignant pas la critique « Si je n’avais pas eu autant d’activités ou ne m’étais pas fait d’autres mamans amies, peut-être cela aurait été différent… ».
Au début, les remarques atteignent Guenaëlle, mais très vite la maman répond : « moi, je ne te juge pas à rentrer le soir à 20h30 sans voir tes enfants et payer une personne pour s’en occuper ou jouer avec eux à ta place… »
Etre parent au foyer en expatriation, un rôle à respecter
Forcément, le prisme de l’expatriation accentue parfois le choix d’être parent au foyer, puisque moins de 10% des conjoints suiveurs réussissent à trouver un travail à l’étranger, selon une étude Expat Communication en mars 2021. Ajoutons à l’équation, la crise sanitaire et ses confinements… Comme le formalise très bien l’actrice Halle Berry : « Et, d’un seul coup, plus personne ne demanda aux mères au foyer ce qu’elles faisaient de leur journée ». Comme Catie, qui a dû faire l’école à son fils, même si elle l’a fait volontiers.
Guenaëlle précise que l’expatriation à elle seule a énormément contribué à son épanouissement personnel. Combiné à son rôle de parent au foyer, la jeune femme en apprend beaucoup sur elle-même : « Nos forces sont décuplées. Je me sens plus patiente et résiliente. Je me suis découverte. J’ai beaucoup appris à travers mes enfants.
Un jour, des personnes aux grandes carrières m’ont dit que j’avais du courage et que jamais qu’ils n’auraient pas été capables vivre ce que je vis et faire ce que je fais. »
Oui mais… pour s’épanouir pleinement dans le choix de ne pas avoir de vie professionnelle, nécessite d’être en accord avec son conjoint expatrié. Le binôme doit accepter cette décision et la respecter, comme tout contrat d’expatriation. Et qui dit respect, dit aussi de veiller à la sécurité du parent au foyer, que ce soit financière, de santé et de retraite. Le conjoint parent au foyer a peut-être sacrifié sa carrière et cette conséquence a de la valeur. Autre chose, ce n’est pas parce que le conjoint a choisi d’être au foyer pendant une expatriation qu’il va l’être systématiquement. A chaque projet, il est important de (re)poser les bases. Et c’est le cas de Catie et Guenaëlle. Par ailleurs, au même titre que l’on apprend aux enfants à dire « le mot magique », il faut savoir dire merci à celui ou celle qui reste à la maison.
Quelles que soient les choix de chacun, l’empathie et la reconnaissance seront toujours les socles d’une expatriation en famille.