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ADOLESCENTS – Le Blues de l’expatriation

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Écrit par Marie-Pierre Parlange
Publié le 24 avril 2019, mis à jour le 25 avril 2019

La fameuse crise d'ado n'est jamais facile à gérer. Alors quand elle coïncide avec un déménagement à l'étranger, l'appréhension peut être encore plus forte et les tensions peuvent s'accroitre. Entre quête identitaire et difficultés d'adaptation, pas facile pour les parents de faire face.



Quel que soit l'environnement familial ou social, l'adolescence est toujours un moment difficile. L'innocence et le sentiment de sécurité de l'enfance s'estompent au profit de la maladresse, la confusion, voire la baisse de l'estime de soi. Les changements du corps sont parfois attendus, souvent redoutés, et vécus comme un facteur de stress. Le regard des autres est recherché et inquiétant. L'adolescent se soustrait à la vision du monde de ses parents, et commence à se forger ses propres opinions. Cette ébullition mène bien souvent à une opposition, des confrontations. Un passage obligé plus ou moins bien négocié.

Dans ce contexte, un déménagement, surtout à l'étranger, ne facilite pas vraiment les choses. Les adolescents expatriés peuvent à juste titre avoir le sentiment d'être déracinés : ils quittent leur maison, leur chambre, leur nourriture préférée, leur collège ou lycée, leurs amis, leur famille, leur ville, leur langue natale, leur culture, cela fait beaucoup ! Leur identité même est remise en question.


Perte de contrôle


L'expatriation est d'autant plus délicate que les enfants constatent à cette occasion qu'ils n'ont pas le contrôle de leur vie, puisqu'ils sont "obligés"  de suivre leurs parents. La réaction la plus classique est alors pour eux de se renfermer, de s'isoler un casque sur les oreilles ou dans leur chambre. Certains ont des sautes d'humeur, des mouvements de colère, d'autres deviennent amorphes, refusant toute activité nouvelle. Bref, ils ont le blues. Ils se rebellent en marquant leur différence. Ainsi Maxence, 14 ans, arrivé récemment en Chine, refuse de manger chinois et encore moins avec des baguettes. "Impossible de le faire goûter à certains plats pourtant bien appétissants qu'on lui présente au restaurant, se désespère Claire, sa maman. Il ne tolère que la cuisine occidentale. J'imagine que c'est sa façon de marquer sa désapprobation quant à notre décision de partir." D'autres peuvent aussi refuser l'apprentissage d'une nouvelle langue. L'immédiateté qu'affectionnent les ados s'accommode mal des efforts et du temps nécessaire à cet apprentissage, et à l'intégration en général.

Difficile quand on est dans le rejet de parvenir à adopter les nouveaux codes en vigueur dans le nouveau collège ou lycée. C'est pourtant la clé. Il faut "entrer dans l'orchestre", connaître les règles de politesse en vigueur dans ce nouveau pays, l'impact de religions différentes sur une société. Comprendre peut-être le jargon multilingue propre à un lycée où les enfants sont de nationalités différentes. Comprendre également qui est "populaire" et pourquoi, et qui ne l'est pas. Car en général les adolescents vivent mal la différence, et veulent s'identifier à un groupe.


Que faire ?

 

Préparer le départ à l'avance. Ce n'est pas pareil de s'expatrier dans un autre pays occidental ou dans un pays en voie de développement : s'installer en Afrique ou en Inde par exemple peut être un choc pour les enfants, qui vont être confrontés à des modes de vie très différents. Autant que possible, renseignez-vous pour sur votre destination car il va falloir répondre au mieux à leurs interrogations. Il faut faire des ponts entre ici et là-bas et les préparer au choc culturel.
Sur place, il est fondamental d'écouter réellement la tristesse et la nostalgie des enfants, de les laisser s'exprimer en les assurant de votre amour et de votre compassion. Cela va les aider à faire le deuil de leur vie précédente. Mais inutile de leur mentir en croyant les apaiser, si vous partez pour plusieurs années à l'étranger, il ne faut pas leur promettre un retour rapide en France. Ils sont assez âgés pour comprendre les raisons de votre choix, alors expliquez-les. Lorsque c'est opportun, partagez également vos difficultés, mais aussi vos satisfactions, vos étonnements dans ce nouvel environnement. Il faut pas s'enfermer dans le silence, voire dans la honte de ne pas être "enchanté" par la situation. En revanche, il est essentiel de communiquer une forme d'optimisme, si possible bien sûr !



Garder le contact


Les réseaux sociaux arrivent en tête des activités en ligne des 13-19 ans. Respectez leur vie privée, mais gérez le maintien du contact avec leurs amis et la famille restés en France. Faites-leur confiance, mais attention aux abus. "Je ne me suis pas aperçue tout de suite qu'avec le décalage horaire, mon fils passait une partie de sa nuit à chatter avec ses amis de France, explique Caroline, de Bangkok. Nous avons fini par nous en rendre compte et avons longuement évoqué avec lui les problèmes que cela engendrait : surfer sur la toile pour s'apercevoir que ses amis "s'éclatent", ont des soirées auxquelles on ne peut plus aller, c'est finalement très frustrant, sans compter la fatigue, le manque d'envie de se faire de nouveaux amis sur place, etc. S'il n'est pas question de couper le contact, il est important qu'il comprenne que sa vie est ici maintenant." Mieux vaut, si c'est possible, favoriser la visite des amis. Leur présenter la nouvelle maison, la ville et ses monuments, peut favoriser le sentiment d'ancrage des enfants.
En cas de troubles profonds liés à l'adolescence et/ou au déménagement, n'hésitez pas à vous faire aider. Dans la plupart des grandes villes dans le monde, il est possible de trouver un thérapeute francophone.

Entrer dans le monde est difficile. Mais le voyage, extérieur, peut devenir intérieur. L'expatriation peut être pour les adolescents une occasion de changer, de dépasser d'anciennes souffrances, et de mûrir. Cette expérience unique leur en apprendra beaucoup sur eux-mêmes et sur les autres.

(réédition)
 

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