Quatre ans après son entrée au conseil d’administration de l’AEFE, l’Union des Associations de Parents d’Élèves de l’Étranger (UNAPE) tire la sonnette d’alarme. Née du mouvement citoyen « Sauver les établissements français dans le monde » à la suite des coupes budgétaires de 2017, la fédération défend une refonte en profondeur du réseau des lycées français à l’étranger, dénonçant une gouvernance « déconnectée », minée par les déséquilibres financiers et la perte de compétitivité. Le président de l'UNAPE, Taoufiq Fechtali, répond à nos questions.


Pouvez-vous présenter l'UNAPE et ses missions en quelques mots ?
Notre jeune fédération - Union des Associations de Parents d’Élèves de l’Étranger - est membre du CA de l'AEFE depuis 4 ans. Historiquement notre fédération découle du mouvement lancé dès les coupes budgétaires sans précédent de 2017, ce mouvement s'appelait alors “sauver les établissements français dans le monde”. Nous avions, à l'époque à travers le mouvement, participé à la réforme de l’AEFE ainsi qu’au rapport sénatorial. Notre fédération ne perçoit aucune subvention de l'État ou de quelque autre organisme et nous sommes fiers de cette indépendance qui nous démarque par rapport aux autres fédérations.
Vous avez pris la parole sur la refonte du réseau des établissements français de l'étranger en octobre 2025. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs quelle crise traverse l'AEFE selon vous ?
Le réseau AEFE traverse des difficultés depuis de nombreuses années. La crise actuelle en est la conséquence. Beaucoup proviennent des déséquilibres financiers, suite à son incapacité à répondre aux contraintes des changements économiques et géopolitiques, ainsi qu’au désengagement de l'État français, jusqu’à aboutir à un système totalement déficitaire, reposant sur des flux financiers prélevés sur les droits de scolarité des familles au détriment de les voir investies pour développer ses établissements et la mission d’enseignement qui y est assurées. Il en va de même pour son opérateur historiquement mandaté, qui reflète les mêmes tendances.
L'objectif d'enseignement n'est plus une priorité proportionnellement à l'objectif de survie financière
L’effet et l’impact sont tels que les établissements se sont appauvris progressivement alors qu’ils disposaient de fonds de réserves très honorables, et que les familles ne sont plus en capacité ou préfèrent s'ouvrir sur d'autres horizons, et que la compétitivité avec les autres systèmes met en relief les faiblesses et failles de l'institution. Au final, le modèle de gestion et de gouvernance appliquée , n'a pas permis de valoriser l'existant ni concrétiser les opportunités, plombé par une organisation complexe, extrêmement coûteuse par rapport à la concurrence. L'objectif d'enseignement n'est plus une priorité proportionnellement à l'objectif de survie financière, en témoigne la presque disparition des postes d'enseignants qualifiés au profit de postes administratifs.

Comment l'UNAPE envisage-t-elle la transition institutionnelle sans perturber la continuité des services éducatifs à l'étranger ?
Sous réserve de ce que l’on entend par transition institutionnelle, nous pensons qu’elle ne peut intervenir sans un engagement politique au plus haut niveau, et devrait se faire en plusieurs étapes progressives, dont certaines peuvent être engagées dès maintenant et en attendant une stabilité politique suffisante pour passer à l’action.
La première étape serait d’engager un audit de gestion global de l’AEFE, pour différencier les processus devant être répartis (académique, de gestion, financiers et de gouvernance) selon les compétences actuelles des intervenants. Cet audit gagnerait à impliquer les représentants des familles pour être fidèle aux spécificités des établissements selon leur situation géographique. De cet audit pourront être proposés des scénarios de transitions par acteurs concernés, pour couvrir l’ensemble des missions actuelles et futures.
Nous pensons que l’AEFE jouera un rôle central tout au long de cette transition, pour progressivement assurer le transfert des compétences devant l’être
La seconde étape sera nécessairement la mobilisation politique pour un engagement et un accompagnement rapproché des institutions concernées, pour la validation du modèle définitif, la communication des feuilles de routes, et les mécanismes de suivi d’exécutions proposés. Nous pensons que ces deux étapes nécessitent une année « scolaire », et devront privilégier une démarche participative.
Interviendrait alors la mise en œuvre (un à trois ans) qui pourrait être progressive (primaire, puis secondaire / par zones géographiques) toujours en distinguant l’autonomisation des volets éducatif et pédagogique avec le Ministère de l’éducation nationale, versus la gestion et le développement avec le Quai d’Orsay. Pour des raisons de continuité, nous pensons que l’AEFE jouera un rôle central tout au long de cette transition, pour progressivement assurer le transfert des compétences devant l’être tout en ajustant ses propres compétences.
Dans son plan d’action 2025-2026, face à la hausse continue des frais de scolarité, l’UNAPE demande que les familles soient pleinement associées aux décisions financières et aux orientations des établissements. L’UNAPE exige également une transparence accrue de la part de l’AEFE et de la Mission laïque française (MLF), afin que le rétablissement de leurs équilibres budgétaires ne se traduise pas par une nouvelle hausse des frais pour les parents. Sur le plan social, l’organisation plaide pour une meilleure accessibilité à l’éducation française grâce à un système de bourses renforcé, et un accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers dans tous les établissements du réseau. Le plan insiste aussi sur la rationalisation des dépenses, la création de sources de revenus alternatives et le soutien aux comités de gestion dans les établissements partenaires. L’UNAPE souhaite obtenir un siège au conseil d’administration de la MLF, tout en poursuivant son engagement au sein de l’AEFE et de l’OBEP (observatoire pour les élèves à besoins éducatifs particuliers) .

Quels sont, selon l'UNAPE, les indicateurs concrets du "recul de la qualité" dans les établissements français à l'étranger ?
Le recul doit être apprécié selon un ensemble de critères pour être fidèle aux réalités de chaque établissement. Les familles constatent que, depuis que l’on bascule d’un système d’enseignement français vers un système d’enseignement en langue française, les conditions d’enseignements ne rivalisent plus face à la concurrence et à la qualité et la diversité des services proposés par les établissements partenaires, devenus aujourd’hui concurrent directs. Les résultats sont aussi le produit des soutiens scolaires assurés par les familles pour combler les déficits de performance.
A-t-on des estimations chiffrées sur l'impact des frais de scolarité élevés sur la fuite des familles ?
Les directions d’établissements restent très discrètes, cependant, en tant que représentant des familles nous sommes fortement sollicités pour faire aboutir des dossiers d’aides et de bourses avant de constater l’impossibilité de certaines à poursuivre. Enfin les baisses d'effectifs des élèves en inscription sont généralisées et créent des manques à gagner dans les budgets des établissements. Là aussi l’absence d’indicateurs de performances ne permet pas de refléter fidèlement les réalités. En parallèle, le recul de la francophonie et la fermeture d’un ensemble d’établissements à travers le réseau impactent grandement sur les budgets consolidés à l’échelle du siège.
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