Bien plus qu’une réunion de promotion annuelle, le réseau alumni est devenu “un facteur contributeur” de la stratégie des écoles, avec une dynamique puissante autour d’évènements, de mentoring, de formations, de clubs et de soutiens financiers. Enquête lors du rendez-vous Alumni de l’EDHEC Business school en juin 2024
Les “jeunes” à l’intérieur en train de danser, les plus anciens sur la terrasse ou dans le jardin. Tous portent un badge autour du cou avec leur nom et surtout, l’année de leur promotion. Le rendez-vous annuel des alumni de l’EDHEC Business School bat son plein à l'Hippodrome de Longchamp en périphérie de Paris. “Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous” soulignait il y a quelques minutes Martin Barbier, Executive Director EDHEC Alumni devant quelques centaines d’anciens élèves de la grande école. Lui-même est diplômé en 1988 : "Nous sommes là pour nous retrouver, nous divertir et nous inspirer”. Le temps est doux, la lueur du jour baisse doucement, à deux jours du solstice d’été. Se sont inscrits près de 1.000 personnes à l’évènement “mais nous sommes 3.000 à vivre ce rendez-vous partout dans le monde” insiste Martin Barbier. Des banderoles sont accrochées “EDHEC rendez-vous 2024, The place to shine” y lit-on. Et pour cause, le réseau Alumni se classe 3ème en France en 2024 selon le Financial Times et 7ème école en mobilité internationale.
Chaque année, le Financial Times sort le classement “Global MBA”. Au total, 132 écoles ont participé en 2024, avec 21 critères pris en compte. Sur la base de réponses de diplômés des trois dernières années, le critère “alumni network” mesure “l’efficacité du réseau d'anciens élèves pour les opportunités de carrière, la création d'entreprises, l'acquisition de nouvelles idées, le recrutement de personnel et la fourniture d'informations sur les événements”. Le critère “mobilité internationale” mesure, quant à lui, “les lieux où les anciens étudiants ont travaillé avant leur MBA, à la fin de leur formation et trois ans plus tard”
Le réseau alumni est en tout premier lieu des amis à vie. Cela crée une identité commune peu importe les expériences que chacun vit
Le soutien des anciens élèves pour la mobilité internationale
Après une plénière très musicale - un peu longue pour certains -, c’est l’occasion de discuter avec de jeunes alumni de l’EDHEC Business School, qui ont rejoint en 2020 et 2021 le réseau de 57.000 anciens élèves dans 140 pays, selon l’école. Mais pourquoi sont-ils présents ? “Je suis contente de retrouver l’ambiance EDHEC, l’impression de retourner quelques années en arrière” explique Athina. “Le réseau alumni est en tout premier lieu des amis à vie. Cela crée une identité commune peu importe les expériences que chacun vit” renchérit Louise, de la promotion 2021.
“Au delà de se voir physiquement, comme ce soir, il existe beaucoup de groupes whatsapp très actifs ; chaque jour, les messages fusent. Je sais que lorsque je suis allée à l’étranger dans le cadre de mon cursus, j’ai apprécié ce soutien, ces conseils et ces bons plans. Je me suis sentie accompagnée et cela va bien au delà des informations que l’on peut trouver en ligne sur le logement en expatriation étudiante, la culture du pays d’accueil ou les démarches administratives” insiste Athina, se souvenant s’être beaucoup appuyée sur les alumni à Singapour et Los Angeles. Louise ajoute avoir apprécié recevoir de l’information mais aussi en avoir donné à son tour à de jeunes étudiants qui partaient dans un campus de l’EDHEC à l’étranger “On vient chercher l’information mais il est important aussi d’en donner, de partager nos retours d’expérience et nos best practices”.
Le réseau m’a aussi aidée dans des moments de transitions, lorsque je n’avais pas de travail. J’ai intégré des clubs et suivi des formations.
Solidarité et entraide, des valeurs centrales du réseau alumni donc ? Anne Geisert, Présidente EDHEC Alumni, promotion 1991, nous confie que le réseau lui a apporté des moments de fête et de joie mais aussi beaucoup de soutien notamment lors des confinements “j’ai interagi avec de vieilles connaissances et resserré des liens. Le réseau m’a aussi aidée dans des moments de transitions, lorsque je n’avais pas de travail. J’ai intégré des clubs et suivi des formations. L’association que je préside a mis en place un fonds de solidarité qui apporte chaque année des ressources et des “coups de main” à des anciens élèves.”
Le pouvoir “alumni”, ouvrir des portes pendant sa vie professionnelle
Autre superpouvoir mis en avant : l’entraide en milieu professionnel. “Il y a une entraide inter-promotion permanente, très visible d’ailleurs ce soir. Des dirigeants ou hauts cadres vont échanger avec des jeunes diplômés en début de carrière. Ils sont accessibles et bienveillants” explique Laurent Peries, Directeur marketing de l’Edhec Business School en citant Emilie Sidiqian, vice-présidente de Salesforce, présente à l'événement. “Je citerai l’exemple d’Accenture qui a un club d’anciens de l’école au sein même de l’entreprise”. Aurélien, promotion 2020 confirme : “J’ai créé une entreprise pendant mes études. Par le réseau, j’ai fait énormément de rencontres auprès de contacts stratégiques. Il y a beaucoup de clubs où les générations se mélangent. Nous nous entraidons beaucoup dans nos projets professionnels.” C'est d'ailleurs par et pour le réseau alumni que Martin Barbier est présent. Vingt cinq ans après être sorti de l’EDHEC, il se souvient avoir fait une rencontre qui change la suite de sa vie : “Une ancienne de promotion me parle d’un poste opérationnel autour du réseau alumni. Je m’imaginais le groupe d’anciens, avec de la poussière partout.” Mais il se renseigne…et prend le poste.
Le réseau alumni est un contributeur à part entière du plan stratégique de l'école. Les Alumni (re)viennent enseigner, participent à la recherche et financent des projets, avec confiance.
Sur la terrasse, Emmanuel Métais, directeur général de l’EDHEC Business School, profite de l'événement à l’Hippodrome de Longchamp pour discuter du plan stratégique 2024-2028, nommé “Générations 2050” : “Le réseau alumni est un contributeur à part entière de ce plan. Les Alumni (re)viennent enseigner, participent à la recherche et financent des projets, avec confiance. Nous voulons lever 50 millions d’euros sur les quatre années à venir. L’engagement de nos anciens élèves nous porte énormément.” Le directeur général vient d’ailleurs de croiser à l’instant un jeune homme qui “m’a salué de la part de ses parents à qui j’ai enseigné en 1997. C’est ça aussi le réseau alumni…”
Le réseau attire surtout à partir de la trentaine, voire la quarantaine. Nous aimerions animer un peu plus les générations plus récentes
Le réseau alumni de grandes écoles, des limites ?
Anne Geisert l’admet en observant la piste de danse : “Il y a un point de progression. Le réseau attire surtout à partir de la trentaine, voire la quarantaine. Nous aimerions animer un peu plus les générations plus récentes, ils sont les bienvenus. Mais entre le début de carrière, la création d’un foyer, la mobilité…ce n’est pas simple”. Martin Barbier se souvient à ce propos être resté assez éloigné du réseau alumni à sa sortie d’école, tout en restant proche de coeur. “Je n’avais pas forcément conscience qu’un lien pouvait exister avec son école” continue le directeur de réseau. “Aujourd’hui, je réalise alors que le réseau d’anciens élèves est devenu stratégique et fondamental pour les écoles. La logique de réseau est très puissante”, mentionnant 500 évènements, un accompagnement carrière, du mentoring, des soutiens à la création d’entreprises.
Le danger des réseaux alumni est l’entre-soi....
Le lien d’appartenance dont parle l’Executive Director EDHEC Alumni, Simon, ancien élève, l’a senti à Londres. Un peu trop peut-être… “Lorsque je travaillais là-bas, je me souviens d’une communauté française très active. Mais aussi d’une communauté EDHEC très soudée. Un groupe dans un groupe. Il m’est arrivé parfois de me sentir mal à l’aise de certains membres qui vivaient un peu trop le réseau comme un entre-soi. Dommage”. Martin Barbier en a bien conscience : “le danger des réseaux alumni est l’entre-soi. Nous essayons d’être tourné vers l’extérieur au maximum.L’idée est de rayonner au-delà de notre communauté.” Avant de quitter les lieux peu avant minuit au son des mix du DJ, Martin Barbier lance, souriant “nous sommes loin du bureau poussiéreux d’anciens, n’est-ce pas ?”