Édition internationale

États-Unis, Inde, Singapour… Enquête dans les assiettes des cantines du monde

Qu’y a-t-il dans l’assiette des élèves à l’heure du déjeuner ? De Tokyo à Singapour, en passant par Delhi, les cantines racontent les habitudes alimentaires, les inégalités sociales, mais aussi les valeurs transmises aux enfants.

Distribution des repas scolaires à l'école Weaver à Nantwich, en Angleterre. Crédit : Cheshire East Council via Flickr. CC BY-NC 2.0.Distribution des repas scolaires à l'école Weaver à Nantwich, en Angleterre. Crédit : Cheshire East Council via Flickr. CC BY-NC 2.0.
Distribution des repas scolaires à l'école Weaver à Nantwich, en Angleterre. Crédit : Cheshire East Council via Flickr. CC BY-NC 2.0.
Écrit par Sherilyn Soekatma
Publié le 9 septembre 2025, mis à jour le 23 octobre 2025

 

En France, les élèves connaissent une cantine bien rodée avec ses plateaux compartimentés, son menu affiché à la semaine et l’incontournable trio entrée-plat-dessert. Ailleurs, la pause déjeuner se teinte de couleurs, s’imprègne de parfums et s'anime de gestes et de coutumes radicalement différentes. La rédaction lepetitjournal.com a mené son enquête.

 

Aux États-Unis, le déjeuner se prend avec du lait

Pizza carrée sortie du four, nuggets croustillants, quesadillas dégoulinantes de fromage… Sur les plateaux américains, le fast-food n’est jamais bien loin. Mais les repas doivent tout de même répondre à des normes précises : couvrir un tiers des apports recommandés et limiter les graisses et sucres. Avec le Healthy, Hunger-Free Kids Act, défendu par Michelle Obama en 2010, les menus se sont étoffés en fruits, légumes et céréales complètes.

Dans la pratique, chaque État et chaque district applique ces standards à sa façon. En Californie par exemple, le petit-déjeuner et le déjeuner sont gratuits pour tous. « Aujourd’hui, au menu, chicken nuggets, compote de pommes, carottes, brocolis et lait. Lundi, ce sera quesadilla au poulet, salade de fruits, céleri et lait », témoigne un utilisateur américain sur Reddit, en 2024.

Le lait, justement, est une constante des plateaux américains : qu’il soit entier, écrémé ou chocolaté, il accompagne presque tous les repas. Une habitude héritée de l’histoire. Dès 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale, le département américain de l'Agriculture lançait un « Milk Program ». L’objectif était double : lutter contre la malnutrition infantile et garantir aux fermiers un revenu stable. Depuis, le lait n’a jamais quitté les plateaux-repas des écoles américaines.

 

Des enfants mangent leur repas scolaire dans une cantine américaine. Crédit : Rawpixel. CC0 1.0.
Des enfants mangent leur repas scolaire dans une cantine américaine. Crédit : Rawpixel. CC0 1.0.

 

Aujourd’hui, plus de 30 millions d’élèves déjeunent chaque jour grâce au National School Lunch Program. Ce dispositif, vital pour des millions de familles, reste au cœur de débats : certains élus plaident pour étendre la gratuité à tous les élèves, comme c’est déjà le cas en Californie et à New York, tandis que d’autres freinent en invoquant le coût budgétaire.

 

La cantine japonaise, petite école du vivre-ensemble

Au Japon, la majorité des écoles élémentaires a adopté le système de restauration « kyûshoku » et de nettoyage « sôji tôban », où les élèves assurent à tour de rôle la distribution et le rangement des plats.

Les repas arrivent roulés sur des chariots et ce sont les élèves eux-mêmes, vêtus d’une blouse blanche et d’un masque chirurgical, qui les distribuent à leurs camarades. On les appelle « kyûshoku gakari », les « responsables du repas ». Plus qu’un simple repas, c’est une leçon de vie : apprendre à servir, à attendre son tour, à partager et à respecter la nourriture.

 

 

Dans la plupart des écoles, le repas est conçu pour rester équilibré : un bol de riz ou de nouilles pour la base, des légumes variés sautés ou mijotés, un filet de poisson ou un morceau de poulet, le tout accompagné d’une soupe miso réconfortante.

 

« Itadakimasu. »

 

Avant de porter la première bouchée, les élèves joignent les mains et prononcent le traditionnel « Itadakimasu », une formule de politesse qui marque le respect de la nourriture et de ceux qui l’ont préparée.

 

À Singapour, la cantine aux mille saveurs

Dans la plupart des écoles singapouriennes, les repas se prennent au « tuckshop », une cantine organisée comme un petit marché. Ici, pas de menu unique : chaque élève compose son assiette au gré des stands. Nouilles sautées, curry au lait de coco, poulet frit, biryani épicé… 

« Les repas sont fortement marqués par la diversité culturelle de la ville : chinoise, malaise, indienne, peranakan, occidentale », explique Fanny Boumlid Piovarcsy, directrice de La Petite École à Singapour.

 

« Les goûts sont intenses et contrastés, combinant épicé, sucré, salé et acide. »

 

Dans les plateaux-repas, cette richesse se traduit par des saveurs franches : piment, lait de coco, herbes fraîches et sauces parfumées se mélangent dans des plats souvent mijotés ou frits : « Les goûts sont intenses et contrastés, combinant épicé, sucré, salé et acide », ajoute la directrice.

Mais la gourmandise n’empêche pas la quête d’équilibre. Sous l’œil du programme Healthy Meals in Schools, les cantines singapouriennes réinventent leurs menus : Super Tuna Pizza, Wolf Boy's Pie, mais aussi des stars locales comme le Hainan Chicken Rice et le Nasi Lemak, repensés en version « healthy » par l’Health Promotion Board avec l’aide de nutritionnistes et de chefs.

Dans le même esprit, l'International French School Singapore (IFS), propose à ses élèves des repas variés et équilibrés, avec deux options quotidiennes dont une végétarienne, conçues en partenariat avec Chartwells. « Les élèves du collège et du lycée peuvent acheter des collations saines supplémentaires à « La Fenêtre » (lycée) et à la Pop-up Station (collège) en utilisant leur carte d'étudiant », précise l'IFS sur Instagram.

 

 

En Inde, un déjeuner aux doigts et aux épices

En Inde, la pause déjeuner ne se déroule pas toujours dans une cantine : « Ici, il y a relativement peu de cantines. Tout dépend des écoles », raconte Laura Malik Hamelin, rédactrice en chef lepetitjournal.com Inde.

Comme les horaires de cours varient beaucoup d’un établissement à un autre, ce sont les familles qui s’organisent. Le plus souvent, les enfants apportent un tiffin, une boîte métallique à compartiments qui garde chaque plat bien séparé. Certains l’emportent dès le matin, d’autres le voient arriver juste avant midi, livré par un parent ou un coursier.

Dans ces tiffins, le menu reste simple mais nourrissant. « Le végétarien est presque systématique en Inde, confie la journaliste, dans quelques écoles catholiques ou musulmanes, on peut trouver du poulet, mais la plupart des tiffins se ressemblent : des sabzi (légumes parfumés aux épices), un morceau de roti encore tiède (pain plat), ou du dal rice (riz aux lentilles), nourrissant mais plus salissant ».

 

Débat en Inde sur les œufs dans les cantines scolaires

 

Et puis il y a la manière de manger, qui fait partie intégrante de l’expérience. En Inde, les repas se déroulent le plus souvent avec les doigts. Les enfants apprennent très tôt à pincer un morceau de roti pour attraper les légumes, ou à mélanger le riz et le dal avec le bout des doigts. L’hygiène n’est pas pour autant négligée : « Les enfants savent dès 4 ou 5 ans qu’il faut se laver les mains avant et après le repas », souligne Laura Malik Hamelin.

 

Des enfants mangent leur repas scolaire en Inde, le 11 janvier 2016. Crédit : Rawpixel. Domaine public.
Des enfants mangent leur repas scolaire en Inde, le 11 janvier 2016. Crédit : Rawpixel. CC0 1.0.

 

En Allemagne, la boîte à tartines en guise de cantine

Dans la majorité des écoles primaires allemandes, les classes se terminent dès midi ou 13 heures et les enfants filent manger à la maison. Pour les autres, il existe les hort, sortes de centres d’accueil périscolaire où l’on sert un repas chaud, avant de passer à des jeux ou aux devoirs.

 

Qu’attendre de la Mensa, le restaurant universitaire allemand ?

 

Dans les collèges et les lycées allemands, la cantine — appelée Mensa — reste rare. Les élèves s’en remettent à leur Frühstücksdose, une boîte en plastique glissée dans le cartable le matin. À l’intérieur, des tartines au salami ou au fromage, quelques fruits croqués à la récré et une barre de muesli pour tenir jusqu’à l’après-midi. De quoi picorer à la pause de 11h ou 12h30.

Et quand une cantine existe, le système allemand surprend les Français. Les menus se réservent à l’avance, parfois trois semaines plus tôt, et le déjeuner se prend entre 12h45 et 14h15. Pour 3,50 €, les élèves reçoivent un plat principal et un accompagnement parfois sucré : riz au lait, gâteau de semoule nappé de cerises, galettes…

Les repas obéissent aussi à des règles précises établies par la DGE : chaque jour, une base de céréales ou de pommes de terre, des légumes, du poisson au moins une fois par semaine, et de la viande limitée à deux fois par semaine.

 

En Australie, pas de cantine mais des lunch boxes 

En Australie, oubliez la cantine et le plateau compartimenté : le midi, c’est « lunch box ». Chaque matin, les parents remplissent cette petite boîte colorée devenue emblème des écoles australiennes. À l’intérieur, un menu qui pourrait ressembler à ça : un sandwich ou un wrap, une brique de boisson lactée type Up&Go, un paquet de biscuits salés Shapes ou des chips goût sour cream and chives, et quelques morceaux de pomme.

Mais derrière cette habitude typiquement australienne se cache un paradoxe. Selon des chercheurs de l’Université de Wollongong et de Flinders, plus de 80 % des déjeuners des écoles primaires australiennes sont de mauvaise qualité nutritionnelle. Un constat confirmé par un reportage de 9 News Australia : une étude menée par l’Université Deakin auprès de 682 élèves de 8 à 12 ans, a montré que près de la moitié de leurs apports quotidiens en énergie provenait d’aliments ultra-transformés.

 

 

En Afrique du Sud, du pap pour tous

Dans les écoles françaises de l’étranger, la cantine reprend souvent le modèle hexagonal. À Johannesburg, au Lycée français Jules Verne, le repas fonctionne sur le même principe : entrée, plat, dessert, servi chaque midi pour un coût mensuel d’environ 70 à 80 euros. Mais dans les assiettes, on fait le tour du monde : salade grecque, feijoada brésilienne, stroganoff ou encore boloñesa. Et ce sont surtout les produits sud-africains qui donnent le ton : patates douces fondantes, avocats crémeux ou encore mangues et ananas parfumés.

 

Un marchand de fruits dans Church Street à Johannesburg en Afrique du Sud, le 20 octobre 2012. Crédit : Ossewa. CC BY-SA 4.0.
Un marchand de fruits dans Church Street à Johannesburg en Afrique du Sud, le 20 octobre 2012. Crédit : Ossewa. CC BY-SA 4.0.

 

Dans les écoles publiques, l’expérience est bien différente. Depuis 1994, le National School Nutrition Program (NSNP) sert plus de 9 millions de repas chaque jour dans près de 20.000 établissements défavorisés. Le plat le plus courant ? Le « pap », une bouillie de maïs semblable à de la polenta, accompagné d’un ragoût de viande ou de haricots. Nourrissant, simple et servi avant 10 heures du matin pour maximiser la concentration en classe.

Ailleurs, dans les écoles privées ou dans les quartiers plus aisés, on retrouve plutôt la lunch box, comme en Allemagne et en Australie, ou encore les vendeurs de rue qui attirent les lycéens avec leur samoussas croustillants, leurs burgers et leurs fameuses saucisses « boerewors grillées », servies comme des hot-dogs.

 

 

De Tokyo à Johannesburg, les cantines racontent des histoires de culture et d’éducation. Et vous, Français de l’étranger, qu’y a-t-il dans l’assiette de vos enfants ? Un peu de France, beaucoup d’ailleurs, ou un mélange des deux ?

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