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Vote électronique des Français à l’étranger : pourquoi ça bloque ? 

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Écrit par Justine Hugues
Publié le 25 octobre 2018, mis à jour le 3 décembre 2020

Progrès technologique indispensable ou danger pour la démocratie ? Le vote électronique fait débat et son utilisation marginale expliquerait, en partie, la forte abstention des électeurs à l’étranger. Or, des pistes d’amélioration existent, qui simplifieraient la vie électorale des Français expatriés. 

 

Comment élargir les dispositifs de vote électronique tout en mettant en œuvre des moyens suffisants pour les sécuriser ? C’est sur cette épineuse question de démocratie que les sénateurs Jacky Deromedi (LR, Français établis hors de France) et Yves Détraigne (MoDem, Marne) viennent de présenter leurs conclusions, devant la commission des lois du Palais du Luxembourg. 

 

Les Français de l’étranger participent aux élections nationales (présidentielles, législatives et sénatoriales), européennes et consulaires. Or, comme le soulignait Jacques Chirac en 2001, les expatriés « sont souvent privés de l’effectivité de leur droit de vote en raison de leur éloignement d’un consulat ». « Un expatrié vivant à Irkoutsk (Russie) doit parcourir 2 812 kilomètres pour voter à Ekaterinbourg, ce qui représente un trajet de 3 heures 20 en avion, et  un prix du billet avoisinant 470 euros pour un aller-retour », abonde le sénateur Antoine Lefèvre. 

 

L’abstention, chez cette catégorie de population, est très forte. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, 55,72 % des électeurs inscrits à l’étranger n’ont pas voté, contre 22,23% sur pour l’ensemble des votants. Lors des élections législatives qui ont suivi, le taux d’abstention a, dans certaines circonscriptions, atteint des records : 88,3% au second tour dans la 8ème circonscription (Europe du sud, Israël, Turquie…) par exemple. 

 

 

Bienvenue au royaume des couacs

 

Tout l’enjeu du vote par Internet est de concilier sa sécurisation (prévenir les tentatives de piratage) et son ergonomie (faciliter l’accès des expatriés à la plateforme de vote en ligne). Deux éléments qui ont pêché dans l’histoire électorale récente. 

 

L’accès à la plateforme de vote en ligne reste complexe, notamment parce que deux canaux de transmission (courriels et SMS) sont nécessaires pour envoyer leurs codes d’identification aux électeurs. Acheminement des SMS difficile, adresses électroniques non ou mal répertoriées sur les listes… Lors des élections consulaires de 2014, 6 % des votants par Internet ont contacté la cellule d’assistance technique en raison de difficultés de connexion. L’augmentation du nombre de connexions quelques heures avant la clôture du scrutin avait saturé la plateforme de vote, rendue inaccessible pendant près de deux heures. 

 

Pour les législatives de 2017, l’abandon du vote par Internet a été d’autant plus mal vécu par nos compatriotes expatriés que le gouvernement avait promis, moins d’un an plus tôt, de concevoir « une nouvelle solution de vote électronique offrant aux électeurs une solution à la fois ergonomique et sûre ».  Le contexte géopolitique global aurait conduit à la décision : attaques contre les sites Internet de TV5 monde (2015) et du Bundestag allemand (2015), interrogations sur le déroulement de la campagne présidentielle américaine (2016)… Guillaume Poupard, directeur de l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI), avait alors comparé son analyse à celle d’un vulcanologue : « Écoutez, ce volcan, je ne le sens pas, à mon avis, il y a de grandes chances que cela pète ; mais il n’y a aucune garantie ».

 

Le projet comportait également des imperfections structurelles : un calendrier trop serré, des exigences de sécurité évolutives et des tests grandeur nature peu concluants. 

 

Les responsabilités sont donc partagées entre l’administration et le prestataire (la société SCYTL), qui ont échoué à concevoir et tester la nouvelle plateforme de vote en amont du scrutin. Ces défaillances sont d’autant plus problématiques que le marché public avec le prestataire n’a pas été résilié. SCYTL est toujours chargée de mettre en œuvre le vote par Internet pour les élections consulaires de 2020. « Aucune pénalité n’a été prononcée à l’encontre de la société SCYTL, alors même que la plateforme de vote présentait de graves imperfections fonctionnelles » s’indignent Jacky Deromedy et Yves Détraigne. 

 

 

Quelles solutions ?

 

« Si nous ne sommes pas en capacité, pour les prochaines élections, de nous organiser pour avoir un système de vote par Internet étanche à toute attaque, ça ne s’appelle plus la France, notre pays ! », s’exclamait le président Macron, en octobre 2017, devant l’Assemblée des Français de l’Etranger. Aujourd’hui, il est toutefois impossible d’assurer que le dispositif de vote par Internet sera bien opérationnel en 2020.

 

Afin de perfectionner et sécuriser la plateforme de vote pour les échéances électorales à venir, les sénateurs  formulent donc quatre propositions :  

 

  • Garantir l’organisation du vote par Internet pour les élections consulaires de 2020, en organisant des tests grandeur nature avec suffisamment d’anticipation  
  • Préparer le vote par Internet pour les élections législatives de 2022 en renforçant les moyens alloués à sa sécurisation et en lançant la procédure de mise en concurrence plus en amont
  • Sécuriser l’identification des électeurs participant au vote par Internet en créant une véritable identité numérique, à partir d’outils biométriques
  • Prévoir l’obligation pour le gouvernement de consulter l’Assemblée des Français de l’étranger avant, le cas échéant, d’annuler le recours au vote par Internet.
Justine Hugues
Publié le 25 octobre 2018, mis à jour le 3 décembre 2020
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