La Sénatrice Hélène Conway-Mouret, élue du Parti socialiste, a accepté de nous rencontrer et est notamment revenue sur la réforme fiscale, la réforme des retraites et les prochaines consulaires.
Vous faites partie des élus qui demandent la suppression de la réforme fiscale. Pensez-vous que le rapport parlementaire soit publié avant les élections consulaires comme vous l'avez demandé ?
Le Sénat a voté positivement en faveur d'une publication anticipée du Rapport. Il sera publié au mois de Mai au lieu du mois de Juin, c'est quand même une réforme qui concerne tout le monde. C'est une réforme que je trouve profondément injuste et inique. En France on ne taxe pas les contribuables à partir du premier euro et c'est ce que cette réforme propose.
Le rapport sera publié avant les élections consulaires, ce qui laisse une opportunité aux électeurs de voter en toute connaissance de cause. Aux députés de jouer la transparence et d'adopter le texte du Sénat. S'il ne l'est pas, alors cela voudra dire qu'ils ont voulu ce que je considère comme une mauvaise réforme et qu'en plus ils ne font pas preuve d'une grande honnêteté, puisqu'ils ne souhaitent pas que électeurs sachent précisément de quoi il en retourne.
Vous avez retweeté une interview de Thomas Picketty à propos de la réforme des retraites. Selon lui le gouvernement a un « sérieux problème avec la justice sociale et la répartition », partagez-vous ce constat ?
Même si je ne suis pas en phase avec tout ce qu'il dit, je considère que la théorie du ruissellement qu'on nous a « vendue » au début du quinquennat ne fonctionne pas. En théorie, on donne plus de moyens à ceux qui en ont déjà dans le but de créer un cercle vertueux de croissance. Dans la pratique, nous voyons bien que ça ne fonctionne pas.
Depuis le début de ce quinquennat, les textes de lois se succèdent et fragilisent toutes les catégories. Il y a d'abord eu la ponction sur les APL des étudiants, la CSG pour les retraités, puis les chômeurs et précédemment la SNCF... Toutes ces réformes ont pour objectif de faire des économies. Il y a beaucoup de marketing sémantique, on parle de « mutualisation » mais ce sont des mots qui cachent une autre réalité, celle de la suppression d'emplois.
On nous annonce une hausse budgétaire au Ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères. C'est vrai, mais cette hausse concerne surtout l'Aide Publique au Développement, et j'en suis très heureuse, étant impliquée dans des projets en Afrique et ailleurs. En ce qui concerne les budgets alloués à l'action extérieure, ils sont en baisse sur l'ensemble des lignes budgétaires. Les budgets du réseau diplomatique, de l'Alliance française sont revus à la baisse, même si celui de l'AEFE augmente, sans malheureusement revenir au niveau de 2016.
Vous avez contribué au réexamen de la fermeture du Centre culturel d'Oslo et du Consulat de Moncton au Canada. A l'heure où il est question de renforcer le réseau culturel et éducatif Français, comment expliquer ces fermetures ?
C'est la différence entre les effets d'annonces et la pratique et les actes. Lorsqu'on annonce l'augmentation du nombre de professeurs avec pour ambition de doubler les effectifs d'élèves, tout le monde applaudit. Sauf que ce qui devait être une courbe ascendante démarre par la suppression de 100 postes à l'AEFE. C'est à dire qu'en 2021, pour revenir au niveau de 2019, il faudrait créer 200 postes.
En ce qui concerne l'Institut français d'Oslo, nous avons été interpellés par un de nos Conseillers consulaires, qui déplorait une fermeture en catimini. On suggérait aux professeurs de chercher du travail, la situation n'était pas très claire. Vis à vis des autorités norvégiennes, c'était d'autant plus incohérent, qu'un accord de coopération linguistique, culturelle et de recherche, a été signé en 2018 avec la France.
Cela dit, je reste pragmatique, si la communauté établie dans une zone géographique donnée n'est pas assez nombreuse, je ne suis pas contre la rationalisation des moyens. Par contre, on ne ferme pas un poste où l'activité est importante et la demande forte.
Êtes-vous en faveur du vote en ligne ?
Oui, je suis en faveur du vote en ligne, d'autant plus qu'on supprime 1,3 million d'euros du budget alloué à l'organisation des élections. Il y aura moins de personnels et moins de centres de vote. Si le vote en ligne permet aux Français qui vivent hors de France et loin des centres urbains d'exercer leur droit de vote c'est très bien, tant que ça ne se fait pas aux détriments des bureaux de vote physiques. C'est une façon d'augmenter la participation en la facilitant.
Vous êtes intervenue à la Fondation Jean Monnet pour l'Europe au sujet de la Construction européenne et vous avez plaidé pour une défense européenne commune, au moment où le Président Macron parlait de « mort cérébrale de l'OTAN ». L'OTAN est-elle insuffisante ?
Il ne sert à rien d'être dans l'excès, nous avons besoin de l'OTAN, c'est un parapluie qui fonctionne et nous en sommes satisfaits. Pour le moment, c'est l'OTAN qui assure la sécurité du continent européen, elle a été conçue pour ça. Quand le Président Macron parle de « mort cérébrale », il ne dit pas que ce sont les jambes et les bras qui sont malades, il dit que la tête ne va pas bien.
Les ennemis d'hier ne sont plus forcément les ennemis d'aujourd'hui. Lorsque je parle de Défense européenne, il s'agit d'identifier les menaces sécuritaires auxquelles fait face l'Europe, sous différentes perspectives, chaque pays ayant sa propre Histoire. Si l’on parle sérieusement de défense européenne c’est la sécurité de l’ensemble du continent que nous devons être en mesure d’assurer. Nous devons alors considérer les analyses des menaces de tous les pays afin d’y apporter une réponse collective.