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La crise sanitaire ne doit pas sonner le glas de la présence française

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Écrit par Frédéric Petit (MoDem)
Publié le 17 avril 2020

Depuis plusieurs semaines, nous sommes quelques-uns à tirer la sonnette d’alarme et attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation critique des opérateurs qui assurent la présence et le rayonnement de la France à l’étranger : lycées français, Alliances françaises, instituts et centres culturels français, centres de recherche, Expertise-France, Agence Française de Développement...

 

Qu’ils soient culturels, artistiques, d’enseignement ou scientifiques, ces réseaux, d’une extrême diversité administrative, financière, stratégique, sont le fruit d’une histoire, ou plutôt d’histoires qui ont traversé les siècles et permettent aujourd’hui à la France de déployer une action multiforme et de plus en plus cohérente dans le monde. Or, l’épidémie de Covid-19 fait peser une menace d’autant plus sérieuse sur ces réseaux qu’ils sont, pour beaucoup d’entre eux, en transformation profonde.

 

L’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE), en particulier, est en pleine restructuration : de structure ‘gestionnaire’ avec quelques dizaines d’établissements (environ 10 % seulement des établissements), employant moins de 20 % des enseignants, elle est devenue un rouage essentiel de développement au service de l’ensemble du réseau des lycées français dans le monde. Son organisation n’est cependant pas adaptée à la gestion de crise. Or, la crise sanitaire inédite que nous traversons nécessite des réponses immédiates et quasi-sur mesure.

 

Sur les 522 établissements homologués présents dans 130 pays, 450 établissements sont hors du périmètre de l’AEFE et 30 000 enseignants sont employés directement par les établissements locaux. Les parents non français, majoritaires dans le réseau d’enseignement français à l’étranger, le financent à hauteur de plus d’un milliard et demi d’euros (pour une subvention publique d’à peine 400 millions). Ces familles vont connaître les mêmes difficultés économiques que les parents français avec lesquels ils sont souvent associés dans la gestion des établissements ; la France prendra-t-elle le risque de ruiner son image, en ne venant en aide qu’à ses ressortissants, et uniquement dans certains pays ?

 

Face à ce défi, le gouvernement doit mettre en place de toute urgence, une cellule de crise ad hoc qui traitera en urgence les situations spécifiques locales, de manière coordonnée entre tous les postes diplomatiques et consulaires français dans le monde. Cette cellule travaillera dans le cadre d’un plan global de sauvegarde de ces réseaux, défini et adopté rapidement, dans le cadre du Projet de Loi de Finances Rectificative (PLFR).

 

Depuis trois ans, nous réformons l’ensemble de ces réseaux d’influence. De nouvelles formes de collaboration entre personnes et entre structures très diverses se développent dans les domaines éducatifs, culturels, scientifiques, d’expertise, climatiques, économiques, etc. En privilégiant notamment les partenariats entre les pays, entre des financements publics, privés et des usagers, nous donnons une nouvelle ampleur à nos actions à travers le monde. En Syrie, par exemple, pour 30 millions de subventions de la France, la Fondation pour sauver le patrimoine a mobilisé près de 200 millions d’euros. Plus près de nous, le gouvernement hongrois accorde environ 100 000 euros d’aide à l’association locale de gestion du lycée français de Budapest.

 

C’est par une diplomatie d’influence plus ambitieuse et partenariale que nous pourrons faire face aux nouvelles puissances du XXIème siècle. Les postes diplomatiques sont, quant à eux, encouragés à devenir des chefs d’orchestre qui adaptent les ressources aux problématiques de leur région et de leur pays. Nous aurons bientôt un ‘plan enseignement’ dans chaque pays, différent pour la Pologne de celui de la Roumanie, du Mali ou encore de l’Amérique du Sud. Il en sera de même pour la diplomatie culturelle, environnementale, pour le plan ‘forêt’, pour le développement, l’économie...

 

Il nous faut avant tout éviter le piège du saupoudrage de l’argent public en cédant dans le désordre aux multiples appels au secours qui seront bientôt pléthore. La réponse des autorités françaises doit pouvoir s’appuyer sur un cadre et des priorités diplomatiques clairs : quelle voix la France doit-elle porter dans le monde pendant et après la crise ? Au Proche-Orient, en Afrique, auprès de tous nos partenaires européens, maintenant, et aux différents moments (ô combien différents !) de sortie de crise dans le monde.

 

Dans notre tradition jacobine il était plus facile jusque-là, de considérer que l’Etat payait et contrôlait tout ou rien. Les effets de leviers, les partenariats, les co-financements multilatéraux, étaient rarement au cœur des stratégies. Nos administrations et nos services ont accompli une révolution copernicienne dans ces domaines. Le plus grand risque serait que nous perdions le bénéfice des récentes avancées et que nous revenions dix ou vingt ans en arrière, en oubliant nos partenaires.

 

Notre diplomatie opère à l’heure actuelle une mue salutaire, vers une diplomatie du « faire ensemble ». Ne laissons pas cette crise sanitaire saper les efforts de modernisation de ces dernières années. Ne revenons pas aux pré-carrés historiques, bien agréables à décrire, mais qui ne seront jamais à la hauteur de ce que le monde attend de la France et de l’Europe.

 

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