La rédaction de lepetitjournal.com a reçu le 25 septembre 2023 cette tribune de Florian Bohême, Conseiller des Français de l'étranger au Cambodge et Président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée des Français de l'étranger "pour remettre un coup de projecteur sur la nécessité de parler de la protection sociale des Français de l'étranger. "
Mesdames les Sénatrices et Messieurs les Sénateurs des Françaises et Français établis hors de France, engagez-vous pour la tenue d’assises de la protection sociale des Français de l’étranger.
En 2023, le Gouvernement a organisé des Etats-Généraux de la diplomatie et livré un plan de réarmement de la diplomatie française qui a proposé de “réarmer le service public consulaire”. Récemment, ce sont des consultations sur l’enseignement français à l’étranger qui ont été conduites. Chaque année le sommet Choose France permet de faire le point sur la politique de la France en matière de commerce extérieur et des investissements étrangers en France. En 2021 c’est la politique culturelle et de “puissance douce” de la France qui a fait l’objet d’une feuille de route de l’influence. Toutes ces consultations concernent les 3,5 millions de Françaises et Français établis hors de France.
Pourtant, aucun temps fort de l’action gouvernementale, depuis 6 ans, n’a jamais concerné la thématique des affaires sociales, des retraites et de la prévoyance santé des Français de l’étranger. Il est temps d’y remédier en organisant des assises de la protection sociale des Français.es de l’étranger. Le récent cri d’alarme lancé par Patrice Douret, Président des Restos du cœur sur la situation insoutenable sur le plan humain pour les plus démunis doit aussi nous alerter concernant nos concitoyens en situation de précarité qui sont établis hors de France.
Ces assises, dont le contenu serait à définir en lien avec tous les acteurs concernés, à commencer par les citoyennes et citoyens eux-mêmes, pourrait permettre de réfléchir sereinement, durablement, efficacement à une véritable politique sociale pour les Françaises et Français de l’étranger.
Cette politique n’existe pas aujourd’hui. Nous avons des dispositifs, ils sont là et c’est mieux que rien, mais nous n’avons pas une vision claire et articulée de ce que serait une politique de protection sociale pour des Françaises et Français qui sont établis partout dans le monde.
Parmi les dispositifs existants, citons notamment la Caisse des Français de l’étranger qui a été créée en 1978, réformée en 2018 mais qui fait aujourd’hui l’objet de nombreuses questions sur son avenir. Parlons des commissions consulaires locales pour la protection et l’action sociale (CCPAS) crées en 1984 puis transformées en Conseil consulaire des affaires sociales en 2013 ou encore de la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger qui structure les aides sociales accordées par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sans pour autant donner un rôle décisionnaire aux élus. En effet, l’article L121-10-1 du code de l’action sociale et des familles rappelle que “les actions menées à l'égard des Français établis hors de France en difficulté, en particulier les personnes âgées ou handicapées, relèvent de la compétence de l'Etat.” Récemment, en pleine crise mondiale de la COVID-19, le Ministère de l’Europe a décidé de distribuer des aides SOS COVID-19 et ce pendant plusieurs mois. L'efficacité de ces aides n'a pas été évaluée et une partie du budget alloué a été utilisée à d'autres fins par les services de l'Etat.
Oui, la France accompagne ses ressortissants à l’international mais non et ce depuis plusieurs années, les aides distribuées ne sont ni optimales, ni efficientes. Elles sont là pour répondre à une urgence, rarement pour sécuriser et réparer des accidents de la vie à l’international. L’exemple de la crise mondiale du COVID-19 nous l’a montré.
Ces dispositifs ne sont d’ailleurs pas intégrés dans les pilotages nationaux. Sur le handicap, aucune représentation d’élus ou de citoyens vivant à l’étranger ne participe à la Conférence nationale du handicap. Aucun Français de l’étranger n’est membre du comité national des retraités et des personnes âgées. Mieux, lorsque le Conseil économique, social et environnemental s’est vu confier l’organisation d’une consultation sur la fin de vie, les Français de l’étranger n’ont pas été associés à ces travaux.
Les questions sont là, elles sont souvent posées par nos concitoyens. Ces assises permettraient probablement d’y apporter des réponses :
- Faut-il revenir sur le principe de territorialité qui régit la législation française sur les aides et la sécurité sociale ?
- Pourquoi ne pas envisager le déploiement du minimum vieillesse chez les Français de l’étranger ?
- Pourquoi la santé n’est-elle pas couverte par la Sécurité sociale ? Comment garantir la pérennité de la Caisse des Français de l’étranger ?
- Comment agir efficacement sur une prise en charge rapide de l’accompagnement des personnes en situation de handicap ?
- Quelles structures pour accompagner nos compatriotes les plus en détresse ?
- Comment proposer à la jeunesse française de l’étranger d’accéder à l’autonomie ?
- Quels dispositifs pour accompagner une meilleure prise en charge du grand âge dans nos communautés françaises ?
- Comment faciliter les démarches dans l’établissement des dossiers de retraites et les liquidations de pensions de réversion ?
- Faut-il envisager une agence spécifique pour traiter des affaires sociales comme nous avons l’Agence pour l’Enseignement Français à l’étranger (Education), l’Institut Français (Culture) ou encore Business France (Economie) ?
- Quels moyens pour les associations d’entraide et quel soutien de la part de l’Etat ?
Bref, les sujets ne manquent pas pour élaborer des politiques publiques autour de la protection sociale des Français de l’étranger.
Récemment, le budget des affaires sociales a été réévalué de 1 million d’euros. Mais en raison du contexte économique mondial et d’une revalorisation du taux de base pour quelques pays seulement, cela a amené à une baisse en termes de pouvoir d’achat des prestations sociales pour de nombreux compatriotes en difficulté.
En 2023, ce sont 15 millions d'euros qu’il est prévu d'allouer aux Françaises et Français de l’étranger, et c’est encore 1,7 millions d’euros qui est prévu par la Caisse des Français de l’étranger pour venir en aide à ses adhérents en difficulté. A ces chiffres s’ajoutent les centaines de millions d’euros versées en cotisation retraites.
Lors du Grand Débat National, en 2019, la première préoccupation soulevée par les Français de l’étranger était sur les retraites, bien longtemps avant la fameuse réforme de 2023 à propos de laquelle les Français de l’étranger ont d’ailleurs été privés de tout débat.
Les préoccupations des Françaises et Français de l’étranger, souvent rappelées, comme avec le baromètre des Français de l’étranger de l’association Français du monde-adfe ou via l’enquête annuelle de l’UFE, qui indiquent que pour 51% des sondés, la protection sociale fait partie des marqueurs du rayonnement de la France.
Dans de nombreux pays où nous vivons, les crises se multiplient, politique, sociale, environnementale. La covid-19 a cruellement rappelé à l’Etat Français ses obligations envers les Françaises et Français de l’étranger.
L’article 12 de la loi 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France permet au Président du Sénat - ainsi qu’au Gouvernement et à la Présidente de l’Assemblée nationale - de consulter l’Assemblée des Français de l'étrange sur toute question consulaire ou d'intérêt général, notamment culturel, éducatif, économique et social, les concernant.
A défaut d’une mobilisation du Gouvernement, le cadre juridique existe pour réunir ces assises de la protection sociale des Français de l’étranger.
Mesdames les Sénatrices et Messieurs les Sénateurs des Françaises et Français établis hors de France, plusieurs d’entre vous viennent d’être récemment élu.es. Dans vos programmes, vous avez toutes et tous rappelé la nécessité de garantir une meilleure protection sociale des Français.es de l’étranger. Vous engagez-vous à agir collectivement pour proposer la tenue d’assises de la protection sociale des Français de l’étranger ?