Il y a bientôt un an, Olivia Richard était élue sénatrice des Français établis hors de France. Ancienne collaboratrice parlementaire de Robert del Picchia pendant plus de 20 ans, la sénatrice occupe désormais les avant-postes. Dans un entretien pour lepetitjournal.com, elle revient sur ses axes de travail, sur la nomination du nouveau Premier ministre, Michel Barnier, mais aussi sur sa prise de position en faveur de “l’Assistance Défense Pénale Français de l’étranger.” : “L'initiative de Maître Molina est très importante.”
Michel Barnier a été nommé Premier ministre il y a quelques jours, quel est votre opinion sur cette nomination et qu’attendez-vous du nouveau gouvernement ?
J'attends déjà un gouvernement, n'importe quel interlocuteur sera le bienvenu. Nous sommes au troisième gouvernement depuis ma prise de poste il y a bientôt un an. Il faut de la stabilité en politique comme en toute chose. Donc j’attends et j’espère, comme beaucoup, de la stabilité pour que nous puissions travailler. Peu importe qui le président de la République nommera au quai d'Orsay sur proposition de Michel Barnier, dans la mesure où il reste un peu plus de quelques mois, ce sera déjà un progrès. Tous les liens que nous avons pu bâtir ces derniers mois avec nos interlocuteurs sont à refaire. Il est compliqué de travailler dans ces conditions-là. Il faut de la continuité pour pouvoir se projeter et construire des projets.
Olivia Richard : “Je travaille depuis 22 ans pour les Français de l’étranger”
En ce qui concerne Michel Barnier, je le jugerai en fonction de la composition du gouvernement et de sa déclaration de politique générale. En tant qu'indépendante, ma démarche est pragmatique. Ce qui m’importe avant tout est la manière dont sont traités les Français de l'étranger. Les étiquettes ne m’intéressent pas. Michel Barnier a été un bon ministre des Affaires étrangères. J'en ai un bon souvenir. Il nous avait beaucoup aidés pour le vote par Internet. Il est un Européen convaincu. Sur cela, je le rejoins. Il vient de la famille Gaulliste, ce qui me convient parfaitement. Après, nous verrons en fonction de sa faculté de négocier et de gagner une stabilité qui est essentielle pour notre action. Je n'ai pas d'a priori négatif sur Michel Barnier. J'ai écouté son allocution lors de la passation de pouvoir et j'ai trouvé qu'il avait une grande élégance, à voir ce qu’il en fait.
Quel est votre principal axe de travail depuis votre prise de poste il y a bientôt un an ?
En tant que membre de la délégation aux Droits des femmes, je suis rapporteure d'une mission d'information sur les femmes à la rue. Cette mission nous a beaucoup occupés cette année puisque nous avons fait plusieurs déplacements et des dizaines d'auditions. Ce sujet ne concerne pas directement les Français de l'étranger, même si la crise des logements les impacte lorsqu'ils rentrent en France.
Le droit pénal français a une compétence extraterritoriale, notamment en matière de crime
Cependant, cette mission permet de comprendre l'étendue de la crise. Elle permet aussi de sortir des idées préconçues : comment est-ce qu’une personne arrive à la rue, ce qu'elle y vit quand il s’agit d’une femme et les pistes pour en sortir. La délégation aux Droits des femmes préconise de les nommer pour qu'elles existent et de les compter pour qu'elles comptent. Il faut aussi donner la parole aux acteurs sociaux, sans qui rien ne se ferait. Je pense qu’il est important pour eux d'être pris en considération. Il nous faut impérativement un gouvernement pour pouvoir proposer des pistes. Le rapport sera rendu en octobre 2024, peu avant la semaine de l'AFE (Assemblée des Français de l'étranger).
Vous soutenez l’Assistance Défense Pénale Français de l’étranger, une initiative de Maître Molina, pourquoi cette position ?
Toutes les actions liées aux difficultés propres rencontrées par les Français à l'étranger doivent être valorisées et encouragées. Nous ne faisons pas nécessairement de communication dessus, je préfère autant faire que faire savoir. Mais nous nous donnons pour objectif, avant la fin de la première année de mon mandat, de rencontrer le plus d’acteurs possibles de la vie française à l'étranger, à l’instar de la Banque de France. L'initiative de Maître Molina, qui est très actif et qui a développé cette assistance juridique - pour les Français et leurs familles mis en cause dans des problèmes pénaux à l'étranger - est très importante. Le droit pénal est assez méconnu. Nous ne savons pas, par exemple, que le droit pénal français a une compétence extraterritoriale, notamment en matière de crime. Tout comme la pédocriminalité, une autre de mes préoccupations cette année. Lorsque des Français sont mis en cause - soit victimes, soit accusés à l'étranger - le parquet de Paris est compétent. Nous avons beaucoup de Français qui sont emprisonnés à l'étranger, à tort ou à raison. Cela implique de pouvoir aider ponctuellement les familles qui font appel à nous. Elles nous sont redirigées par les conseillers des Français de l'étranger de certains pays qui sont, malheureusement, assez actifs en la matière.
Il faut s'inscrire au registre des Français de l'étranger, mais aussi sur les listes électorales consulaires
Lorsque l'État ne peut pas, il faut faire appel aux initiatives, soit individuelles, soit collectives. À ce titre, je soutiens fermement la plateforme “Save You”, dirigée par Priscilla Routier. Il s’agit d’un relais essentiel pour venir en aide aux femmes françaises victimes de violences à l'étranger ayant besoin de soutien, que ce soit juridique, rapatriement... Les consulats ne sont pas nécessairement armés pour le faire. Nous avons besoin d'acteurs qui connaissent la spécificité en fonction des pays. Cette initiative existe depuis quelque temps déjà et a besoin de relais. Je la soutiens tant que je peux.
Les plateformes d’entraide THE SORORITY et SAVE YOU s’exportent à l’international
Comment s’est passée votre rentrée parlementaire ?
La session reprendra début octobre 2024. Mais la rentrée a commencé sur les chapeaux de roue, puisque nous avons réalisé une visioconférence avec le groupement d'intérêts publics Union Retraite pour mieux comprendre le nouveau dispositif de certificat de vie biométrique. La réunion était très éclairante. J’avais peur que l’objectif principal de cette application développée soit la lutte contre la fraude. Autrement dit, qu’elle représente un frein supplémentaire pour nos retraités français à l'étranger. Le dispositif me paraît tout à fait pertinent et accessible. J'encourage vivement tous ceux qui doivent prouver leur existence annuellement, d'y recourir.
« Mon certificat de vie » : l’application qui change la vie des retraités expatriés
Est-ce que vous avez un message particulier pour nos lecteurs lepetitjournal.com ?
Il faut que les Français à l'étranger se rendent compte de l'importance de se manifester auprès de leur consulat et auprès de la France en général. Il faut s'inscrire au registre des Français de l'étranger, mais aussi sur les listes électorales consulaires. Lorsque quelqu'un demande votre avis, donnez-le. Lorsqu’il faut voter, participez. Peu importe pour qui, peu importe pour quoi, il faut témoigner de cette envie de faire partie de l'unité nationale pour en être inclus plus tard. Il est important de montrer que nous avons envie de rester Français à l'étranger car nous observons une diminution des services publics un peu partout. Pour lutter contre et se faire entendre, il faut prendre toutes les occasions qui nous sont offertes.