Depuis 2020, l’application THE SORORITY et la plateforme pour expatriés SAVE YOU ont pour objectif de lutter contre le harcèlement et les violences conjugales et intrafamiliales. Rencontre avec Priscillia Routier-Trillard, la fondatrice de ces plateformes d’entraide que nous devrions toutes et tous connaître.
À l’occasion de la célébration des 1 an de SAVE YOU et du lancement de THE SORORITY en anglais organisée par l’Expat Village à Londres, nous avons rencontré Priscillia Routier-Trillard, la fondatrice de ces deux initiatives d’entraide ouvertes au femmes et aux personnes issues des minorités de genre. Elle nous a fait part de ses aspirations et de l’actualité de son association, The Sorority Fondation.
Florence Chabert d’Hières et Expat Village enchantent la vie des expatriés à Londres
À quoi aspiriez-vous lorsque vous avez créé l'application The Sorority ?
En tant que femme, je trouve qu’il est essentiel que nous nous rendions compte que nous ne sommes pas seules. THE SORORITY a été conçue pour que, quoi qu'il arrive, que ce soit dans la rue ou dans les transports, au bureau, en soirée ou chez soi en situation d'isolement, de violence ou de harcèlement, nous ne soyons jamais seules.
Comment l’application fonctionne-t-elle ?
Concrètement, si vous êtes en situation d'insécurité, vous pouvez contacter les personnes qui sont autour de vous. En regardant la carte, vous voyez que vous n’êtes pas seule, et vous pouvez déjà trouver ces personnes. Quand vous lancez une alerte en temps réel en appuyant sur le bouton principal, l’application calcule la position des 50 premières personnes autour de vous sans limitation géographique. En moyenne, 10 prises de contact se font en une minute, il y a trois à quatre appels téléphoniques et le reste a lieu par chat. L’application permet une mise en relation très rapide et très efficace. Ensuite, la personne en lien avec vous va se renseigner sur votre situation et vous demander si vous souhaitez qu’elle contacte les autorités pour vous, sans jugement. Il y a des formations tous les mois auxquelles toutes les utilisatrices peuvent participer.
Avec l'application, nous agissons sur l'instant avant que les faits ne soient commis, avant que ce ne soit trop tard, avant que nous vivions des traumas et que nous ayons cette charge à porter.
L’application THE SORORITY est désormais ouverte aux utilisatrices entre 12 et 15 ans, pensez-vous que les jeunes filles vont se saisir de cette opportunité de protection ?
Avant, l’application était uniquement ouverte aux femmes et personnes issues des minorités de genre majeures. Désormais, vous pouvez y accéder entre douze ans et l'infini. Entre douze et quinze ans, nous appliquons la loi sur la majorité numérique. Nous récupérons l'autorisation d'un représentant légal vers lequel vous pouvez vous rediriger, pour pouvoir entrer sur l'application. Les jeunes filles sont de plus en plus présentes sur l’application. Il y a eu énormément de demandes et les inscriptions se font au fil de l’eau, via le bouche à oreille.
L’application est désormais disponible en anglais. Quelle est votre ambition avec cette évolution ?
Nous avons un objectif : qu'il y ait de plus en plus de personnes sur des territoires de plus en plus nombreux. C’est pour cela que nous devons compter des expatriées parmi nous, mais aussi des anglophones qui seront incluses dans le cercle d’entraide. Plus nous sommes nombreux, plus nous sommes efficaces.
Vous avez lancé la plateforme SAVE YOU il y a un an. Pourquoi les femmes expatriées sont-elles un public clé dont il faut prendre soin ?
SAVE YOU est une plateforme dédiée aux femmes et aux familles françaises établies hors de France. Si une personne subit des violences conjugales et intrafamiliales dans les grandes villes françaises ou dans les zones rurales, c’est déjà très compliqué. Mais à l'étranger, c’est encore pire. Ayant été auparavant expatriée, j'ai vu que sur mon visa était mentionné housewife, que je n'avais pas le droit d'ouvrir un compte bancaire, etc. Il faut cumuler à cela l'isolement, le fait de se trouver à des milliers de kilomètres de sa famille et d’avoir une dépendance économique et administrative parfaite. En général, la personne violente coupe tous les accès financiers et la victime de ces violences ne peut faire aucune démarche : trouver un avocat, se défendre et prendre soin d'elle devient très compliqué. La communauté d’expatriés étant assez petite, la peur que leur situation s’ébruite est aussi un frein important pour les victimes.
À partir de ce constat, nous avons créé une plateforme qui permet à ces femmes de nous envoyer un mail expliquant leur situation. Dès la réception de ce mail, nous nous mettons à leur disposition pour les écouter et être à leurs côtés quoiqu'il arrive. Selon leur besoin, nous les dirigeons vers des avocats, des juristes, des psychologues et psychiatres, ou encore des associations locales.
Le maître-mot, c'est de rappeler aux personnes qu'elles ne sont pas seules.
Quel bilan tirez-vous après le premier anniversaire de cette plateforme ?
Nous travaillons avec les autorités françaises, avec le ministère des Affaires étrangères et avec le tissu associatif local. Grâce à ce réseau, nous avons aidé plus de 170 familles depuis un an sur SAVE YOU, dont quinze familles uniquement au Royaume-Uni. Par exemple, nous avons eu à traiter des situations de mariage forcé, notamment vers le Pakistan, dans le cas de couples binationaux. Je ne m’attendais pas du tout à ce type de situations, et cela nous montre bien qu’il faut être ultra-présentes pour ce public.
SAVE YOU : lutter contre la violence conjugale chez les Français de l’étranger
Comment vous soutenir ?
Sans bouche à oreille, nos plateformes n’auraient jamais eu le succès qu’elles connaissent aujourd’hui. Donc il faut continuer à parler de THE SORORITY et de SAVE YOU. Au fur et à mesure, nous sécurisons nos endroits, nos quartiers, nos villes. À force d'en parler, nous réduisons les distances entre chacune sur la carte. Vous pouvez aussi adhérer et faire un don à The Sorority Fondation.