À l’heure où la France et l’Europe renforcent leur engagement envers l’Ukraine et où le contexte budgétaire national suscite inquiétudes et débats, Hélène Conway-Mouret, sénatrice des Français établis hors de France nous détaille ses priorités pour la rentrée 2025 : “Le réseau éducatif français à l’étranger doit être protégé et soutenu”.


Une de mes priorités est de suivre activement les travaux de l’AFE : analyser les résolutions votées, saisir l’administration ou les ministères
Quelles sont vos priorités pour cette rentrée 2025 ?
Cette rentrée est marquée par la poursuite du travail autour des Assises pour la protection sociale des Français de l’étranger. La commission des Affaires sociales de l' Assemblée des Français de l’étranger (AFE, présidée par Florian Bohème, en avait fait la demande sans succès. Grâce à un courrier que j’ai initié et que tous les parlementaires ont signé, nous avons obtenu le soutien des présidents des deux Chambres pour saisir le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Elles ont débuté il y a six mois et les conclusions seront rendues en octobre.
Ces rencontres vont déboucher sur des propositions et concrétiser des avancées pour les familles françaises à l’étranger, notamment sur l’aide à la scolarité ou le statut des AESH, la santé et l'avenir de la CFE. Les tables rondes ont été de très bonne qualité et l’administration apprécie ces échanges qui leur permettent de mieux comprendre les enjeux actuels, de réévaluer les systèmes existants – certains n’avaient pas été repensés depuis vingt ans. Plus généralement, une de mes priorités est de suivre activement les travaux de l’AFE : analyser les résolutions votées, saisir l’administration ou les ministères pour qu’elles soient traduites en actions et éviter que certaines restent lettre morte.
Je poursuis aussi mes interventions internationales : conférences sur la diplomatie, la défense européenne, la sécurité et la défense en Europe, avec des déplacements à Lausanne, Londres, New York, Halifax, Doha ou Munich. Le 22 octobre, je présenterai mon rapport parlementaire sur la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), un sujet central pour assurer la sécurité du continent et la capacité de l’Europe à se défendre.
Aujourd’hui, le message de Donald Trump est clair : les Européens doivent assurer leur propre sécurité et financer le soutien américain

Vous avez interrogé le gouvernement sur le soutien de la France et de l’Union européenne à l’Ukraine. Quel est l’état de ce soutien aujourd’hui ?
Il s’agit avant tout de préparer la paix et d’assurer notre autonomie stratégique. Historiquement, après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe a sous-traité sa défense aux États-Unis, faute de moyens et pour concentrer ses ressources sur la reconstruction. Depuis 1945, nous sommes dépendants des Américains. Aujourd’hui, le message de Donald Trump est clair : les Européens doivent assurer leur propre sécurité et financer le soutien américain. Tous les présidents américains ont répété cette idée, avec le concept de « burden sharing » – le partage du fardeau de la défense. Donald Trump ne veut plus que les États-Unis financent seuls notre sécurité. Tous les pays européens augmentent significativement leur budget de défense depuis le début de l'année. L'Union européenne met également en place des outils pour soutenir cet effort financier.
C’est pourquoi il est essentiel de développer une base industrielle et technologique de défense européenne, capable de produire avions, bateaux, missiles et munitions de façon autonome. Au début de la guerre en Ukraine, nous n’avions pas les moyens matériels de la soutenir efficacement, faute de stocks suffisants. Aujourd’hui, cette situation a conduit à accélérer la production tout en réduisant les délais de livraison ainsi que la planification industrielle afin que l’Europe puisse se défendre par elle-même.
Qu’est-ce que le “burden-sharing” ? Ce terme ou “partage du fardeau”, existe depuis les années 1950 dans les relations de défense entre les États-Unis et leurs alliés, en Europe comme en Extrême-Orient. Il correspond à l’idée qu’un accord de défense asymétrique doit prévoir un mécanisme d’ajustement, afin que tous les partenaires participent équitablement à la sécurité collective. Depuis la campagne présidentielle de 2016, Donald Trump a fait du rééquilibrage du « fardeau » des alliances de défense l’un des axes majeurs de sa politique de sécurité. Si le style direct et peu diplomatique de Trump surprend, le principe lui-même n’est pas nouveau et est de s’assurer que les alliés contribuent réellement aux coûts et aux responsabilités de leur propre défense.
Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, dont le budget est déjà limité, subit des réductions de crédits chaque année

Quelle est votre perception de la situation budgétaire française ?
La situation est préoccupante. Huit ans après le début du mandat d’Emmanuel Macron, nous n'avons plus de marges pour cause d'un énorme déficit auquel s'ajoute une dette colossale. La dégradation de la note de la France sur les marchés et l'augmentation du taux d'emprunt sont inquiétants. Le problème est que les économies proposées par le gouvernement ciblent toujours les mêmes secteurs. Par exemple, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, dont le budget est déjà limité, subit des réductions de crédits chaque année. L’an dernier, 75 millions ont été supprimés, ce qui impacte directement les postes, les services et la qualité du service rendu. Le débat budgétaire pour cette année sera difficile.
Dans le même temps, le ministère de la Défense bénéficie de 3 milliards d’euros supplémentaires, conformément à la loi de programmation militaire. Ces crédits sont essentiels pour honorer les commandes de l’État et permettre à nos industriels de produire efficacement. Sans cette augmentation, il serait impossible de maintenir le rythme de production nécessaire à la sécurité nationale.
le système éducatif français est solide et performant. Les parents qui font l’effort d’inscrire leurs enfants dans des établissements français font un choix pertinent.

Quel message souhaitez-vous adresser à nos lecteurs, Français de l’étranger ?
Je veux rappeler que le système éducatif français est solide et performant. Les parents qui font l’effort d’inscrire leurs enfants dans des établissements français font un choix pertinent. Une éducation solide donne aux enfants la liberté de choisir leur parcours, d’acquérir des compétences et de réussir dans la vie, quel que soit leur niveau d’études. Mais ce réseau éducatif, construit depuis des décennies, doit être protégé et soutenu. Il permet aux enfants de passer le baccalauréat français, reconnu à l’international et facilite l’accès aux universités à l’étranger, tout en consolidant la transmission de la langue, des valeurs démocratiques et de l’esprit citoyen. Les associations de parents d’élèves jouent un rôle essentiel dans ce maintien. Il est crucial de préserver ce réseau pour que nos enfants deviennent des citoyens du monde compétents et avertis.
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