Il y a 5 ans, un cadre socialiste, Boris Faure, est agressé à coups de casque à Paris par un député des Français de l'étranger. Une affaire dont le jugement, qui vient d’être rendu, entraîne de nombreuses conséquences. Boris Faure réagit en exclusivité et nous parle de Coups de Casque, son livre qui relate son expérience et évoque plus généralement le sujet de la violence en politique.
Le 30 août 2017, Boris Faure, responsable socialiste, sort du cabinet de son psychanalyste rue Broca, dans le 5ème arrondissement de Paris. Il croise le chemin d’un député des Français de l'étranger, M’jid El Guerrab. L’échange s’envenime et se termine par deux violents coups de casque assénés par le parlementaire sur le socialiste. Ce dernier se retrouve à l’hôpital, victime d’une hémorragie cérébrale grave, qui provoque un coma de plusieurs jours. Depuis, M’jid El Guerrab est poursuivi pour avoir « volontairement commis des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ». Le 12 mai 2022, il est condamné à un an de prison ferme et deux ans d'inéligibilité. Il fait appel. C’est dans un café du 10ème arrondissement que nous avons rencontré Boris Faure pour nous parler de Coups de Casque, un livre qui raconte son histoire et qui démontre que, si cinq années sont passées, les cicatrices tant physiques que psychiques demeurent.
Raconter l’histoire m’a fait du bien et m’a permis de ne pas occulter l’aspect dramatique de l'événement mais aussi de ne pas sombrer
Votre livre vient d’être publié chez VA-Editions. Il revient sur cet évènement marquant de votre vie. Pourquoi avoir décidé de l’écrire aujourd’hui ?
J’ai entamé ce livre trois mois après l’agression. Mais il m’a fallu cinq ans pour trouver la bonne formule. C’était soit trop chargé en émotions, soit pas assez. J’ai même pensé à écrire une fiction. Je pense avoir trouvé le bon ton, en complétant la partie récit par un essai sur la violence en politique, une prise de recul.
Il y a évidemment l’aspect cathartique. Raconter l’histoire m’a fait du bien et m’a permis de ne pas occulter l’aspect dramatique de l'événement mais aussi de ne pas sombrer. Ce livre est aussi un résumé de ce que je suis, ce qui m’a constitué. Au-delà de mon agression, je raconte 20 ans de vie politique.
Si vous ne parlez pas de votre vérité, d'autres se chargeront de l'écrire à votre place
Il y a eu beaucoup de spéculations sur ce qui s’est passé le 30 août 2017. Pourquoi avez-vous eu besoin de publier votre version ?
J’ai voulu raconter l'histoire intégrale en attendant le procès et que les pièces de l'instruction soient rendues publiques. Tous les éléments factuels évoqués ne représentent pas ma vérité, mais la vérité judiciaire, celle établie sur la base de témoignages multiples.
Dans mon cas, il y a eu deux agressions en une. Il y a eu bien sûr ces deux fameux coups de casque, ce qui est sans précédent. Et j’ai vécu une seconde agression pendant que j’étais dans le coma et dans l’incapacité de me défendre : une invention de toute pièce, un scénario rocambolesque écrit par mon agresseur, se victimisant et me présentant comme raciste. C’est hallucinant quand on connait mon parcours et mon lien de camaraderie avec M’jid El Guerrab.
Si vous ne parlez pas de votre vérité, d'autres se chargeront de l'écrire à votre place. C’est une bataille d’information évidente. Encore aujourd’hui, il y a des mensonges et des diffamations autour de ce jour-là. Les faits sont accablants mais la violence n’a toujours pas été admise par mon agresseur, et ce malgré un premier verdict extrêmement net. Pour moi, ce livre n’est pas qu'un simple récit, mais un polar politique qui s'est écrit depuis cinq ans et qui est encore en cours d'écriture, avec des rebondissements.
Candidat aux Législatives pour la 9ème circonscription des Français de l’étranger, M’jid El Guerrab a renoncé à se présenter suite à sa condamnation. Comment réagissez-vous à cette décision ?
Cette décision ne peut pas aller de soi. Nous pouvons faire la vérité pour les nuls, et dire que le député a choisi de se retirer avec noblesse. J’ai beaucoup de contacts politiques. La vérité est qu'il a fallu qu'il y ait des pressions pour qu'il s'en aille. Il n'avait pas compris par lui-même que lorsque l’on est condamné pour violence, on doit en tirer les conséquences tout de suite. Pourquoi en sommes-nous là aujourd’hui ? Selon moi, c’est parce qu’il y a 5 ans, mon agresseur a raté la seule sortie honorable possible, qui était de démissionner de l'Assemblée nationale après l’agression. Une occasion ratée d’être digne. Même au-delà de notre conflit, nous parlons ici de l’image que les Français de l’étranger ont de leurs élus.
M’jid El Guerrab a déclaré dans un communiqué qu’il compte désormais « consacrer toutes ses forces dans sa défense judiciaire » en interjetant appel de sa condamnation. Quelle est votre réaction ?
Je veux rendre hommage à mes deux avocats, Patrick Klugman et Ivan Terel. Les avoir à mes côtés me donne beaucoup de confiance pour la suite. Nous avons un dossier qui a été bétonné par la juge d'instruction sur lequel il n'y a aucun doute. Si je peux faire passer un message à M’jid El Guerrab, c’est de ne pas trop se fatiguer à maintenir sa version calomnieuse parce que, s’il continue, il devra rendre des comptes devant d'autres juridictions, puisqu’il y a aussi un procès en diffamation. Nous irons jusqu’au bout, absolument jusqu’au bout.
On ne se remet pas comme ça d’une double agression
Quelle est votre relation actuelle avec la politique ?
J’ai toujours une relation passionnelle avec la politique mais je pense que cet épisode de ma vie m’a affaibli physiquement et psychiquement. On ne se remet pas comme ça d’une double agression. La politique est terriblement belliqueuse, violente et nécessite de mobiliser beaucoup d'énergie. Aujourd’hui, j’ai choisi de ne pas m’engager autant mais de conserver ce rôle de militant qui me tient à cœur.
Je considère que c’est à nous d'aider nos compatriotes de l'Hexagone à élargir leur espace mental et de porter un cosmopolitisme heureux
Quels sont vos projets à venir ? Concernent-ils les Français de l’étranger auxquels vous êtes particulièrement lié ?
Il y a d'abord ce qui me fait vivre et qui m'anime : ma vie syndicale. Je suis représentant du personnel pour l’AEFE et je veux continuer à faire en sorte que l’AEFE rayonne de par le monde. Étant moi-même un Français de l’étranger depuis 2002, je souhaite continuer de l’être par mes engagements. Je pense sincèrement que nous, les Français de l’Etranger, devons être engagés - dans des structures associatives, des partis politiques etc… - pour casser cette image de démissionnaires de la République, de fuyards ou même d’exilés fiscaux. Je considère que c’est à nous d'aider nos compatriotes de l'Hexagone à élargir leur espace mental et de porter un cosmopolitisme heureux.
A côté de cela, j’ai des projets créatifs, et notamment des projets d’écriture. C’est une immense fierté d'avoir ma carte de la Maison des artistes, et donc d’être considéré aujourd’hui comme un artiste auteur, car ma vie ne sera jamais que de la politique.
En parallèle de cette interview, nous avons contacté M’jid El Guerrab pour lui donner l’opportunité de s’exprimer, ce qu’il ne souhaite pas. Son avocat, Maître Binsard précise : “M. El Guerrab a choisi de se faire discret et de ne pas communiquer. Il a en effet renoncé à son mandat et de se représenter [NDLR à la 9ème circonscription des Français de l'étranger]. Il a été abasourdi par la sévérité de la condamnation qui a été la sienne. Aujourd’hui, il vit une période difficile, il est dans une optique de reconstruction. Il a pris acte de ce jugement, et il en a fait appel, de manière à se défendre parce que la sanction est évidemment très sévère et, je crois, disproportionnée compte tenu du dossier.”