L’expatriation est souvent racontée comme une aventure excitante, un nouveau départ, un projet à deux ou en famille. On parle d’opportunités professionnelles, de découvertes culturelles, de défis linguistiques... mais bien plus rarement de ce qui se passe dans l’intimité du couple. Et pourtant, vivre ailleurs, c’est aussi ressentir autrement. C’est bouger à l’extérieur... et à l’intérieur.


Cyrielle Augier, Sexothérapeute & thérapeute de couple. Instagram : Atelier sexo : @atelier_sexo ou cyrielle : @cyrielle nyc
En tant que sexothérapeute et thérapeute de couple à New York, j’accompagne de nombreux couples expatriés. Et je vois à quel point cette expérience bouleverse, remet en question, parfois fragilise, mais aussi révèle et transforme profondément les liens affectifs et sexuels...
Les couples, lorsqu’ils trouvent une manière de se rencontrer au milieu de ces différences, développent une richesse relationnelle et une créativité incroyables.
Un lit, deux passés, trois cultures
Dans l’intimité d’un couple expatrié, il n’y a jamais seulement deux personnes. Il y a aussi deux histoires, deux éducations, deux bagages culturels, parfois deux langues et souvent des normes différentes sur le couple, le corps, le désir et les émotions.
Les couples binationaux, nombreux ici à New York, sont particulièrement confrontés à ces écarts :
• Ce qui est romantique dans une culture peut être perçu comme intrusif dans une autre.
• Ce qui est tabou pour l’un peut sembler banal à l’autre.
• Et quand on ne partage pas la même langue maternelle, il faut parfois réapprendre à nommer ses besoins, son plaisir, ses frustrations sans les codes habituels.
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Mais ce n’est pas un obstacle. C’est un défi, oui, mais aussi une occasion de s’écouter autrement, d’ouvrir des espaces de dialogue, de sortir de ses réflexes. Ce que je constate, c’est que ces couples, lorsqu’ils trouvent une manière de se rencontrer au milieu de ces différences, développent une richesse relationnelle et une créativité incroyables.
Dans certains cas, l’expatriation agit comme un révélateur : ce qui n’était jamais dit dans le couple remonte à la surface.

Vivre à l'étranger, le couple face à l’inconnu
Vivre à l’étranger, c’est aussi souvent redéfinir sa place dans le couple. Le partenaire « support » peut vivre un sentiment de perte : perte de repères, de statut professionnel, de réseau social… Et cette perte a un impact direct sur la confiance en soi, l’image de soi, et donc sur la relation amoureuse et sexuelle. De l’autre côté, celui ou celle qui « réussit » dans cette nouvelle vie peut ressentir de la culpabilité, ou ne pas voir la souffrance silencieuse de l’autre. Cette asymétrie crée parfois des malentendus, des tensions, du retrait affectif.
Dans certains cas, l’expatriation agit comme un révélateur : ce qui n’était jamais dit dans le couple remonte à la surface. Certains découvrent qu’ils ne se connaissent pas si bien que ça, qu’ils n’ont jamais vraiment parlé de sexualité, ou que leur intimité était en pilote automatique. Loin de leur zone de confort, les masques tombent, les besoins profonds se montrent. Mais cette zone d’inconfort peut devenir un lieu de transformation. C’est là qu’on peut apprendre à se redécouvrir, à se réajuster, à parler vrai.

(Re)trouver une intimité vivante, c’est parfois réapprendre à se toucher, à se regarder, à se parler.
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(Re)trouver son intimité à deux
L’intimité, ce n’est pas seulement le sexe. C’est la capacité à se rencontrer dans sa vulnérabilité, à se montrer tel(le) qu’on est, à oser dire ce que l’on ressent, ce que l’on souhaite, ce que l’on n’ose plus. Et ça, ça s’apprend, encore plus quand le contexte est nouveau, voir même déroutant.
Mon approche, notamment à travers les érotypes, permet de comprendre comment chacun fonctionne dans sa manière d’aimer, de désirer, de se relier. On sort du jugement (« je suis trop », « il est pas assez », « on est trop différents »), pour aller vers plus de compréhension, de curiosité, de souplesse. (Re)trouver une intimité vivante, c’est parfois réapprendre à se toucher, à se regarder, à se parler. C’est retrouver du jeu, de la complicité et du plaisir. Et souvent, ce chemin passe par une meilleure connaissance de soi, en tant qu’individu, avant même de réparer ou nourrir le couple.
Et si ce nouveau territoire extérieur était aussi l’occasion d’explorer un nouveau territoire intérieur ?

Comment équilibrer sa charge mentale pour une vie intime épanouie en expatriation ?
Et si l’expatriation était une invitation à redessiner son intimité ?
Il y a parfois du flou, des ajustements, des malentendus… mais aussi beaucoup de possibles dans l’intimité des couples vivant à l’étranger. Loin des automatismes de notre pays d’origine, de notre éducation, des injonctions sociales ou familiales, l’expatriation offre un espace inédit : celui de la réinvention.
C’est une chance précieuse, parfois inconfortable, mais profondément fertile. Elle oblige à se repositionner dans le couple, à redéfinir ce que l’on veut, ce que l’on désire et ce que l’on n’accepte plus. Elle peut déstabiliser, mais elle peut aussi libérer. Elle nous met face à nous-mêmes, à notre rapport au plaisir, à la communication et à la vulnérabilité. Alors si vous êtes en couple à l’étranger, ou que vous vivez une relation à distance, posez-vous cette question : Et si ce nouveau territoire extérieur était aussi l’occasion d’explorer un nouveau territoire intérieur ? L’expatriation ne garantit pas l’épanouissement, mais elle en crée les conditions. À condition d’oser se regarder en face, de se parler vrai… et peut-être, de se réinventer à deux.
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