Comme Léa*, des femmes et des hommes font face à des violences en expatriation et cherchent de l’aide. Qu’elles soient physiques, psychologiques, économiques ou sexuelles, le combat pour s’en sortir est intense. En cette journée internationale de l’élimination de la violence à l’égard des femmes (25 novembre), le témoignage de Léa* résonne, plus fort que jamais.
Léa est brésilienne, maman de deux enfants. Elle est en couple avec son mari depuis 16 ans. Après avoir vécu au Brésil pendant 6 ans, ils décident un jour d’aller vivre en Turquie, pays natal de son conjoint. Si Léa raconte déjà subir de la violence psychologique de la part de son ex-mari -bipolaire, qui ne suit pas de traitement-, la situation se dégrade. Le couple se met d’accord pour vivre chacun de son côté en s’organisant pour la garde des enfants. Mais, très vite, son mari change d’avis, bloque les passeports des enfants, l’empêche de quitter le pays et envoie régulièrement la police chez elle. Léa entame un long combat dans un pays dont elle ne connaît ni les rouages, ni les lois…
Au moment où mon ex-mari a ciblé les enfants, ça a été le point tournant. J’ai pris la décision de cesser tout ça. »
L’expatriation de Léa en Turquie tourne mal
Léa est avocate et criminologue. Elle aide régulièrement des personnes en situation de violences conjugales : « ça m’a pris du temps pour me convaincre que j’étais moi-même une victime aussi. A la longue, vous devenez insensible. Vous êtes un zombie, vous n'écoutez même plus, il y a tellement d'agression tout le temps que votre esprit la bloque instantanément et vous arrêtez d'entendre pour vous protéger de la souffrance.... Au moment où mon ex-mari a ciblé les enfants, ça a été le point tournant. J’ai pris la décision de cesser tout ça. »
Le dialogue était impossible ! Il se sentait à l’aise dans son pays.
Léa discute avec son ex-mari pour trouver une solution financière et concernant les enfants. Pendant deux mois, la vie continue, chacun de son côté. Mais, un jour, son ex-époux prend un avocat, annule les passeports des enfants pour les empêcher de quitter le territoire. Il commence à se plaindre de Léa à la police locale. Celle-ci lui rend visite chaque semaine « sur fond de mensonges ! C’était vraiment le style Dirty John… [Série retraçant l’histoire vraie de Betty Broderick, épouse dévouée qui subit un divorce long et douloureux…qui lui fait perdre la tête au point d’assassiner son ex-mari et sa nouvelle femme.] »
Le combat juridique et psychologique de Léa commence
Le combat semble inévitable. « Je voulais toujours trouver un accord mais le dialogue était impossible ! Il se sentait à l’aise dans son pays. Il devait penser qu’il avait plus de droit que moi, en tant que natif, mais aussi en tant qu’homme. » Léa vit avec la peur viscérale de perdre la garde de ses enfants et de ne plus les voir. Elle commence à rassembler un maximum de preuves de toute violence psychologique et économique : « mon avocat, m'a assuré que je pourrai avoir la garde de mes enfants, et quitter le pays avec eux. J’ai conscience de mon privilège car j’avais de l’argent et une certaine connaissance de la loi, par mon métier. » Pour donner du poids à son combat, elle apprend le turc et réussit à obtenir une ordonnance restrictive contre son conjoint.
Parallèlement, son ex-mari continue de l’accuser de cyber crime, de menaces de mort et d’être une mauvaise mère. A chaque fois, Léa se justifie auprès de la police, avec la peur qu’on ne la croit pas ou qu’on la jette en prison. Il cesse également de payer les factures de la maison, l’électricité, le loyer et l’école des enfants. Il décide de déposer une demande administrative pour annuler la nationalité turque de Léa et l’empêcher, ainsi, de trouver un emploi et donc un salaire stable en Turquie. Après un an de procédure, la demande d’annulation est accordée. La pression administrative et financière atteint son paroxysme mais Léa – avec le soutien de la famille de son ex-mari - ne craque pas. « Il est devenu un vrai monstre, insensé, sans sentiments pour aucun d'entre nous, même pour les enfants, il les a pratiquement abandonnés, ne les appelait plus du tout… J’ai été soutenue par mes beaux-parents, des personnes justes et raisonnables, qui aimaient les enfants. »
Léa réussit à quitter la Turquie avec ses fils et divorcer
En mars 2020, la procédure officielle du divorce est lancée. En juillet 2020, après être passée devant un psychologue judiciaire avec ses enfants et le combat acharné de son avocat, Léa obtient la garde des enfants. Mais la maman souhaite quitter le territoire au plus vite, ce qui est impossible sans les passeports de ses fils, annulés par son ex-conjoint. S’ensuit un nouveau parcours du combattant pour réaliser un passeport turc, ainsi qu’un passeport brésilien. Pendant des semaines, Léa se démène, jusqu’à demander une décision d’urgence à la justice du Brésil pour que son Consulat réalise les passeports tant attendus. En décembre 2020, la famille quitte enfin la Turquie « J’ai pu rentrer auprès de ma famille au Brésil juste avant Noël, je l’ai vécu comme un miracle. »
Aujourd’hui, Léa vit avec ses garçons dans un pays de l’UE depuis avril 2021 où elle a trouvé un nouveau poste. Ses enfants sont heureux aussi, son fils aîné suit une thérapie « car l’impact de toute cette histoire a été fort sur lui » confie-t-elle.
« J’ai parfois l'impression d'être un phénix…C’est peut-être un peu cliché mais c'est bien ce que je ressens. Ma force vient de mes garçons. Je ne pourrais pas vivre sans eux, je ne peux même pas imaginer être loin d'eux. ».
*Le prénom a été changé
Comme Léa, vous pensez être victime de violences conjugales, qu'elles soient psychologiques, physiques, sexuelles ou économiques ? Sachez que vous n’êtes pas SEUL(E), et que vous n’avez pas à faire face SEUL(E). Contactez dès maintenant SAVE YOU, une plateforme internationale aux victimes de violences conjugales et intrafamiliales.
LE SAVIEZ- VOUS ? 1 femme sur 3 sera victime de violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie selon l'OMS. Pour combattre ce fléau, ONU Femmes France, l'association qui œuvre pour les droits des femmes et l'égalité de genre, lance une campagne de sensibilisation et de collecte de dons. Une initiative débutant chaque année à l'occasion du 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination des violences à l'encontre des femmes. Pour en savoir plus, cliquez ici