Bien plus qu’un simple contenant pour cahiers et crayons, le cartable raconte une histoire. Celle de l’école, bien sûr, mais aussi des familles, des modes de consommation et des évolutions sociales. Sa forme, son poids, et ce qu’il contient en disent long sur les transformations du système éducatif dans le monde. Enquête.


Certaines sociétés l'érigent en patrimoine, d’autres en distinction sociale, d’autres encore ne l’imaginent même plus...
Au XIXe siècle, dans les sociétés occidentales, le cartable est encore un objet artisanal, conçu en toile ou en bois, robuste mais rudimentaire. Le XXe siècle marque un tournant car le cuir s’impose. Puis, dans les années 1960, des matières plus légères et abordables font sensation. Dans les années 1980, le cartable se transforme en support de consommation : Goldorak, Barbie, Pokémon ou Diddl s’invitent dans les cours de récréation françaises, transformant cet outil éducatif en objet identitaire. Aujourd’hui, le cartable n’a pas la même signification partout dans le monde. Transformables, imperméables ou même boucliers, certaines sociétés l'érigent en patrimoine, d’autres en distinction sociale, d’autres encore ne l’imaginent plus…car l’apprentissage pourrait n’être qu’en ligne.

Selon une étude de Verified Market reports publiée en 2025, le marché des sacs scolaires est évalué à 10,5 milliards USD en 2024 et devrait atteindre 15,8 milliards USD d'ici 2033. Avec 40 % de part de marché, l’Asie-Pacifique s’impose comme le premier acteur mondial, portée par la croissance de la classe moyenne en Chine et en Inde. Derrière, l’Europe représente 25 %, suivie de l’Amérique du Nord (20 %), l’Amérique latine (8 %) et enfin le Moyen-Orient et l’Afrique (7 %).

Au Japon, le cartable fait partie du patrimoine
Dans certains pays, le cartable est élevé au rang de patrimoine : le randoseru japonais, offert à l’entrée à l’école primaire, en est le parfait exemple. Concrètement, il s’agit d’un cartable en cuir de 30 cm de haut et 23 cm de large, porté par la plupart des écoliers japonais depuis 1885. L’objet en question est comme un rituel transmis de génération en génération, apportant l’idée que tout le monde est pareil et, qu’ensemble, les écoliers japonais forment un groupe soudé. Mais la popularité a un coût aujourd’hui. Le randoseru peut valoir parfois 60.000 yens (environ 350 euros), ce qui le rend moins accessible et éloigne le principe d’égalité. Le cartable japonais n’échappe pas à la volonté de se distinguer en personnalisant l’objet avec des patchs, des pins ou des porte-clés.

Quand le sac à dos l’emporte sur le cartable
La forme du cartable est très importante, et peut être un sac à dos dans certains pays. Nous retrouvons souvent des sacs scolaires aux Pays-Bas, mais aussi en Italie où les sacs à dos sont visibles dès le primaire. Plus tard, le cuir fait l’unanimité. En Californie, c’est le sac à dos (back pack) qui l’emporte largement nous confie Anne-Lorraine, correspondante pour lepetitjournal.com. Idem pour la Chine : “le sac à dos prime” raconte Didier, journaliste. Ces styles sont aujourd’hui profondément enracinés dans les cultures locales.. Mais le prix refroidit parfois. En Allemagne, il est d’ailleurs coutume de débourser plus de 200 euros pour un simple cartable et les parents ouvrent le porte-monnaie.
En Turquie, le cartable reste bien présent sous forme de sac à dos classique avec cahiers, manuels et trousse. Mais il y a une vraie spécificité, nous confie Sarah, journaliste pour lepetitjournal.com sur place : le projet FATİH, - lancé en 2010 - équipe les classes de tableaux interactifs et distribue des tablettes aux élèves à partir du collège. L’objectif est d’alléger le poids du cartable et de passer progressivement aux manuels numériques via la plateforme éducative EBA. “Dans la réalité, le papier reste encore très utilisé selon les écoles et les régions, et les tablettes servent parfois davantage à jouer qu’à étudier. Cela montre toutefois la volonté de moderniser l’éducation, surtout dans les zones urbaines.” nous confie notre correspondante.
Quels produits dans le monde ? Selon l’étude de Verified Market reports, les sacs à dos dominent avec 55 % du marché, grâce à leur polyvalence et leur durabilité. Les sacs à roulettes pèsent 25 %. Les cartables traditionnels ferment la marche avec 20 %. Les enfants représentent 50 % des ventes, devant les adolescents (30 %) et les adultes (20 %). Si les plus jeunes restent le cœur du marché, c’est toutefois le segment adulte qui devrait croître le plus vite, notamment grâce à l’essor des sacs professionnels et universitaires adaptés aux nouvelles habitudes de vie et d’apprentissage.

Certains parents choisissent d’équiper leurs enfants de cartables blindés...ou transparents.
Aux Etats-Unis, le cartable sert aussi de…bouclier
« Voici une plaque pare-balles qui se glisse dans le sac à dos de ma fille », montre une mère américaine dans une vidéo postée sur Tiktok… Lunaire pensez-vous ? et pourtant c’est bien vrai. Depuis janvier 2025, 44 fusillades ont eu lieu en milieu scolaire aux États-Unis. Dans ce climat d’angoisse, certains parents choisissent d’équiper leurs enfants de cartables blindés. À Minneapolis, le 27 août 2025, la rentrée a viré au cauchemar : un homme a ouvert le feu sur une classe d’enfants réunis pour prier. Depuis, le cartable blindé apparaît sur les listes scolaires comme une fourniture ordinaire.
Aux États-Unis, des cartables blindés pour préparer la rentrée scolaire
Il faut toutefois distinguer deux produits : d’un côté, les sacs blindés, renforcés dans leur conception, de l’autre, les plaques pare-balles, des inserts rigides ou souples à glisser dans un sac à dos classique. Ces équipements, vendus entre 99 et 500 dollars, sont conçus à partir de fibres balistiques similaires à celles des gilets pare-balles. Ils offrent généralement une protection capable d’arrêter la plupart des tirs d’armes de poing. En revanche, ils restent largement inefficaces face aux fusils d’assaut… Autre sac croisé à la rentrée aux Etats-Unis et notamment au Texas : le sac à dos transparent, souvent imposé à partir du collège…Ce qui facilite le travail des équipes de sécurité dans les écoles.
Un cartable peut atteindre 15 à 20 % du poids du corps. Car, en plus des fournitures, s’y ajoutent parfois le repas du midi comme en Australie ou en Inde.

En Asie, quand le climat influence le contenu du cartable
“Dans la poche avant, je mets des sacs vomitifs pour les trajets en bus mais aussi du gel apaisant si elles sont piquées par les moustiques en journée. La gourde a été choisie pour rester fraîche le plus longtemps possible avec la chaleur ici. Je rajoute une petite serviette en cas de grosse transpiration. Et, bien sûr, les cahiers de classe, il ne faudrait pas les oublier” conclut avec humour Julie, une maman expatriée au Vietnam. Le climat et la météo jouent aussi dans la cour des cartables, influençant parfois le choix. Le polyester est d’ailleurs souvent choisi dans les pays humides et ou pluvieux, car robuste et imperméable. Sa résistance à l’usure quotidienne est sans appel. En Inde, il cartonne avec le nylon, représentant collectivement environ 71,2% de la part de marché des sacs scolaires indiens en 2025. Des fabricants proposent aujourd’hui aussi des housses de pluie intégrées pour une protection accrue à la pluie.
Quand la légèreté de l’été laisse place à la lourdeur du cartable… Dans les faits, un cartable peut atteindre 15 à 20 % du poids du corps. Car, en plus des fournitures, s’y ajoutent parfois le repas du midi comme en Australie ou en Inde. Le sujet du poids du cartable scolaire est universel car il souligne un fléau de santé. En Belgique par exemple, une étude de 2018 de l’institut belge de santé Sciensano a montré que 12 % des 15-24 ans se plaignaient de douleurs au dos…En France en avril 2025, le député Marc Chavent a décidé de déposer une proposition de loi pour “limiter le poids des cartables utilisés à l’école”. Dans son texte, il souhaite inscrire l’obligation d’un dispositif permettant de limiter le poids des cartables, avançant une limite de 10% du poids de l’enfant… A suivre.
États-Unis, Inde, Singapour… Enquête dans les assiettes des cantines du monde

Et le cartable numérique dans le monde ?
Fanny, directrice d’une école française à Singapour nous confie y aller très progressivement avec le numérique : “Le numérique est peu présent en maternelle, voire pas du tout chez les tout petits. Nous développons progressivement son utilisation à l'élémentaire. Le cahier est toujours présent puisque ce sont les années clés pour développer les compétences graphiques, l'écriture.” En Chine, notamment dans les Lycées Français de Shanghai et Hong Kong, il est recommandé d’équiper nos enfants d’ordinateurs pour accéder aux ressources scolaires en ligne, faire des travaux de groupe à la maison. Mais les élèves ne peuvent pas l’apporter en classe, à moins de bénéficier d’une dérogation, précise Hélène, maman expatriée et journaliste pour lepetitjournal.com Hong Kong.
Les innovations, du suivi GPS, aux connecteurs USB, en passant par des dispositifs anti-vol, transforment le secteur du cartable
Les compartiments pour les appareils électroniques sont recherchés, répondant aux besoins des jeunes avertis en technologie. La technologie s’empare aussi du contenant : Les innovations, du suivi GPS, aux connecteurs USB, en passant par des dispositifs anti-vol, transforment le secteur du cartable. Mais attention, s’il n’est pas interdit de placer un traceur GPS dans le cartable de son enfant en France du moins, il vaut mieux prévenir l’enseignant pour éviter tout malentendu… Miroir de l’éducation, des tendances de consommation et de l’évolution technologique, le cartable sera toujours et partout… le reflet de l’enfance.
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